Université : le Sénat conditionne les capacités d’accueil en licence aux débouchés professionnels

Université : le Sénat conditionne les capacités d’accueil en licence aux débouchés professionnels

Le Sénat a adopté le projet de loi réformant l’accès à l’université en y apportant une modification de taille, proposée par les Républicains : les ouvertures de places dans les filières devront tenir compte de l’insertion professionnelle, et non des vœux des candidats.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les sénateurs ont adopté jeudi en première lecture (231 pour, 93 contre) le projet de loi sur « l’orientation et la réussite des étudiants », avec quelques apports. Après les déboires cet été de l’ex-plateforme admission post-bac (APB), le gouvernement veut réformer les règles d’entrée dans l’enseignement supérieur, au cœur du nouveau dispositif Parcoursup. L’exécutif se donne aussi pour objectif de réduire le taux d’échec à l’entrée dans l’université, qui atteint 61% en licence.

Dans sa volonté de rendre le nouveau système « plus juste et conforme aux réalités du terrain », la droite sénatoriale a introduit une modification importante, sous l’impulsion du rapporteur Jacques Grosperrin (LR). Dans les filières du premier cycle de l’enseignement supérieur (licence, DUT, BTS), la création de places supplémentaires devra « prendre en compte les taux de réussite et d’insertion professionnelle observés pour chacune des formations ». Cet ajout a été très décrié par la gauche, qui a tenté, en vain, de le supprimer en séance.

« Du réalisme et du bon sens »

« C’est du réalisme et du bon sens », a insisté le sénateur Jacques Grosperrin (vidéo de tête), alors que 30.000 nouveaux étudiants sont attendus à la rentrée 2018. « Il faut ouvrir prioritairement des places dans les filières qui insèrent et qui préparent aux métiers du futur […] Enfermer dans celles qui ne débouchent sur aucune insertion professionnelle, ce n’est pas instaurer des numerus clausus, comme je l’ai entendu dire, mais mettre toutes les chances de réussite du côté de nos jeunes. »

Les bancs de la gauche ont soutenu des amendements pour effacer cette disposition. Impossible que cette gestion des places ne prépare aux métiers du futur, selon le communiste Pierre Ouzoulias. « Vous imaginez bien qu’aujourd’hui avec la vitesse vertigineuse à laquelle évoluent les métiers, cette nécessité d’avoir un socle de formation commune est d’autant plus impérative. »

Dans son exemple, le sénateur des Hauts-de-Seine a affirmé que « 80% des comptables » dans les années 60 « n’avaient pas fait d’études de comptabilité ». « Ce sont des gens qui avaient poursuivi un parcours qui leur permettait d’avoir une culture générale suffisante pour ensuite s’orienter vers les opportunités que leur offrait le marché de l’emploi », a-t-il expliqué.

Université : « 80% des comptables » dans les années 60 « n’avaient pas fait d’études de comptabilité », selon Pierre Ouzoulias
00:53

« L’université n’est pas là pour répondre aux besoins des entreprises »

« Attention, c’est nier vraiment la nature et la valeur même de tout ce qui concerne l’université », a mis en garde la sénatrice socialiste Sylvie Robert. Précisant qu’il n’y avait aucune naïveté dans son propos, la sénatrice d’Ille-et-Vilaine a considéré qu’il s’agissait là d’un problème de vision sur ce que doit être l’université. « L’université n’est pas là pour répondre aux besoins des entreprises, elle est là pour élever le niveau, elle est là pour mettre en place des niveaux de qualification qui permettent aux jeunes de leur donner les outils pour accompagner leur parcours professionnel. »

« L’université n’est pas là pour répondre aux besoins des entreprises », pour Sylvie Robert (PS)
01:30

Même gêne également dans du groupe RDSE, notamment chez les sénateurs de l’ex-PRG (Parti radical de gauche). « Une orientation choisie favorise un parcours plus réussi qu’une orientation subie », a déclaré Françoise Laborde. « La ventilation d’étudiants de plus en plus nombreux dans les formations non demandées participera à briser les vocations des candidats qui subiront les effets d’un sous-investissement de l’État dans l’enseignement supérieur. Je ne pense pas qu’une telle politique puisse améliorer la réussite en licence. »

Université : « Une orientation choisie favorise un parcours plus réussi qu’une orientation subie », déclare Françoise Laborde
02:15

Dans son amendement, refusé, elle proposait de plutôt conditionner les créations de places aux nombre de vœux observés dans chaque filière l’année précédente, ou de se baser sur le nombre de bacheliers.

Favorable au principe introduit par Jacques Grosperrin, le sénateur (Union centriste) Laurent Lafon a toutefois pointé que les « taux de réussite et d’insertion professionnelle » pouvaient être « assez complexes à quantifier ». « Il y a un problème de définition. Quand est-ce qu’un étudiant est inséré professionnellement ? Parce qu’il a un travail au bout de 6 mois ou parce qu’il a toujours le même travail bout de 3 ou 5 ans ? »

Le texte remanié a été adopté avec les voix de la droite, de l'Union centriste, des Indépendants - République et Territoires et du groupe La République en marche. L'ensemble du groupe socialiste et du groupe CRCE (à majorité communiste) ont voté contre, et la quasi-totalité du RDSE s'est abstenue. Une commission mixte paritaire doit désormais trouver une version commune avec l’Assemblée nationale, qui a adopté sa propre version en décembre.

Dans la même thématique

FRA – FRANCOIS BAYROU – PALAIS ELYSEE
7min

Politique

Dans le camp présidentiel, François Bayrou n’aura pas que des amis

Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.

Le

the republicans received at the elysee
4min

Politique

Bayrou à Matignon : la droite attend le projet du Premier ministre pour savoir « s’il est l’homme de la situation »

Après l’annonce de la nomination de François Bayrou à Matignon, les sénateurs LR du Sénat sont dans l’expectative. La participation de la droite au prochain gouvernement, dépendra de l’engagement du Premier ministre sur les priorités qu’il a fixé notamment sur la maîtrise de l’immigration et bien sûr du maintien en poste du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.

Le

Université : le Sénat conditionne les capacités d’accueil en licence aux débouchés professionnels
6min

Politique

François Bayrou à Matignon : « Il ne semble pas disposé à être un Premier ministre collaborateur »

Emmanuel Macron vient de nommer François Bayrou Premier ministre. Le président du MoDem devient ainsi le premier centriste de la Vème République à accéder à Matignon, il doit désormais composer son gouvernement et se protéger du risque de censure. Allié fidèle mais critique d’Emmanuel Macron, il devra réussir à parler aussi bien aux socialistes qu’à la droite. Analyse sur le plateau de Public Sénat.

Le