Ce matin, Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste, était l’invitée de la matinale de Public Sénat. Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé sa volonté qu’une loi spéciale soit déposée dans les prochains jours au Parlement, quelles seront les modalités de son examen devant les deux assemblées parlementaires ? Les élus pourront-ils déposer des amendements sur le texte ? Un gouvernement démissionnaire peut-il défendre un tel texte ? Explications.
Budget 2025 : « Les vaincus se sont alliés aux loosers pour gouverner », tacle Fabien Gay
Par Public Sénat
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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) est arrivé sur le bureau du Sénat ce 8 novembre. Le texte transmis à la Chambre haute reprend très largement la mouture initiale du gouvernement, ainsi que certains amendements adoptés à l’Assemblée nationale. Les députés n’ayant pu aller jusqu’au bout de l’examen du texte avant l’expiration du délai prévu par la Constitution, l’exécutif a pu conserver la main sur la version présentée aux sénateurs.
Pour rappel, durant les débats au Palais Bourbon, la gauche est passée à l’offensive avec l’adoption de nombreux amendements portés par les députés du Nouveau front populaire. Charles de Courson, le rapporteur général (LIOT) du budget à l’Assemblée nationale, a chiffré à 30 milliards d’euros le volume supplémentaire de recettes ainsi dégagées, notamment du fait de très nombreuses hausses d’impôts.
« Ce gouvernement ne tient qu’à un fil, celui que tient Marine Le Pen »
« Les vaincus se sont alliés aux loosers pour gouverner et ne pas respecter le vote populaire. Et cela se voit à l’Assemblée : zéro plus zéro, ça ne fait pas une majorité. Et donc les députés du NFP font passer beaucoup d’amendements », a raillé le sénateur communiste de Seine-Saint-Denis Fabien Gay, ce vendredi 8 novembre sur le plateau de l’émission « Parlement hebdo » sur Public Sénat et LCP.
À plusieurs reprises dans l’hémicycle, les députés du Rassemblement national et du NFP ont dénoncé la faible mobilisation des soutiens du gouvernement, laissant entendre que ceux-ci cherchaient ainsi à décrédibiliser les débats. « Quand je considère les taux de présence, le groupe Ensemble pour la République, contrairement à ce qui peut être dit, est dans la moyenne du présentiel », a tenu à rectifier le député EPR des Yvelines Charles Rodwell, également invité de « Parlement hebdo » ce vendredi.
In fine, l’adoption du budget avant la date butoir du 31 décembre risque de passer par le déclenchement du 49.3, utilisé sur tous les textes budgétaires depuis 2022. À ce stade, le Rassemblement national laisse planer le doute sur un vote de la censure si le gouvernement venait à opter pour un passage en force. « Cela montre, aux yeux des Français, que ce gouvernement ne tient qu’à un fil, celui que tient Marine Le Pen », pointe Fabien Gay.
Refonte des cotisations patronales
La version du budget envoyé au Sénat réintègre notamment l’article 6 sur la réduction des allégements de cotisations patronales. L’exécutif a été mis en minorité lors des débats sur cette mesure, et celle-ci finalement rejetée faute de soutiens du côté de la droite et des élus macronistes, très critiques à ce sujet.
Le gouvernement espère réaliser quatre milliards d’économies avec cette réforme, mais aussi pousser les employeurs à augmenter les salaires, dans la mesure où la plupart des exonérations patronales se situent aujourd’hui au niveau du Smic. Mais la droite et certains membres de la précédente majorité estiment que l’augmentation du coût du travail risque de dégrader la situation de l’emploi en France.
« La clef de la confiance, c’est la constance »
« J’ai déposé un amendement de suppression de la hausse des cotisations sociales, et nous avons remporté ce bras de fer à l’Assemblée », se félicite Charles Rodwell. « La première des libertés pour les Françaises et les Français, c’est le travail et je regrette que la gauche ne se félicite pas que l’on ait créé 3 millions d’emplois dans ce pays depuis sept ans. Nous voulons continuer sur cette trajectoire en passant de 7 à 5 % de taux de chômage », a-t-il défendu.
« Nous considérons que la clef de la confiance, c’est la constance. Dans un monde plein d’incertitudes, toucher à la stabilité fiscale des entreprises et des Français est un choix politique que nous ne voulons pas faire », a martelé l’élu.
« Les cotisations sociales ouvrent des droits »
Face à lui, Fabien Gay estime que les allégements patronaux mis en place ces dernières années se sont faits au détriment du salaire global des travailleurs. « Lorsque l’on dit que l’on veut rapprocher le brut du net [en supprimant des cotisations, ndlr], il faut comprendre que le salaire net c’est pour vivre tous les jours, et le salaire brut c’est le salaire différé, le salaire pour la vie. Les cotisations sociales ouvrent des droits », a rappelé le parlementaire.
« Quand on rapproche les deux, en vérité, on vous enlève du salaire global. Il faut que vous l’entendiez. On vous vole, c’est de l’argent qui part au capital, et pas au travail », ajoute-t-il.
La balle désormais dans le camp sénatorial
Ce dossier laisse présager de débats animés au Palais du Luxembourg. Mardi, lors de l’audition de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, plusieurs membres de la majorité sénatoriale de droite et du centre se sont inquiétés des destructions de postes qui pourraient être induites par une hausse des cotisations patronales. Leur nombre reste encore difficile à estimer à pour le moment.
Inversement, sur les bancs de la gauche, certains élus estiment que le gouvernement ne va pas encore assez loin pour pousser les employeurs à revaloriser les plus petits salaires.
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