Autonomie de la Corse : « Vous êtes en train de capituler devant les séparatistes », lance le sénateur LR Francis Szpiner à Gérald Darmanin

« Vous venez de déconstruire la République et d’ouvrir la boîte de Pandore », dénonce le sénateur LR, après qu’un accord a été conclu entre le ministre de l’Intérieur et les élus corses sur l’autonomie de l’île. Sans le vote du Sénat, la réforme de la Constitution, indispensable pour conclure la réforme, ne sera pas possible.
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La question corse s’est invitée aux questions d’actualité au gouvernement du Sénat, ce mercredi. L’accord (voir ici le texte) conclu entre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et une majorité des élus de l’île, ouvrant la voie à un statut d’autonomie de la Corse, après une réforme constitutionnelle, fait débat et même polémique. Chez les sénateurs LR, il passe mal. Bruno Retailleau, à la tête du groupe LR de la Haute assemblée, dénonce déjà des « difficultés absolument majeures ». Or sans le vote conforme du Sénat, pas de révision de la Constitution.

« Une manière très cagoulée de répondre… »

Le sénateur LR Francis Szpiner a pris le relais ce mercredi. « Ce texte viole à l’évidence les principes républicains », dénonce le sénateur de Paris. Cet avocat de profession cite au passage les mots du site internet de l’Elysée : « Aucun individu, aucune partie de la population française, ne peut s’arroger un exercice de la souveraineté qui appartient aux citoyens français dans leur ensemble ». Or le projet de réforme prévoit de donner à la Corse la possibilité de définir ses propres lois locales.

Lire aussi » Autonomie de la Corse : Bruno Retailleau dénonce des « difficultés absolument majeures »

« En vérité, votre texte, dont Monsieur Simeoni (président de l’exécutif Corse, ndlr) a compris le sens, puisqu’il sait le traduire. La “communauté”, c’est en réalité le peuple corse dissimulé. C’est finalement une manière très cagoulée de répondre à vous… La “linguistique”, c’est la co-officialité de la langue corse. “L’attachement singulier à sa terre”, c’est le statut de résidence. Et enfin, vous faites l’adaptation des lois et règlements sans le contrôle du Parlement. La vérité, c’est que vous venez de déconstruire la République et d’ouvrir la boîte de Pandore », dénonce Francis Szpiner, qui craint qu’après « la Bretagne », « en Alsace et au Pays Basque, on regarde avec impatience ce que vous êtes en train de faire ». Et d’ajouter : « Vous êtes en train de capituler devant les séparatistes. La République est une et indivisible. Et nous la défendrons ».

« Le Sénat aura le dernier mot », lance Gérald Darmanin

Gérald Darmanin rétorque et assure que le texte « ne prévoit ni le peuple corse, ni la co-officialité de la langue corse, ni le statut de résident ». Après la consultation de l’Assemblée de Corse, « il appartiendra évidemment aux deux assemblées de se prononcer et, si elles le souhaitent, de l’amender. Et par ailleurs, ce texte prévoit qu’une loi organique encadre chacune des dispositions qui permettent de décentraliser et parfois de définir les normes par la collectivité de Corse. C’est donc le Sénat qui aura le dernier mot », lance étonnamment le ministre de l’Intérieur.

En matière constitutionnelle, Assemblée et Sénat sont plutôt à armes égales. Le projet de loi doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres, donnant un pouvoir de blocage au Sénat, comme à l’Assemblée.

Lire aussi » [Document] Autonomie de la Corse : le texte de l’accord entre le gouvernement et les élus

Eric Ciotti voulait veut reconnaître « la spécificité de l’identité corse dans la République », rappelle le ministre

Gérard Darmanin s’amuse au passage à rappeler une interview d’Eric Ciotti, président de LR, accordée à Corse Matin, datée du 22 septembre 2021, où il affirme : « Ce qu’avait porté le Président Sarkozy pour la Corse est le bon chemin, […] il faut poursuivre dans cette voie en reconnaissant la spécificité de l’identité corse dans la République ». Ou un tweet de Valérie Pécresse, de mars 2022, qui « se prononçait pour une autonomie des régions, et notamment la Corse ». Le ministre de l’Intérieur conclut ainsi : « Je rappelle que ce n’est pas le gouvernement de la République qui a demandé l’autonomie mais les Corses, qui part trois fois, ont élu des autonomistes. Je crois que dans la chambre des territoires, vous pourriez l’écouter ».

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Narcotrafic : face à un « marché des stupéfiants en expansion », le directeur général de la police nationale formule des pistes pour lutter contre le crime organisé 

