Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Vote de la confiance : le groupe socialiste du Sénat choisit l’abstention
Par Public Sénat
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C’est une forme de « ni-ni ». Ni dans l’opposition totale, ni pleinement dans la majorité. Après un long débat interne ce mardi matin, marqué par près d’une trentaine de prises de parole, le groupe socialiste et républicain a adopté une position consensuelle.
Les sénateurs, désormais réduits à 89 après le départ de 22 membres pour le nouveau groupe La République en marche, ont choisi à une large majorité de s’abstenir en cas de vote sur la confiance au Sénat début juillet. Un drôle d’entre-deux qui permet au groupe d’éviter « tout procès d’intention » face au nouveau gouvernement.
Dans le détail, sur les 65 sénateurs qui ont pris part au vote, 53 ont choisi l’abstention. 7 ne voteront pas la confiance, contre seulement 5 pour.
Le vote de la confiance n’aurait qu’une valeur symbolique au Sénat, le gouvernement n’étant responsable que devant l’Assemblée nationale. Mais ce choix permet au groupe socialiste de trouver sa place dans le nouveau Parlement.
« Nous sommes là en élus constructifs »
À la sortie de la réunion, le président du groupe Didier Guillaume s’est félicité d’un « vote vraiment très majoritaire et sans appel ». « Il faut affirmer que nous sommes là en élus constructifs », explique-t-il, plaidant pour une géométrie variable en fonction des textes :
« 53 ont souhaité être dans l’abstention, donner sa chance au gouvernement, souhaiter que ce gouvernement réussisse dans l’intérêt de la France, de voter en fonction de nos convictions pour les textes qui nous semblent dans le bon sens et amender ceux qui ne sont pas dans le bon sens. »
« Nous ne disons pas au départ nous nous opposons : j’espère que nous aurons l’occasion de soutenir des textes et des idées progressistes », appuie son collègue Jean-Pierre Sueur.
« Une abstention bienveillante et vigilante »
Cette position, Françoise Cartron la définit comme une « abstention bienveillante, lucide et vigilante ». Une sorte de nouvelle synthèse qui évite au groupe d’avoir à trancher entre deux positions « bloquantes » : la défiance, et la « Macron-mania ». La sénatrice de la Gironde, « satisfaite » par le vote, y voit une bonne nouvelle pour l’avenir de l’équipe :
« Ça veut dire que l’on reste uni, que tout ce travail depuis des années avec le président Guillaume a résisté à un certain nombre de turbulences qui sont normales dans le contexte. »
« Une position qui permet d’arbitrer »
Jérôme Durain, a voté contre la confiance, et juge que la ligne adoptée est « une sortie par le haut ». « C’est une position de rassemblement qui permet d’éviter d’arbitrer », analyse le sénateur de la Saône-et-Loire, avec une pointe de déception dans la voix.
Si les tenants du non ont été largement mis en minorité, quatre sénateurs socialistes ont cependant choisi de ne pas prendre part au vote. « Voir aujourd’hui au Sénat que nous avons une position qui n’est pas tout à fait la même que celle de l’Assemblée nationale, ça me désole beaucoup pour le Parti socialiste et le militant que je suis », a regretté Henri Cabanel. « Jusqu’à preuve du contraire, le Conseil national est la hiérarchie de notre parti. »
En réalité, la position dégagée par la majorité des sénateurs socialistes est conforme sur le fond à la résolution adoptée par le Conseil national réuni le 24 juin. Le PS ne « votera pas la confiance », laissant aussi bien le choix entre un vote « contre » et l’abstention. Mais en observant le choix des mots, le groupe sénatorial marque sa différence par rapport à Solférino sur la forme.
« Le Sénat, ce n’est pas l’Assemblée nationale »
« Le PS est clairement dans l'opposition au gouvernement Philippe », insistait samedi le porte-parole national Rachid Temal. « Le groupe socialiste n’est pas dans l’opposition au gouvernement », exposait ce matin Didier Guillaume, le président du groupe au Sénat qui ajoute : « le Sénat ce n’est pas l’Assemblée nationale ». « Il y a un large consensus pour s’abstenir et donc ne pas faire partie de la majorité », préfère dire Henri Cabanel, montrant ainsi tout l’éventail possible des interprétations de leur position de groupe.
Dans une comparaison à peine dissimulée avec la « Nouvelle Gauche » – le nouveau nom du groupe socialiste à l’Assemblée nationale – le sénateur de Paris Roger Madec a évoqué sur Twitter une « abstention positive » vis-à-vis du gouvernement.
La situation est en tout cas inédite pour le groupe socialiste du Sénat, et les repères s’en retrouvent bousculés. « Sous la Ve République, le parti qui ne vote pas la confiance est dans l’opposition. Donc on est dans l’opposition », s’amuse le sénateur Daniel Percheron.