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Surpopulation carcérale : le nombre de détenus dépasse les chiffres d’avant covid
Par Clara Barge
Publié le
En janvier 2020, la population carcérale représentait près de 70 000 détenus, selon les chiffres du Ministère de la Justice. Les mesures gouvernementales pendant la pandémie ont fait chuter ce chiffre à presque 59 000 en juillet 2020. En effet, l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale, signe la libération anticipée des personnes en fin de peine, afin de réduire les risques de clusters pénitentiaires. Parallèlement, le ralentissement de l’activité des juridictions a limité les arrivées en détention. Aujourd’hui, le rapport met en lumière une nouvelle augmentation du nombre de détenus, ce dernier atteignant 71 053 détenus écroués au 1er avril 2022, pour 60 683 places opérationnelles. La densité en milieu carcéral est passée de 107,5 % en 2021 à 117,1 % en 2022.
Une occasion manquée de mettre fin à la surpopulation carcérale ?
Au vu des circonstances, Dominique Simonnot démontre que le contexte durant la pandémie aurait offert une « occasion de maintenir un peuplement acceptable au sein des établissements pénitentiaires » qui peinent à descendre sous la barre des 110 % d’occupation.
Pour Didier Mandelli, sénateur LR de la Vendée, « cette hausse est un échec, tout comme le fait que les grâces présidentielles n’aient rien résolu non plus ». Le sénateur fait ici référence aux promesses de campagne et aux annonces du gouvernement prévoyant la construction de 15 000 nouvelles places de prison pour 2027, objectif n’ayant jamais été atteint. Au sein de sa circonscription, les maisons d’arrêts sont aussi concernées par la surpopulation. En effet, en novembre 2021, le taux d’occupation atteint presque 195 % pour la maison d’arrêt de La Roche sur Yon, et 179,5 % pour la maison d’arrêt de Fontenay-le-Comte. « J’ai eu l’occasion dès le début de mon mandat, en 2014, de visiter nos deux maisons d’arrêt. Elles ont toutes les deux plus d’un siècle, et à peu près les mêmes capacités. Il y a eu plusieurs projets successifs, de nouvelles prisons, des travaux prévus, programmés, financés, mais qui n’ont jamais démarré, avec des établissements en surpopulation chronique. Plutôt que des projets hypothétiques, j’aurais préféré que l’on prenne en compte l’aménagement et l’amélioration des conditions dans les établissements existants. Cela fait 25 ans que l’on attend une nouvelle prison en Vendée ». En 2021, il attire l’attention au garde des Sceaux sur la surpopulation carcérale de la Vendée, « Ma question au ministère de la justice était dans ce cadre-là. Malgré les travaux prévus, la situation n’est pas satisfaisante. Je rejoins complètement la Contrôleuse sur le constat ».
Sylvain Lhuissier, auteur du livre Décarcérer, paru en 2020 aux éditions Rue de l’échiquier, et ancien membre de l’Agence du Travail d’Intérêt Général et de l’Insertion Professionnelle (ATIGIP) au Ministère de la Justice, voit dans ce rapport une démonstration d’une possible régulation carcérale. « Pour moi, ce n’était pas forcément l’occasion, mais c’est la preuve que le numerus clausus est possible. On nous fait croire qu’elle est extrêmement complexe, mais la crise a prouvé qu’il était facile de réduire rapidement la population carcérale. Durant le covid, on a baissé la jauge d’incarcération, et personne n’a constaté d’explosion des crimes et des délits. L’erreur, l’occasion manquée, c’est qu’on aurait dû s’arrêter aux chiffres des années qui viennent de s’écouler, et ne pas reproduire ce taux d’incarcération très élevé ».
À l’origine de la surpopulation carcérale : une procédure à revoir ?
La surpopulation carcérale est un mal chronique des établissements pénitentiaires français.
Le sénateur de la Vendée, Didier Mandelli, juge la situation insatisfaisante : « Les causes, on les connaît. L’accroissement des faits, et les magistrats qui doivent appliquer la loi malgré le sous-équipement des prisons. Je me souviens d’un entretien avec un procureur de Vendée, qui confiait devoir demander s’il restait des places en prison avant d’entrer en séance. La surpopulation est une des conséquences d’un traitement des peines qui n’est pas ce qu’il devrait être. Il faut déconnecter le travail des juges de la capacité carcérale, c’est inadmissible que les magistrats aient à s’enquérir de la capacité des prisons avant de prendre des décisions. Nous devons appliquer des peines, condamner et ensuite, le pénitentiaire doit être adapté pour accueillir les détenus. On est à l’inverse de ce qu’on devrait faire, évidemment, les accusés doivent être punis s’ils enfreignent la loi, mais les conditions sont déplorables ».
De son côté, Sylvain Lhuissier, soutient l’idée qu’il est nécessaire de prendre en compte les places opérationnelles : « Si on a réaugmenté aussi vite depuis la crise, c’est parce que les juges ont incarcéré davantage et ont augmenté les peines de prison, avec une certaine sévérité. On a estimé qu’il y avait de nouveau de la place. Ce qu’a démontré la crise, c’est que des prisons « pleines », ça ne suffit pas pour les réguler. Il faut qu’elles soient « très pleines » pour arrêter d’incarcérer. La juridiction laisse voir un double discours, n’étant, d’une part, pas censée prendre en compte le plafond, car c’est l’administration pénitentiaire qui est en charge de cette gestion. Mais comme durant la crise, quand la surpopulation carcérale augmente, ils sont capables d’appliquer des régulations. Pourquoi ne pas appliquer ce plafond à 200 % et pas à 100 % ? Un établissement de 900 places ne reçoit jamais plus de 900 détenus. Si l’on fait rentrer un détenu, on applique un aménagement de fin de peine. La durée moyenne des peines n’a pas cessé d’augmenter d’année en année ! Il y a un degré de tolérance à la surpopulation élevée. C’est ce que je démontre dans mon livre ».
Conséquences déplorables
Au sein du rapport de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), le cas de la maison d’arrêt de Toulouse-Seysses, dont le taux d’occupation atteint 187 %, démontre des conditions de vie inappropriées, lorsque 1600 détenus dorment sur un matelas au sol.
« Il y a un équilibre à trouver », selon Didier Mandelli. « Aucun être humain n’est capable d’être enfermé 23/24h, à 3 dans une cellule de 5m2. De fait, les maisons d’arrêts et les prisons conçues il y a un siècle engendrent des conditions de détention déplorables ».
D’après Sylvain Lhuissier, « Il y a un semblant de complexification de la surpopulation carcérale, mais derrière se cache le fait que, sociétalement, cela convient à beaucoup de Français que les conditions de détention soient invivables. Personne ne s’y intéresse, ils sont les grands oubliés de la République. Pendant la crise, nous nous y sommes intéressés médiatiquement, simplement car les conditions de confinement rappelaient la réalité de détention ».