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Valneva : pourquoi un vaccin français est-il produit et financé par le Royaume-Uni ?
Par Public Sénat
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Cocorico ! Une start-up nantaise est en train d’achever avec succès les essais cliniques d’un vaccin contre le covid-19. Après les difficultés rencontrées par Sanofi et l’institut Pasteur, les espoirs de voir se développer un vaccin made in France auraient pu reposer sur Valneva, une entreprise de biotech franco-autrichienne dont le siège est basé à Saint-Herblain en banlieue de Nantes. Et pourtant, ce vaccin ne sera pas produit en France, mais Outre-Manche. Pire, le Royaume-Uni qui a financé les essais cliniques l’année dernière, sera logiquement servi le premier, fin 2021 contre début 2022 pour l’Union européenne.
« Une question de réactivité »
Invité de l’émission « Allons plus loin » sur Public Sénat, le 26 janvier dernier, Franck Grimaud, directeur général de Valneva expliquait son choix du Royaume-Uni au détriment de la France. « Notre unité de production est basée en Ecosse et le Royaume-Uni considérait comme stratégique de pouvoir investir pour lutter contre cette pandémie et éventuellement d’autres pandémies qui pourraient arriver à l’avenir. Et puis, on doit le dire, il y a une question de réactivité. En avril, on a contacté tous les gouvernements. Il nous fallait absolument ce financement dès juillet pour commencer les essais cliniques avant la fin de l’année, et monter cette usine. Et c’est ce qu’ils (le Royaume-Uni) nous ont apporté rapidement », confiait-il avant de prendre soin d’ajouter : « Mais maintenant on élargit et on va pouvoir livrer les pays européens très rapidement ».
A la fin de l’année 2021, ce sont 60 millions de doses qui seront livrées outre-Manche et 40 millions de doses supplémentaires en 2022. Le contrat entre Valneva et l’Union européenne n’est pas encore finalisé, mais porte sur 60 millions de doses début 2022.
Un mois après l’officialisation du Brexit, l’annonce d’un vaccin français produit à l’étranger prend évidemment une tournure politique. N’est-ce pas Emmanuel Macron lui-même qui, le 12 mars 2020, lançait dans une allocution télévisée : « Nous devons rependre le contrôle sur certaines productions ». Et promettait « des décisions de rupture en ce sens ».
« On avait sous notre nez une start-up que les Britanniques ont, eux, prise au sérieux »
Pour Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, « cette affaire est un symptôme de l’impuissance d’un Etat glouton, incapable de sortir des schémas habituels ». « On avait sous notre nez une start-up que les Britanniques ont, eux, prise au sérieux. C’est la démonstration du ‘small is beautiful ‘. A la fin de la crise, il faudra poser la question à Emmanuel Macron et a son armée de spécialistes qui grouillent dans les administrations : qu’avez-vous réussi ? » interroge amèrement l’ancien président de la Région des Pays de la Loire.
Sa successeure à la région, Christelle Morançais (LR) a en effet rappelé dans son courrier adressé à la ministre de l’Industrie le 9 juin 2020 dans lequel elle alertait « sur le formidable potentiel de la société Valneva ». « Cette lettre et les relances qui ont suivi sont malheureusement restées lettre morte […] Il est indispensable que l’État fasse preuve de beaucoup plus d’agilité et de réactivité pour soutenir et défendre nos entreprises à la pointe dans la lutte contre le virus », appelle-t-elle.
Sur Twitter, la ministre en charge de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher confirme avoir eu « des discussions nourries » avec le laboratoire le 6 mai 2020. « Mais Valneva a pris la décision d’avancer au Royaume-Uni, où ils disposaient par ailleurs de leur unité de production ». Elle assure également que « si les résultats des essais cliniques récemment engagés par Valneva s’avéraient satisfaisants, une autorisation de mise sur le marché serait attendue au plus tôt fin 2021 ».
Peut-on pour autant parler de « raté » français et européen ?
