Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Yann Drouet : « La mission de coordination de Benalla pouvait être assimilée à une mission de police »
Par Public Sénat
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Après Alexandre Benalla et Vincent Crase, c'était au tour de Yann Drouet de répondre aux questions des sénateurs. C'est sous sa responsabilité qu'avait été délivré à Alexandre Benalla un permis de port d’arme en octobre 2017.
13h10. « Ce n’était pas courant qu’un collaborateur de la présidence fasse une demande de permis de port d’arme »
Alors qu’Alexandre Benalla était présent au sein de la salle de commandement de la Direction de l’ordre public et de la circulation, le soir du 1er mai, Yann Drouet a assuré qu’« on ne peut pas y arriver comme ça, à l’improviste. Toute personne extérieure est forcément accompagnée et invitée ».
Interrogé à nouveau sur le permis de port d’arme d’Alexandre Benalla, Yann Drouet a reconnu que « ce n’était pas courant qu’il y ait un collaborateur de la présidence qui fasse ce type de demande. Cette demande a été traitée avec beaucoup d’attention. Nous l’avons traitée au niveau du cabinet. L’instruction du dossier a été validée par le préfet de police » a expliqué l’ancien chef de cabinet du préfet de police de Paris.
Le sénateur PS Jérôme Durain lui demande s’il ne vaut pas mieux être policier pour exercer un travail de policier, alors que la préfecture a considéré que la mission de coordination d’Alexandre Benalla pouvait être assimilée à une mission de policier. « Oui, très certainement. Mais à ma connaissance, Monsieur Benalla n’a jamais exercé le métier de policer » répond Yann Drouet.
12h54. « Ce n’est pas pour sa sécurité personnelle que le port d’arme lui a été octroyé, c’est dans le cadre de ses missions », tente de clarifier Yann Drouet
Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice PS, demande une clarification sur les motivations de l’octroi du permis de port d’arme : « Vous précisez c’est le seul cas où un collaborateur de l’Élysée a demandé un port d’arme pendant les deux ans et demi où vous avez été présent à ce poste, donc c’était assez exceptionnel. » Et d’enchaîner :
« Avez-vous eu connaissance de menaces dont M. Benalla aurait fait l’objet ? Et vous comprenez bien c’est lié au fait que – il semble – ce soit la seule personne à l’Élysée qui soit dans cette situation, puisqu’elle est la seule personne à pouvoir demander un port d’arme. »
Elle glisse d’ailleurs une petite réflexion :
« Il y a d’ailleurs une curiosité à placer auprès du président de la République quelqu’un de menacé ».
« Je ne suis pas habilité à vous répondre », répond laconiquement l’ancien chef de cabinet du préfet de police.
Vincent Segouin, sénateur LR, relance la question. « Si on lui octroie un permis de port d’arme pour sa sécurité personnelle et qu’il est à côté du président, est-ce qu’il n’augmente pas le risque de sécurité sur la personne du président ? »
Yann Drouet répond plus longuement, en précisant que l’autorisation répond aux missions et à la fonction de M. Benalla :
« La préfecture examine en droit les choses. Pour être très clair, ce n’est pas pour sa sécurité personnelle que le port d’arme lui a été octroyé, c’est dans le cadre de ses missions, de sa fonction, donc de la mission qu’on a considérée comme étant une mission de police, de coordination, et du fait qu’il est dans le cadre de ses fonctions – donc ce n’est pas à titre personnel – manifestement exposé à des risques d’agression. »
Et de préciser :
« Au regard du niveau de la menace, ça ne me paraît pas aberrant. »
12h44. « Des versions évolutives » concernant la mission exacte d’Alexandre Benalla, pour Philippe Bas.
Interrogé sur la fréquence des visites d’Alexandre Benalla à la préfecture de police, Yann Drouet a déclaré : « Je n’ai souvenir, à titre personnel, que de deux ou trois de ses visites. La première visite (…) dont j’ai souvenir, c’était dans le cadre de la préparation de la soirée du second tour de l’élection présidentielle. »
Philippe Bas, le président de cette commission d’enquête a ensuite, exprimé le sentiment de contradictions qui transpiraient des différentes auditions, concernant la mission exacte d’Alexandre Benalla, à l’Elysée : « Finalement, il y a eu des versions évolutives de la mission exacte de monsieur Benalla. Et dans toutes ces versions, reste une énigme : « mais pourquoi donc avait-il besoin d’une arme ? » ».
Le co-rapporteur, Jean-Pierre Sueur demande alors à l’ancien chef de cabinet du préfet de police de Paris de donner son « sentiment intime » : Celui-ci répond, comme il le peut : « Dans la façon dont nous avons examiné le dossier, c’est un ensemble. Et donc, on a considéré son action de coordination des services de sécurité de la présidence. On a estimé qu’[Alexandre Benalla] exerçait sa mission auprès du président de la République, une des personnalités les plus menacées de France (…) On a considéré que dans le cadre de ses fonctions, dans le cadre de sa mission, il était manifestement exposé à des risques. » Et de répéter : « C’est l’ensemble que l’on a considéré. »
12h30. Yann Drouet : « Nous avons considéré que la mission de coordination des services de la sécurité de la Présidence, de M. Benalla pouvait être assimilée à une mission de police »
Question précise de Philippe Bas sur la délivrance du permis de port d’arme à Alexandre Benalla par la préfecture de police. « Le préfet de police nous a dit qu’il s’était fondé sur cette activité de police pour délivrer le permis de port d’arme. (…) Si c’est une mission de police, cette mission interfère avec des services sous la responsabilité du gouvernement et qui doivent assurer la sécurité des déplacements et de la personne du chef de l’Etat. Si vous aviez dû vous baser uniquement sur la protection personnelle d’Alexandre Benalla, vous n’auriez pas dû mentionner qu’il avait mission de police. Or vous l’avez fait » souligne le président de la commission d’enquête.
