« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée. Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs. « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères » Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi. Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité. Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette » Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ». Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS). Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu.
Budget 2025 : « Les vaincus se sont alliés aux loosers pour gouverner », tacle Fabien Gay
Par Public Sénat
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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) est arrivé sur le bureau du Sénat ce 8 novembre. Le texte transmis à la Chambre haute reprend très largement la mouture initiale du gouvernement, ainsi que certains amendements adoptés à l’Assemblée nationale. Les députés n’ayant pu aller jusqu’au bout de l’examen du texte avant l’expiration du délai prévu par la Constitution, l’exécutif a pu conserver la main sur la version présentée aux sénateurs.
Pour rappel, durant les débats au Palais Bourbon, la gauche est passée à l’offensive avec l’adoption de nombreux amendements portés par les députés du Nouveau front populaire. Charles de Courson, le rapporteur général (LIOT) du budget à l’Assemblée nationale, a chiffré à 30 milliards d’euros le volume supplémentaire de recettes ainsi dégagées, notamment du fait de très nombreuses hausses d’impôts.
« Ce gouvernement ne tient qu’à un fil, celui que tient Marine Le Pen »
« Les vaincus se sont alliés aux loosers pour gouverner et ne pas respecter le vote populaire. Et cela se voit à l’Assemblée : zéro plus zéro, ça ne fait pas une majorité. Et donc les députés du NFP font passer beaucoup d’amendements », a raillé le sénateur communiste de Seine-Saint-Denis Fabien Gay, ce vendredi 8 novembre sur le plateau de l’émission « Parlement hebdo » sur Public Sénat et LCP.
À plusieurs reprises dans l’hémicycle, les députés du Rassemblement national et du NFP ont dénoncé la faible mobilisation des soutiens du gouvernement, laissant entendre que ceux-ci cherchaient ainsi à décrédibiliser les débats. « Quand je considère les taux de présence, le groupe Ensemble pour la République, contrairement à ce qui peut être dit, est dans la moyenne du présentiel », a tenu à rectifier le député EPR des Yvelines Charles Rodwell, également invité de « Parlement hebdo » ce vendredi.
In fine, l’adoption du budget avant la date butoir du 31 décembre risque de passer par le déclenchement du 49.3, utilisé sur tous les textes budgétaires depuis 2022. À ce stade, le Rassemblement national laisse planer le doute sur un vote de la censure si le gouvernement venait à opter pour un passage en force. « Cela montre, aux yeux des Français, que ce gouvernement ne tient qu’à un fil, celui que tient Marine Le Pen », pointe Fabien Gay.
Refonte des cotisations patronales
La version du budget envoyé au Sénat réintègre notamment l’article 6 sur la réduction des allégements de cotisations patronales. L’exécutif a été mis en minorité lors des débats sur cette mesure, et celle-ci finalement rejetée faute de soutiens du côté de la droite et des élus macronistes, très critiques à ce sujet.
Le gouvernement espère réaliser quatre milliards d’économies avec cette réforme, mais aussi pousser les employeurs à augmenter les salaires, dans la mesure où la plupart des exonérations patronales se situent aujourd’hui au niveau du Smic. Mais la droite et certains membres de la précédente majorité estiment que l’augmentation du coût du travail risque de dégrader la situation de l’emploi en France.
« La clef de la confiance, c’est la constance »
« J’ai déposé un amendement de suppression de la hausse des cotisations sociales, et nous avons remporté ce bras de fer à l’Assemblée », se félicite Charles Rodwell. « La première des libertés pour les Françaises et les Français, c’est le travail et je regrette que la gauche ne se félicite pas que l’on ait créé 3 millions d’emplois dans ce pays depuis sept ans. Nous voulons continuer sur cette trajectoire en passant de 7 à 5 % de taux de chômage », a-t-il défendu.
« Nous considérons que la clef de la confiance, c’est la constance. Dans un monde plein d’incertitudes, toucher à la stabilité fiscale des entreprises et des Français est un choix politique que nous ne voulons pas faire », a martelé l’élu.
« Les cotisations sociales ouvrent des droits »
Face à lui, Fabien Gay estime que les allégements patronaux mis en place ces dernières années se sont faits au détriment du salaire global des travailleurs. « Lorsque l’on dit que l’on veut rapprocher le brut du net [en supprimant des cotisations, ndlr], il faut comprendre que le salaire net c’est pour vivre tous les jours, et le salaire brut c’est le salaire différé, le salaire pour la vie. Les cotisations sociales ouvrent des droits », a rappelé le parlementaire.
« Quand on rapproche les deux, en vérité, on vous enlève du salaire global. Il faut que vous l’entendiez. On vous vole, c’est de l’argent qui part au capital, et pas au travail », ajoute-t-il.
La balle désormais dans le camp sénatorial
Ce dossier laisse présager de débats animés au Palais du Luxembourg. Mardi, lors de l’audition de la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, plusieurs membres de la majorité sénatoriale de droite et du centre se sont inquiétés des destructions de postes qui pourraient être induites par une hausse des cotisations patronales. Leur nombre reste encore difficile à estimer à pour le moment.
Inversement, sur les bancs de la gauche, certains élus estiment que le gouvernement ne va pas encore assez loin pour pousser les employeurs à revaloriser les plus petits salaires.
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