Villes RN: “ça marche” pour les maires, “effet d’optique” pour l’opposition
Quand le Front national (devenu Rassemblement national) a remporté une dizaine de villes en 2014, Marine Le Pen a invité ses édiles à baisser...
Par Anne RENAUT avec les bureaux de l'AFP en régions
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Quand le Front national (devenu Rassemblement national) a remporté une dizaine de villes en 2014, Marine Le Pen a invité ses édiles à baisser les impôts, renforcer la sécurité et mettre fin aux subventions dédiées aux "associations communautaristes".
Six ans plus tard, le parti assure que "la gestion RN, ça marche", les oppositions y voient "un effet d'optique". L'AFP s'est penchée sur cinq de ces villes.
BEAUCAIRE (Gard, 16.000 habitants)
Le maire Julien Sanchez affirme avoir augmenté les effectifs de la police municipale, équipée de nouvelles armes et nouveaux véhicules. Un réseau de videosurveillance modernisé a permis, selon le maire, de faire baisser le nombre de cambriolages, vols avec violence et destructions de biens.
Mais selon l'opposant Christophe André, "le climat d'insécurité et d'incivilité est toujours le même" et le maire n'agit "qu'au volet répressif, sans agir avec les autres services comme les services sociaux".
Selon M. Sanchez, les taux locaux d'imposition ont baissé, mais un autre opposant, Luc Perrin, note que les bases de ces impôts ont elles augmenté, entraînant en fait une hausse de 6%.
L'endettement a baissé et la capacité de la ville à se désendetter s'est améliorée, fait valoir le maire. Mais M. Sanchez "omet de parler des emprunts importants contractés", rétorquent ses opposants.
La suppression des menus sans porc dans les cantines vise à traiter "chaque enfant de la même façon" selon M. Sanchez. Au prix d'un "durcissement" des relations avec la communauté musulmane, répond M. André.
FREJUS (Var, 52.900 habitants)
Le maire de la plus grande ville gérée par le RN, David Rachline, dit avoir trouvé une ville "en quasi-faillite" mais qu'"aujourd'hui, l'investissement se maintient et les impôts n'ont pas augmenté".
Ses détracteurs, dont Laurence Fradj, l'accusent d'avoir vendu beaucoup de terrains et désendetté "à la marge", gaspillant le reste en dépenses de fonctionnement. M. Rachline répond qu'il a engagé la construction de logements sociaux.
Selon Philippe Mougin, candidat UMP battu en 2014, Fréjus a servi de "pompe à fric" pour des sociétés gravitant dans l'orbite du RN.
Sur la sécurité, M. Rachline a renforcé la brigade de nuit et équipé la police municipale de gilets pare-balle et de véhicules neufs.
Le principal reproche adressé à M. Rachline est d'avoir créé une polémique à des fins électoralistes sur la mosquée puis récemment sur la présence de jeunes migrants dans un camping. A l'automne, il a pris un arrêté pour interdire aux mineurs de circuler seuls la nuit, suspendu par le tribunal administratif.
HAYANGE (Moselle, 15.700 habitants)
A Hayange le maire Fabien Engelmann dit n'avoir "pas augmenté les impôts" et avoir "baissé la taxe d'habitation" ainsi que la dette. Pour la sécurité, 70 caméras de vidéosurveillance supplémentaires ont été installées et la police municipale a embauché trois agents.
Le bras de fer judiciaire qui l'oppose au Secours populaire est une "non histoire" pour M. Engelmann, qui affirme avoir "continué à aider les associations qui ne doivent pas politiser leur discours". La ville a été contrainte par la justice à remettre électricité et chauffage dans le local de l'association.
Le vice-président du FN et eurodéputé Steeve Briois lors d'une session du Parlement européen le 6 février 2018 à Strasbourg
AFP/Archives
"Sur l'endettement, il avance une baisse de cinq millions en calculant le capital et les intérêts", alors qu'"on doit être à un million", conteste l'opposant Jean-Marc Marichy, ancien adjoint aux finances de l'ancien maire PS.
M. Marichy reconnaît que "les gens apprécient les repas avec les enfants, la navette pour les seniors et la propreté au centre-ville", mais M. Engelmann gère selon lui la ville "en fonction des appartenances politiques".
HENIN-BEAUMONT (Pas-de-Calais, 26.400 habitants)
Ville déshéritée de l'ex-bassin minier où Steeve Briois a été élu dès le premier tour en 2014, le maire d'Hénin-Beaumont se félicite d'avoir "assaini les finances" et "désendetté la ville", en "sortant notamment des emprunts toxiques" qui l'asphyxiaient et en réalisant "d'importantes économies de fonctionnement".
Dans un rapport en 2017, la Cour régionale des comptes reconnaissait que la commune avait "engagé le redressement de sa situation financière depuis 2012", avant l'élection de M. Briois.
Marine Tondelier, à la tête d'un collectif d'opposition au maire RN, le 18 janvier 2020 à Hénin-Beaumont
AFP/Archives
Le maire RN a par ailleurs tenu sa promesse de "réduire la fiscalité" mais les impôts atteignent toujours "le double de certaines communes comparables", selon des élus d'opposition.
La municipalité se réjouit d'avoir "rattrapé le retard en matière d'infrastructures", renforcé les effectifs de la police municipale et déployé des dizaines de caméras de vidéosurveillance, contre lesquelles l'opposition est vent debout.
Les opposants, notamment le collectif mené par Marine Tondelier, dénoncent surtout un "climat de tension" et "d'autoritarisme" et fustigent la charte "honteuse" de "Ma commune sans migrants", votée en 2017.
MANTES-LA-VILLE (Yvelines, 19.800 habitants)
Seule ville d'Ile-de-France tenue par le RN, Mantes-la-ville n'a pas augmenté les impôts et a baissé sa dette, selon le maire Cyril Nauth.
L'opposant de gauche Romain Carbonne note que le maire n'a toutefois pas baissé les impôts et déplore un manque d'investissements.
Pour la sécurité, M. Nauth a installé 21 caméras de vidéosurveillance, et armé les policiers municipaux. Mais au prix d'un "important turnover dû au climat délétère dans tous les services" et de missions "très dogmatiques", dénonce l'opposition. "On demande aux agents de limiter le dialogue et de mettre plus de PV autour d'établissements comme les bars à chicha".
Sur l'immigration, le maire, signataire de la charte "Ma commune sans migrants", dit agir sur les cartes de résidence, qu'il n'octroît pas aux habitants qui "ne parlent pas ou presque pas le français".
M. Carbonne reproche surtout au maire d'avoir fait campagne "exclusivement sur (son refus de construire) une mosquée", perdant en justice et faisant perdre à la ville 170.000 euros de frais de justice.
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