« On a failli rater cet énorme scandale », a alerté sur X, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel (LFI).
L’objet de la colère du député est un amendement du gouvernement adopté par le Sénat lors de l’examen de la partie recettes du budget, le dimanche 1er décembre. La mesure prévoit d’abaisser le seuil d’exemption de TVA pour les petites entreprises à 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel. Jusqu’ici, le seuil de 85 000 € pour le commerce de biens et 37 500 pour les prestations de services.
« Ces seuils très élevés génèrent des distorsions de concurrence importantes au sein du segment des petites et moyennes entreprises, entre celles qui y recourent et celles qui n’y recourent pas. Cela peut favoriser le recours en masse à la sous-traitance par de grands acteurs […] il apparaît opportun de simplifier et de rationaliser le dispositif de franchise en base en matière de TVA en instaurant un seuil unique de franchise fixé à 25 000 euros, ce qui générera en outre des recettes fiscales significatives », argumentait dans l’hémicycle, Laurent Saint-Martin à l’époque ministre chargé du budget et des Comptes publics.
Les trois groupes de gauche n’avaient pas pris part au vote
Le ministre n’avait pas eu à s’employer beaucoup pour convaincre les sénateurs. L’examen de l’amendement n’avait donné lieu à aucune explication de vote. L’amendement avait été adopté par 228 voix contre 14. Les trois groupes de gauche n’avaient pas pris part au vote. Et pour cause. Ecologistes, communistes et socialistes avaient quitté l’hémicycle pour protester après de nombreuses secondes délibérations demandées par le gouvernement,
Les auto-entrepreneurs « vont en payer les conséquences puisque leur prix sera plus cher et qu’ils devront avec de toutes petites structures s’organiser pour la collecter et la reverser », a dénoncé sur X, Éric Coquerel.
Interrogé par l’AFP, Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), calcule que ce seuil unique conduira « 250 000 auto-entrepreneurs » supplémentaires à devoir collecter la taxe sur la valeur ajoutée. Ces derniers devront « facturer 20 % plus chers leurs clients pour la même prestation », afin de répercuter la TVA. « Ils vont devoir ensuite collecter cette TVA sur leur compte bancaire et la reverser de manière semestrielle à l’Etat français, ce qui correspond ni plus ni moins à une énorme complexification comptable », a-t-il anticipé tout en prédisant « une perte de marges ».
« Cette mesure va fragiliser de nombreux auto-entrepreneurs. Je sais de quoi je parle puisque je l’ai été. Seuls pourront continuer, ceux pour qui l’auto-entreprise est une activité annexe. L’auto-entreprise n’est pas un statut parfait mais il permet à certains de développer une activité économique dans les territoires ruraux ou tout en échappant à des lourdeurs administratives. C’est une mesure à contre-courant alors que le gouvernement appelle à plus de simplification », estime le sénateur PS, Simon Uzenat.
Un statut qui « crée toute une population de prestataires pauvres »
« On a oublié à quoi sert ce statut d’auto-entrepreneur. Il ne peut être que transitoire pour des gens qui lancent leur activité. Je ne sais pas s’il s’agissait d’une intention du gouvernement mais cette mesure va peut-être en pousser certains à trouver un autre statut pour leur activité. Ils étaient, jusqu’à présent, dans une situation d’exception », relève de son côté Olivier Rietmann, le président LR de la délégation sénatoriale aux entreprises pour qui ce statut « créé toute une population de prestataires pauvres ».