Réponse de Yann Drouet : « Dans les éléments qui nous ont été fournis, il y avait inscrit sa mission de coordination des services de la sécurité de la présidence de la République, en lien avec les forces militaires et le GSPR. Et nous avons considéré que cela pouvait être assimilé à une mission de police. C’est un choix qui a été fait (…) par les services de la préfecture de police. Nous l’avons assumé et je crois que le préfet de police l’a assumé devant votre commission ».
Philippe Bas demande quels étaient « les éléments fournis qui permettaient de considérer qu’il y avait bien une mission de police ». « Je n’ai pas pu consulter le dossier qui a été saisi par la justice » répond l’ancien chef de cabinet du préfet de police de Paris. Il ajoute : « Les démarches administratives sont basées sur de l’écrit. Donc si nous avons inscrit cette mission, c’est que dans l’écrit – cela a été dit très bien par le chef de cabinet du Président – il y avait son action de coordination des services de sécurité de la présidence de la République ».
12h20. Port d’arme : Yann Drouet « n'était pas informé des deux refus du ministère de l’intérieur »
« Je n’étais pas informé et ça n’a rien d’anormal. Ça n’a rien d’anormal parce que nous sommes sur des fondements juridiques différents. Le ministère de l’Intérieur instruit les demandes pour des personnes exposées à des risques exceptionnels d’atteinte à sa vie (…) Les préfets de départements et à Paris, le préfet de police, instruisent de leurs côtés les demandes de port d’arme des fonctionnaires et agents publics chargés d’une mission de police et ou exposé à des risques d’agressions dans le cadre de leurs fonctions (…) C’est sur ce second fondement que le dossier a été instruit (…) Il n’y avait aucune raison d’interroger le ministère de l’Intérieur sur le sujet » a répondu Yann Drouet à Jean-Pierre Sueur qui l’interrogeait sur les deux refus opposés par le ministère de l’Intérieur concernant l’attribution d’un port d’arme ».
Un peu plus loin, Yann Drouet affirme que c’est la préfecture de police « qui a estimé » que l’action d’Alexandre Benalla « pouvait s’inscrire dans une mission de police ». Des fonctions exposées également « à un risque terroriste ».
12h12. Yann Drouet affirme sous serment que la demande d’autorisation de port d’arme pour M. Benalla a été « confirmée » par Patrick Strzoda par « courriel »
L’ancien chef de cabinet du préfet de police, en fonction jusqu’au 27 avril 2018, a d’abord été interrogé sur la façon dont a été délivrée l’autorisation de port d’arme pour M. Benalla. Le haut fonctionnaire a indiqué que la demande a été faite initialement par M. Benalla.
« Le 5 octobre 2017, les services de la direction de la police générale de la préfecture de police m’informent de la réception d’une demande de port d’arme de la part de la M. Benalla, chargé de mission à la présidence de la République »
Informant le préfet, Yann Drouet reçoit pour instruction de se rapprocher du cabinet de la présidence de la République « afin que le dossier nous parvienne par la voie hiérarchique ». Le 10 octobre, le directeur de cabinet de la présidence, Patrick Strzoda, « confirme la demande par courriel et sollicite l’examen » de la demande « dans le strict respect des textes », a poursuivi Yann Drouet. « Ce sont les seuls liens que nous avons eus avec le cabinet ».
Alors que la commission d’enquête s’est vue refuser la transmission de ce courriel, comme l’a souligné Jean-Pierre Sueur (co-rapporteur), l’ancien chef de cabinet du préfet a « confirmé sous serment » l’existence de cet email qui « a déclenché l’instruction du dossier ». Lors de son audition, quelques heures plus tôt, Alexandre Benalla avait affirmé devant les sénateurs :
« Je pense qu’il n’existe pas de document. Le directeur de cabinet du président de la République [...] a dû décrocher son téléphone et demander à Michel Delpuech [préfet de police de Paris, NDLR] de voir si dans les règles il était possible de m’attribuer une autorisation »
Yann Drouet a en outre précisé que « la situation de M. Benalla correspondait au cas de figure » exposé dans la demande. Le « Code de sécurité intérieure dispose que les fonctionnaires et agents des administrations publiques exposés par leurs fonctions à des risques d’agression peuvent être autorisés à s’armer dans le cadre de leurs fonctions », a-t-il rappelé.
À l’issue de sa réponse, Jean-Pierre Sueur s’étonne toujours d’une mention relative « à une mission de police » sur l’arrêté de la préfecture.