« Vous allez voir, tout va bien se passer » : février 2020, Olivier Véran remplace Agnès Buzyn au ministère de la Santé
Deuxième épisode de notre série sur les débuts de la crise du covid-19, telle qu’elle a été perçue au Sénat. Mi-février, le ministère de la Santé change de tête, Agnès Buzyn part en campagne à Paris après le séisme Griveaux. Alors que les dossiers s’accumulent avenue de Ségur, le Sénat s’engouffre dans la brèche.
Les débuts de la crise du coronavirus, vus depuis le Sénat. Dans notre chapitre précédent, la Haute assemblée interrogeait le gouvernement, le 29 janvier 2020, sur les conditions du rapatriement des Français présents à Wuhan, le premier foyer international de la pandémie. Les premiers ressortissants sont de retour le 31 janvier, et atterrissent à Istres (Bouches-du-Rhône), grâce à un escadron de la base militaire de Creil (Oise). D’autres vols succèdent à cette opération dans les tout premiers jours de février. C’est également à ce moment que Santé publique France, sur demande de la Direction générale de la Santé, ordonne une première commande importante de 28 millions de masques FFP2. Rétrospectivement, le mois de février 2020 fait figure de « drôle de guerre », face à un virus toujours considéré comme exogène. C’est dans ce contexte que l'avenue de Ségur change de locataire.
Le premier cas groupé de covid-19 est détecté le 7 février 2020, à la station de ski des Contamines-Montjoie (Haute-Savoie). Cinq Britanniques ont contracté le virus auprès d’un de leur compatriote qui a séjourné en Asie. Trois écoles sont fermées pour deux semaines et les isolements préventifs se multiplient. La situation semble sous contrôle. Interrogée plus tard, le 23 septembre 2020, par la commission d’enquête du Sénat sur la venue de 3 000 supporters italiens en France pour un match de Ligue des Champions, Agnès Buzyn reconnaît : « La France n’a plus aucun cas depuis le 7 février. Il y a eu le cluster des Contamines-Montjoie, et il ne se passe plus rien depuis. Je pense que, dans l’inconscient, nous pensions que nous nous étions trompés, que la Chine arrivait peut-être à endiguer. » Au moment de la rencontre sportive polémique, Agnès Buzyn a déjà quitté le ministère depuis dix jours.
« En plein risque de pandémie du coronavirus, vous décidez de changer de ministre ! »
Olivier Véran, nommé en catastrophe le 16 février 2020, est l’homme du jour lors des questions au gouvernement le 19 février 2020 au Sénat. Le départ précipité d’Agnès Buzyn, qui a choisi de reprendre au pied levé la place laissée vacante par Benjamin Griveaux aux élections municipales à Paris, résume à lui seul l’état d’esprit de cette séance de questions au gouvernement. La socialiste Marie-Pierre de la Gontrie est la première à demander au gouvernement des explications : « Curieuse décision : en plein chaos de la réforme des retraites, de crise sans fin de l’hôpital public et de risque de pandémie du coronavirus, vous décidez de changer de ministre », s’écrie-t-elle, accusant le gouvernement de faire preuve de « désinvolture ».
Édouard Philippe lui répond en personne. Pour l’ancien Premier ministre, le « ton ferme » de l’intervention précédente traduit « peut-être » une forme d’incompréhension, voire « une forme de surprise et – qui sait ? – une forme de fébrilité ». Saluant le parcours d’Agnès Buzyn, qu’il qualifie de « remarquable ministre », le chef du gouvernement peine à poursuivre face à l’agitation dans l’hémicycle, que le président de séance doit rappeler à l’ordre. « Je constate que les sénateurs parisiens ont l'air virulents ; cela me surprend – vous allez voir, tout va bien se passer », sourit Édouard Philippe. Le Premier ministre le martèle : Olivier Véran a toutes les compétences requises pour ce ministère où les dossiers s’accumulent. Toutes ses anciennes casquettes sont citées : « Médecin hospitalier », « rapporteur général de la commission des affaires sociales » et « bon spécialiste du dossier des retraites », à l’heure où la réforme est débattue à l’Assemblée nationale. Pour Marie-Pierre de la Gontrie, l’épreuve de vérité ne tardera pas. « Je crains qu’il ne doive davantage sa nomination à la nécessité de remplacer une ministre au pied levé, en quelques heures, plutôt qu’à sa seule compétence, dont nous jugerons dans les jours à venir. »
« Je suis prêt à assurer la relève », répond Olivier Véran
Y a-t-il un pilote aux commandes du ministère de la Santé ? La question se pose à droite aussi. « Cette démission intervient au moment où la crise du coronavirus fait son premier mort en France, où la réforme des retraites est quasiment dans l’impasse et où l’hôpital public traverse une crise profonde et durable », s’exclame Florence Lassarade, au nom du groupe LR, lors des mêmes questions d’actualité. Personne n’a oublié les grèves dans les services d’urgence. Cette sénatrice de la commission des affaires sociales se demande quelles sont les raisons de la démission de la ministre, qui s’apparente « encore plus à une désertion » dans le contexte actuel.
Municipales : quand les ministres candidats s’invitent aux questions d’actualité au Sénat
02:35
La parole est cette fois donnée au jeune ministre de la Santé. « À entendre vos regrets, j’imagine que vous étiez particulièrement favorable à la politique qu’elle a conduite », contre-attaque le ministre, avant de dresser une longue liste des politiques menées depuis 2017. Et de compléter : « Soyez rassurés, en tant que ministre de la Santé et des Solidarités, je suis prêt à assurer la relève. » L’ambiance est survoltée, et la réplique de la sénatrice vient conclure les premières joutes orales d’Olivier Véran au Sénat : « Monsieur le ministre, vous avez vite appris : vous n’avez pas répondu à ma question. »
Une semaine plus tard, la gravité de la situation aura rattrapé les querelles politiques. Dans l’hémicycle, on se demandera désormais quel est l’état de préparation de la France face à l’épidémie qui s’aggrave en Europe. En Italie, une douzaine de villes sont alors confinées.
Les débuts de la crise du covid-19, vus depuis le Sénat - tous les épisodes :
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.
Au moment où le chef de l’Etat s’apprête à nommer un nouveau premier ministre, Emmanuel Macron a reçu ce mercredi à déjeuner les sénateurs Renaissance, à l’Elysée. Une rencontre prévue de longue date. L’occasion d’évoquer les collectivités, mais aussi les « 30 mois à venir » et les appétits pour 2027…
Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, réclame un Premier ministre de gauche, alors que LFI refuse de se mettre autour de la table pour travailler sur la mise en place d’un gouvernement, préférant pousser pour une démission du chef de l’Etat. Ce mercredi, députés et sénateurs PS se sont réunis alors que le nom du nouveau chef de gouvernement pourrait tomber d’un instant à l’autre.
Si une semaine après le renversement du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron est sur le point de nommer un nouveau Premier ministre, la situation politique française inquiète particulièrement les eurodéputés à Bruxelles que certains comparent à celle en Allemagne.
Le
Le direct
Des amours en fuite, avec Jean-Pierre Montal et Bernard Comment
Des amours en fuite, avec Jean-Pierre Montal et Bernard Comment