Surpopulation carcérale, le directeur de l’administration pénitentiaire démissionne

Surpopulation carcérale, le directeur de l’administration pénitentiaire démissionne

Ce vendredi, Philippe Galli, le directeur de l'administration pénitentiaire, a présenté sa démission au ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, en raison d'un « désaccord. » Cette décision intervient après le refus de la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte d’accueillir de nouveaux détenus, mardi dernier.
Public Sénat

Par Pierre de Boissieu

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« De sa propre initiative, vendredi 31 mars », Philippe Galli « a présenté sa démission au garde des Sceaux, qui l'a acceptée », a annoncé dimanche Jean-Jacques Urvoas, le ministre de la justice. Nommé en septembre 2016, Philippe Galli, a été précédemment préfet de la Seine-Saint-Denis. L'intérim sera assuré par Stéphane Bredin, actuel directeur adjoint de l'administration pénitentiaire.

Par ailleurs, la commission présidée par l’ancien sénateur de droite Jean-René Lecerf, doit remettre un livre blanc sur les prisons au garde de Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, ce mardi. En septembre 2016, ce dernier avait annoncé un objectif de création de 10 à 15 000 cellules en dix ans, avant de dévoiler, en février 2017, les sites retenus pour la construction de 33 nouvelles prisons.

Dans un communiqué, le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire (Snepap) avec la Fédération syndicale unitaire (FSU) se sont alarmés d’une « administration pénitentiaire à la dérive ». « Une administration régalienne ne peut être laissée à l'abandon, même dans une période d'élections générales », a rappelé le syndicat.

« Pas un désaccord avec le ministre, mais un échec »

« Pas un désaccord avec le ministre, mais un échec de Philippe Galli » (l'UFAP)
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Cependant, un membre de l’Union fédérale autonome pénitentiaire (UFAP) explique que, bien que « surpris du timing », il n’est pas étonné. Il pointe du doigt des « problèmes de ressources humaines ». « Au lieu d’avoir un dialogue, [Philippe Galli] a distribué des sanctions disciplinaires au personnel qui manifestait devant les établissements. » Ainsi, conclut ce syndicaliste, la démission n’est « pas due à un désaccord avec le ministre, mais à un échec au sein de l’administration pénitentiaire, dans sa gestion au quotidien des incidents. »

Et le syndicaliste de tacler : « il est nécessaire d’avoir une ligne directrice claire, nette et précise. Avec [Philippe Galli], on se demandait s’il y avait quelqu’un dans l’avion. »

La maison d'arrêt de Villepinte tire la sonnette d’alarme

Quelques jours plus tôt, ce mardi, la directrice de la maison d'arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis), Léa Poplin, a refusé d’accueillir de nouveaux détenus, un fait inédit. L’établissement qu’elle dirige avait atteint un taux d'occupation record de 201 %, avec 1 132 détenus. Léa Poplin a adressé un courriel aux présidents et procureur des tribunaux de grande instance de Bobigny et Paris.

Selon Philippe Kuhn, délégué régional du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS), la maison d’arrêt de Villepinte serait au bord de la rupture. Il évoque des détenus qui « dorment à trois ou quatre par cellule, sur des matelas à même le sol » ou sont logés dans le quartier des mineurs, des personnels « à bout » et des agressions en hausse.

Par ailleurs, le 16 mars dernier, plus d'une centaine d'agents pénitentiaires ont interdit l'accès à la prison des Baumettes à Marseille, à l'appel de plusieurs syndicats, pour demander des effectifs supplémentaires.

69 430 personnes incarcérées en France

Le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint un nouveau record le 1er mars dernier, avec 69 430 personnes incarcérées. Le précédent record remontait au 1er juillet 2016, quand 69 375 détenus avaient été comptabilisés.

Par ailleurs, dans son rapport d’activité de l’année 2016, remis lundi 13 mars dernier au président de la République, la contrôleure général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, pointe du doigt « la surpopulation généralisée dans les maisons d’arrêt ». Elle déplore, par ailleurs, une l’insuffisance du personnel, la vétusté de nombreux bâtiments, ainsi que des conditions de vie des détenus difficiles - manque d’activités, difficultés d’accès aux soins, excès des contraintes liées à la sécurité.

Le rapport prévient cependant que la construction de nouvelles places de prison n’est pas la réponse. « Toutes les places de prison construites en France depuis trente ans n’ont jamais résolu le problème de la surpopulation carcérale » explique Adeline Hazan. Selon elle, le durcissement des lois pénales, une sévérité accrue de la justice et un affaiblissement des aménagements de peine sont la véritable cause de la surpopulation en prison.

De la violence chez les détenus et les surveillants

Adeline Hazan a observé un accroissement de la violence en prison, certains détenus refusant, par exemple, de participer aux promenades ou aux activités ou demandant à être placé à l’isolement. Les rapporteurs ont aussi observé des comportements délibérément fautifs, « destinés à susciter un séjour au quartier disciplinaire. »

Les surveillants sont également mis en cause par le rapport, avec « allégations de violence de leur part ». Adeline Hazan regrette, par exemple, le caractère excessif ou abusif des fouilles ou des placements en quartier disciplinaire.

Les prisons au coeur de la campagne présidentielle

Marine Le Pen a le programme le plus ambitieux en matière de population carcérale, avec celui de Nicolas Dupont-Aignan. La candidate du Front national propose la création de 40 000 places de prisons supplémentaires et un « plan de recrutement de 15 000 policiers et gendarmes. »

Le programme du candidat Les Républicains, François Fillon, prévoit la création de 16 000 places de prison supplémentaires, afin de séparer les primo-délinquants des détenus. Par ailleurs, l’ancien premier ministre prévoit de « recruter 5 000 agents des forces de l'ordre et remettre sur le terrain 5 000 policiers ou gendarmes occupés à des tâches administratives, soit un total de 10 000 agents supplémentaires au service de notre sécurité. »

Emmanuel Macron, candidat d’En Marche !, veut, quant à lui, créer 15 000 nouvelles places de prison et affiche sa volonté d’un durcissement de la justice pénale, déclarant que « toute peine prononcée sera exécutée ». « Les peines prononcées inférieures à deux ans ferme ne sont que très rarement exécutées et les délais de traitement sont tels que certaines peines ne sont jamais exécutées » avait-il expliqué le 3 mars dernier, lors de la présentation de son programme.

« Maintenir les dispositions de la loi Taubira »

Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon font tous deux exception à la règle en étant favorables aux peines de substitution. Le candidat du parti socialiste entend maintenir, « pour les peines de moins de six mois, les alternatives prévues par la loi Taubira. » Votée en 2014, elle prévoyait l’instauration de « la contrainte pénale », visant à créer une nouvelle peine en milieu ouvert et non plus en prison, et les peines planchers pour les récidivistes et les auteurs de violences aggravées, instaurées par la droite en 2007.

Quant à Jean-Luc Mélenchon, dans son programme, il entend « recruter 2 000 agents pénitentiaires pour les escortes des détenus et mettre fin au tout-carcéral par des peines alternatives à la prison, rénover les prisons pour garantir la dignité humaine, assurer la socialisation des détenus. »

 

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