« On va de la cage d’escalier à l’international », explique le nouveau directeur général de la police nationale, Louis Laugier, devant la commission des lois du Sénat lorsqu’il évoque la lutte contre le narcotrafic. Si la nomination de Louis Laugier a fait l’objet de négociations entre Bruno Retailleau et Emmanuel Macron, l’audition portait essentiellement sur la proposition de loi relative au narcotrafic qui sera examinée à partir de janvier au Sénat. Le texte fait suite à la commission d’enquête présidée par Etienne Blanc (LR) et dont le rapporteur était Jérôme Durain (PS). Un texte particulièrement attendu alors que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a multiplié les gages de fermeté dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée.   Comme les sénateurs, le Directeur général de la police nationale décrit un phénomène en hausse, un « marché des stupéfiants en expansion, une forte demande des consommateurs et une offre abondante ». La criminalité organisée connaît d’ailleurs un certain nombre d’évolutions comme la multiplication des violences liées au trafic y compris dans des villes moyennes, ou encore le rajeunissement des acteurs.  « Je souhaiterais préciser que la France n’est pas dans une situation singulière. En effet, tous les Etats de l’UE sont confrontés à des situations identiques », prévient néanmoins Louis Laugier. Néanmoins, les chiffres présentés sont vertigineux avec notamment 44,8 tonnes de cocaïne saisies en 2024 (contre 23,2 tonnes en 2023). Le directeur général rapporte également que 434 000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis septembre 2020 pour stupéfiants.   « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères »   Pour répondre à ce phénomène massif, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) a été mis en place en 2019. Cette agence regroupe des effectifs issus de différents services, notamment des douanes et de la police judiciaire. Alors que le rapport sénatorial propose de revoir le fonctionnement de l’Ofast pour en faire une « DEA à la française », Louis Laugier défend l’efficacité de l’agence. « Certaines observations du rapport relatif à l’action de la police nationale me paraissent un peu sévères […] le rôle de coordination de l’Ofast est réel, grâce à son caractère interministériel et son maillage territorial dense », avance le directeur général de la police nationale. Ce dernier souligne également le doublement des effectifs depuis 2020 et la présence des services sur tout le territoire grâce aux 15 antennes de l’Ofast et aux cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département. Louis Laugier a également défendu la souplesse de ce dispositif, affirmant qu’il n’était pas nécessaire d’inscrire les CROSS dans la loi.   Le sénateur Jérôme Durain regrette néanmoins la faible implication des services de Bercy dans l’Ofast et souligne la nécessité de les mobiliser pour continuer de développer les enquêtes patrimoniales. « L’aspect interministériel de l’Ofast, est déjà pris en compte avec les douanes, mais on peut continuer à renforcer la coopération avec les services de Bercy », reconnaît Louis Laugier. Toutefois, le directeur général de la police nationale met en exergue la progression des saisies d’avoirs criminels. « 75,3 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis en 2023. Il y a eu une hausse de 60 % entre 2018 et 2023, traduisant une inflexion profonde de la stratégie de la police en ce domaine avec un développement des enquêtes patrimoniales », argumente Louis Laugier. Interrogé par la présidente de la commission des lois, Muriel Jourda (LR), sur les améliorations législatives à apporter, Louis Laugier évoque la possibilité de recourir à des confiscations provisoires tout en prenant soin d’insister sur la difficulté juridique d’une telle évolution et notamment son risque d’inconstitutionnalité.   Le directeur général de la police nationale défend l’utilité des opérations « place nette »   Dans leur rapport, les sénateurs Jérôme Durain et Etienne Blanc mettaient en avant la nécessité de renforcer la lutte contre la criminalité en augmentant la capacité de saisies des avoirs plutôt qu’en démantelant les points de deal. Les sénateurs n’avaient pas manqué d’égratigner l’efficacité des opérations « places nettes » déplorant les faibles niveaux de saisies (moins de 40 kg de cocaïne et quelques millions d’euros) au regard des effectifs mobilisés (50 000 gendarmes et policiers) entre le 25 septembre 2023 et le 12 avril 2024. Des réserves renouvelées par Jérôme Durain pendant l’audition. « En un an les services de la DGPN ont initié 279 opérations de cette nature qui ont conduit à l’interpellation de 6 800 personnes, la saisie de 690 armes, de 7,5 millions d’euros d’avoirs criminels et plus d’1,7 tonne de stupéfiants », avance Louis Laugier. « Le fait d’avoir une opération où on affiche un effet ‘force’ sur le terrain est important », poursuit le directeur général de la police nationale qui dit avoir conscience que ces opérations « ne se suffisent pas à elles-mêmes ».   Plusieurs pistes absentes de la proposition de loi   Au-delà de l’approche matérielle, Louis Laugier insiste sur le besoin de renforcement des moyens d’enquêtes et de renseignement, notamment humains ainsi que l’adaptation du cadre législatif. Devant la commission des lois, le directeur général de la police nationale a tenu à saluer l’intérêt d’une réforme du statut de repenti, proposée par les sénateurs, pour élargir son périmètre aux crimes de sang. Le fonctionnaire détaille plusieurs mesures, absentes de la proposition de loi qui, selon lui, peuvent favoriser la lutte contre la criminalité organisée. Il souhaite notamment augmenter la durée des gardes à vue en matière de crime organisé pour les faire passer à 48 heures au lieu de 24, généraliser la pseudonymisation des enquêteurs ou encore faire entrer la corruption liée au trafic dans le régime de la criminalité organisée. Des propositions qu’il lie à une meilleure capacité d’écoute des policiers sur le terrain. « Il faut parler avec les personnes, vous avez entièrement raison. Ce travail-là peut avoir été occulté par l’action immédiate en réponse à la délinquance. Et donc oui je crois qu’il faut créer un lien. J’ai transmis des consignes dès que je suis entré en fonction », affirme Louis Laugier en réponse à une question de la sénatrice Corinne Narassiguin (PS).   Enfin, le directeur général de la police nationale plaide pour la création d’un nouveau cadre juridique et « d’une technique spéciale de captation des données à distance, aux fins de captation d’images et de sons relevant de la criminalité ou de la délinquance organisée ». Dans une décision du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel avait néanmoins jugé inconstitutionnelle l’activation à distance des téléphones portables permettant la voix et l’image des suspects à leur insu. 

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