Aurait-on parlé du vaccin Valneva sans les retards pris par Pasteur et Sanofi ? Pour Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé, « Valneva est passé sous le radar de l’Union européenne en raison de sa faible capacité de production par rapport aux acteurs traditionnels du marché. C’est un vaccin classique qui, même s’il se conserve dans un simple réfrigérateur, ne va pas prendre beaucoup de parts de marché sur les vaccins à ARN messager, plus compétitifs, comme le Moderna ou le Pfizer ».
Pour mémoire, la commission européenne qui négocie au nom des 27 Etats membres, a passé des précommandes avec plusieurs grands laboratoires. 600 millions de doses au duo germano-américain BioNTech-Pfizer, 160 millions de doses à l’américain Moderna et 400 millions de doses suédo-britannique AstraZeneca. Ces trois vaccins sont, pour le moment, les seuls à avoir reçu l’autorisation de mise sur le marché.
Pour ceux en attente d’autorisation, on compte le Franco-Britannique Sanofi-GSK (jusqu’à 300 millions de doses), l’Allemand CureVac (jusqu’à 405 millions de doses) et l’Américain Johnson & Johnson (jusqu’à 400 millions de doses). « Au total, l’Union Européenne a passé des précommandes pour 2,2 milliards de doses. Elle a privilégié les laboratoires traditionnels car ils sont plus rassurants. Mais dans sa stratégie de diminution des risques, le Royaume-Uni en a commandé plus que l’Union européenne tout entière. Le secret des contrats empêche de connaître les tarifs pratiqués » rappelle Jean-Pierre Thierry.
« Une fabrication 100 % française de vaccins n’aurait pas grand sens »
Par ailleurs, en décembre, un rapport de l’OPECST (l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) expliquait « qu’une fabrication 100 % française de vaccins n’aurait pas grand sens compte tenu de l’éclatement de la chaîne de production pharmaceutique en de multiples étapes (production du vaccin et des adjuvants, conditionnement en flacons, etc.) […] La gestion de l’urgence liée à la crise sanitaire est difficilement compatible avec un recensement exhaustif des capacités de production sur le territoire national, lesquelles évoluent de surcroît rapidement ». L’exemple de Valneva en est aujourd’hui l’illustration.
Le financement de la recherche française en question
« Cette affaire montre les difficultés de la France à passer de la recherche à l’industrialisation. Où en est la start-up Nation promise par Emmanuel Macron ? Nous n’avons pas une culture du risque suffisant. Nous avons des chercheurs qui développement des projets pendant des années et on n’arrive pas à leur fournir des capacités de développement. La Banque Publique d’Investissement pourrait s’engager dans cette voie. La recherche qui passe par des appels à projets, c’est long et contraignant », déplore Sophie Primas présidente LR de la commission des affaires économiques du Sénat.
« On a voté il y a deux mois une loi de programmation pour la recherche, qui ne sert à rien. Elle n’incite pas à la prise de risque et ne permet pas un pilotage étatique dans des secteurs stratégiques comme la Santé », s’agace le sénateur communiste Pierre Ouzoulias. Dans son viseur le crédit impôt recherche qui selon lui « est une rente qui n’incite pas à la prise de risques ».
Un crédit impôt recherche que perçoit d’ailleurs l’entreprise Valneva. Sur le site internet de l’entreprise il est d’ailleurs précisé qu’il est « en hausse » en 2019.
« La France a tout intérêt à ne pas lâcher la recherche. Quand on voit les faibles crédits et la priorité qui n’est pas donnée à la recherche scientifique et médicale, alors qu’on a les matériaux, les femmes et les hommes pour y contribuer, c’est très dommageable » a regretté Michelle Meunier sénatrice PS de Loire Atlantique, invitée de la matinale de Public Sénat, « Bonjour chez vous ».
Dans ce cas précis, si les essais du vaccin Valneva arrivent à leur terme, le succès sera en partie français. Avant sa fusion en 2013 avec la société autrichienne Intercell AG, la start-up française Vivalis (anciennement Valneva) avait travaillé avec l’Inrae sur un nouveau procédé d’isolation et de culture de cellules souches de poulet. Un brevet conjoint entre Vivalis et l’Inra avait été déposé en 2001.