Budget 2025 : le Sénat rejette le rétablissement des 4 000 postes d’enseignants promis par François Bayrou

Au bout de la nuit, la majorité sénatoriale a rejeté un amendement du gouvernement mettant en œuvre une partie de l’accord passé avec les socialistes, et qui mettait fin aux 4 000 suppressions de postes dans l’Education nationale proposées sous Michel Barnier. « 150 millions d’euros, ce n’est pas l’épaisseur du trait », a fait remarquer le rapporteur général du budget au cours des débats.
Romain David

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Le Sénat a fait voler en éclat, dans la nuit de mercredi à jeudi, la promesse du Premier ministre François Bayrou de revenir sur les 4 000 suppressions de postes dans l’Education nationale, devenues l’un des éléments centraux de l’accord de non-censure passé entre le nouvel exécutif et les socialistes. Les crédits dévolus à l’Education nationale ayant déjà été discutés et votés au Sénat avant la censure et l’interruption des travaux parlementaires début décembre, le gouvernement a donc demandé, comme l’y autorise le processus législatif, une seconde délibération sur cette partie du budget, afin d’y intégrer un amendement rehaussant le schéma d’emplois du ministère de l’Education nationale par rapport au texte initial présenté sous Michel Barnier.

Mais c’était sans compter sur les LR et les centristes, majoritaires au Sénat, qui ont peu goûté de voir ainsi bousculé des équilibres financiers déjà votés. « Si ces emplois sont pourvus, cela représente une dépense de 150 millions d’euros, ce n’est pas l’épaisseur du trait », a fait remarquer le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR).

« On nous dit qu’il faut baisser le nombre d’emplois publics, et là on demande une hausse sensible, en contradiction d’un vote unanime avant la suspension de nos travaux pour censure », s’est encore agacé cet élu. En effet, les différents groupes politiques au Sénat s’étaient entendus le 2 décembre pour finalement limiter cette diminution de 4 000 à 2 000 postes. « Ce vote unanime avait, me semble-t-il, l’avantage de tenir compte de l’évolution de la démographie, une baisse sensible qui va s’accélérer dans les prochaines années avec une chute de 6 % de la population, ce qui a des conséquences sur les effectifs. Je pense qu’il est de bonne politique de prévoir et d’accompagner les territoires, mais également d’adapter en responsabilité les effectifs des enseignants. »

Un flou entre les postes d’enseignants et les postes administratifs

L’Education nationale reste de très loin le premier employeur de l’Etat, avec 1,07 million d’emplois, suivi par le ministère de l’Intérieur (298 000 postes), puis celui des Armées et des Anciens combattants (271 000 postes). « Enfin ! Le gouvernement a pris à bras-le-corps le problème de l’éducation et considère qu’aujourd’hui, notamment dans nos territoires ruraux, nous avons besoin d’enseignants devant nos élèves », a salué le socialiste Thierry Cozic.

Stéphane Sautarel, vice-président LR de la commission des finances, a déploré un manque de précisions sur la ventilation des postes. « Ce ministère n’est pas capable de gérer la différence entre les fonctionnaires qui sont devant les élèves et les fonctionnaires qui font de l’administration administrante. Et donc, on ne peut pas obtenir que ce ne soit pas des postes devant les élèves qui soient supprimés quand nous avons des coupes à assumer en responsabilité », s’est-il agacé.

Une inquiétude également partagée par Cécile Cukierman, cheffe de file des communistes du Sénat, même si son groupe a soutenu le rétablissement de ces postes. « La vraie question c‘est : est-ce que oui ou non on est sur 4 000 postes d’enseignants ? », a-t-elle interrogé. « C’est-à-dire des individus apprenants aux élèves dans une classe, ou est-ce que l’on est sur des calculs qui font que l’on est sur 2 000 adultes devant des enfants et pour le reste une redistribution des postes pour des choses tout aussi importantes dans l’Education nationale mais qui feront que, in fine, nous n’aurons pas 4 000 enseignants devant nos enfants demain ? »

La création de 924 postes pour la justice également supprimée

L’amendement du gouvernement a été largement rejeté, par 184 voix (136 voix pour et 21 abstentions). Les membres du groupe Les Indépendants, qui rassemble les soutiens d’Edouard Philippe au Sénat, ont fait le choix de s’abstenir. Du même coup, la droite sénatoriale a aussi tiré une croix sur la création de 924 postes pour le ministère de la Justice, également porté par cet amendement. « D’un côté vous ciblez l’éducation, mais je ne vous entends pas sur les 924 postes de la justice… », a taclé Thierry Cozic à l’attention du rapporteur.

Les sénateurs ont achevé l’examen du budget vers 2h40 du matin. L’ensemble du projet de loi de finances pour 2025 doit encore faire l’objet d’un vote solennel ce jeudi 23 janvier. Selon toute vraisemblance, il devrait être adopté grâce à l’alliance droite-centristes qui domine la Chambre haute et soutient l’objectif de réduction des dépenses affiché par l’exécutif. Néanmoins, de nombreuses modifications pourraient encore être apportées le 30 janvier en commission mixte paritaire (CMP), une réunion de sept sénateurs et sept députés chargés d’élaborer une version de compromis du texte entre les deux chambres du Parlement. À cette occasion, la gauche ne devrait pas manquer de remettre en négociation les suppressions de postes.

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