SNU (Service National Universel) ceremony in Hyeres, France – 22 Jun 2023

Budget 2025 : le coup de pression des parlementaires pour supprimer le SNU

À la recherche d’économies, le gouvernement prévoit de réduire fortement la voilure sur le Service national universel (SNU). Peu convaincus par le dispositif, des sénateurs et députés de tous bords réclament même son arrêt. Mercredi, en préparation des débats sur le volet « dépenses » du projet de loi de finances 2025, des amendements de suppression ont été votés en commission, à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat. Ils devront néanmoins être représentés en séance.
Romain David

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À croire que les deux commissions des finances du Parlement s’étaient donné le mot pour porter l’estocade. Mercredi, à quelques heures d’intervalle, députés et sénateurs ont adopté deux amendements de suppression du Service national universel (SNU), dans le cadre des travaux préparatoires à l’examen du volet « dépenses » du budget de l’Etat. À l’Assemblée nationale, ce sont les rangs clairsemés du camp présidentiel qui ont permis aux élus du NFP de faire voter cette suppression.

Au Palais du Luxembourg, c’est le sénateur socialiste Éric Jeansannetas, auteur d’un rapport spécial sur les crédits de la Jeunesse, qui a présenté à ses collègues une proposition de baisse de 100 millions d’euros, finalement adoptée à l’unanimité moins deux abstentions, ce qui revient à éteindre le dispositif. « L’enveloppe restante de 28 millions doit servir à régler les dépenses inhérentes à la cessation du SNU », précise l’élu à Public Sénat.

Suppressions en série

Rappelons toutefois que les modifications apportées en commissions sur un projet de loi de finances ont seulement valeur d’avis. La Constitution prévoit que seul le texte présenté par le gouvernement soit débattu en séance publique à l’Assemblée nationale. Les amendements qui ont été adoptés en commission sont donc à nouveau présentés dans l’hémicycle.

Du côté de la Chambre haute, on ignore encore sur quelle version du texte les sénateurs auront à travailler à partir du 25 novembre. Soit la copie amendée par les députés, à condition qu’ils parviennent à voter un budget. Soit le projet initial du gouvernement si aucun texte ne sort du Palais Bourbon. Auquel cas, les amendements de suppression pourraient se multiplier. « J’ai l’intention d’en déposer un », glisse le sénateur centriste Laurent Lafon, le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

Pas de généralisation du dispositif

Le Service national universel est-il en train de vivre ses dernières heures ? Ce dispositif, voulu par Emmanuel Macron, devrait en tout cas faire les frais des importantes mesures d’économie déployées par l’exécutif pour redresser les finances publiques. Au point que sa généralisation, annoncée pour 2026, n’est plus d’actualité. Mais pas question pour l’heure d’envisager la suppression du SNU, a assuré Gil Avérous, le ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, lors d’une audition devant le Sénat mercredi soir. Pourtant, une large partie des parlementaires souhaitent en finir avec cette coûteuse promesse de campagne, dont ils estiment qu’elle n’a jamais atteint son objectif.

Le budget alloué au SNU devrait passer de 160 millions cette année à 128 millions d’euros en 2025. Le dispositif, dimensionné pour 80 000 volontaires en 2024, ne serait plus en mesure d’en prendre en charge que 66 000 en 2025. Voire seulement 40 000, si l’hypothèse d’un coup de rabot supplémentaire de 55 millions d’euros sur le budget des sports et de la jeunesse venait à se confirmer. « La généralisation annoncée pour 2026 demande un engagement financier, aujourd’hui inatteignable, en tout cas les crédits 2025 ne nous permettront pas d’aller au-delà de ce qui a été fait en 2024 », a reconnu Gil Avérous devant les sénateurs.

Au cours de cette audition, de nombreuses prises de parole se sont succédé pour réclamer la fin du SNU, en particulier du côté de la gauche : « Est-ce que ce n’est pas le moment de faire entendre raison au président, de lui dire stop, et de réorienter les fonds vers d’autres programmes ? », a notamment lancé la benjamine du Sénat, l’écologiste Mathilde Ollivier. Mais l’exécutif invoque le succès du dispositif auprès des participants pour justifier son maintien. Un taux de satisfaction de 90 %, selon le ministre, qui reconnaît toutefois « qu’il convient de s’interroger sur le format du SNU, son contour et son coût ».

« On voit bien que ça ne marche pas »

En septembre dernier la Cour des comptes a rendu un rapport au vitriol sur ce service civil, pointant à la fois l’absence de pilotage budgétaire et le manque « d’horizon clair ». Les Sages de la rue Cambon estiment que la généralisation du SNU, qui concernerait à terme 800 000 jeunes, coûterait entre 3,5 et 5 milliards d’euros. De leur côté, les parlementaires regrettent régulièrement l’absence de débat sur ce dossier.

Largement inspiré du service militaire, le SNU a été lancé en 2019 et reste encore au stade de l’expérimentation. Il se découpe en trois volets : un « séjour de cohésion de deux semaines » pour les 15-17 ans, centré sur des activités collectives et culturelles, suivi d’une « mission d’intérêt général » de douze jours. La troisième phase, optionnelle celle-ci, décrite comme un « engagement volontaire de plusieurs mois au sein d’un corps en uniforme ou d’une association », peut s’effectuer jusqu’à l’âge de 25 ans.

« Que fait-on de cet outil hybride ? En plus, on sait qu’il ne s’adresse pas spécifiquement aux jeunes qui en ont le plus besoin, mais à des jeunes assez volontaires qui sont déjà dans des dynamiques de socialisation », résumait la semaine dernière, au micro de Public Sénat, Laurent Lafon. Selon la Cour des comptes, 46 % des volontaires en 2023 ont des parents militaires, policiers, gendarmes ou pompiers. « Je n’ai pas d’opposition systématique à un dispositif qui crée du lien social, mais là, on voit bien que ça ne marche pas », abonde Éric Jeansannetas. Et de conclure : « On ne peut pas rester dans l’expérimentation pendant six ans… »

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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