Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Suppression de l’ENA : « Une mesure gadget » ?
Par Helena Berkaoui
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Initialement créée pour démocratiser l’accès à la haute fonction publique en 1945, l’école nationale d’administration (ENA) est devenue un symbole d’une élite française jugée technocratique et déconnectée. Il serait aujourd’hui question de supprimer l’ENA, à en croire les fuites des annonces d’Emmanuel Macron dans la presse. Des annonces qui font suite au grand débat national initié en réaction au mouvement des gilets jaunes. Après le grand débat, « rien ne sera comme avant », prévient la porte-parole du gouvernement, Sybeth Ndiaye. Si l’officialisation de ce big bang a été reportée à cause de l’incendie de Notre-Dame de Paris, les annonces officieuses font déjà débat et posent de nombreuses questions.
Au Sénat, où des préconisations pour une réforme de la haute fonction publique ont été rendues en octobre 2018, la rumeur est accueillie froidement. « C’est une mesure toute symbolique, elle ne changera rien et on peut même se demander si au bout du compte ça n’aggravera pas ce système de caste. C’est purement démagogique et personne ne demandait ça », s’agace le vice-président du Sénat, Philippe Dallier, sur le plateau de Sénat 360. Et le premier adjoint à la Mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, d’ajouter que l’ENA « est aussi une école de la méritocratie républicaine, gaullienne avec ses bons et ses mauvais côtés » (voir la vidéo ci-dessous).
« Ce n’est pas la suppression de l’ENA qui réglera les problèmes de la haute fonction publique »
Les mauvais côtés de l’ENA, le Sénat s’y est penché plus d’une fois. Une commission d’enquête a récemment été menée à la demande du groupe communiste (CRCE) sur les mutations de la haute fonction publique. La commission s’est notamment arrêtée sur un phénomène polémique : « le pantouflage ». Une pratique consistant, pour les hauts fonctionnaires, à naviguer entre des structures publiques et privées avec des risques évidents de conflits d’intérêts. Auditionné par cette commission d’enquête, Jean-Pierre Chevènement chargeait l’institution qui, selon lui, encourage « un phénomène de porosité, extrêmement grave à (ses) yeux, entre les élites administratives et les élites économiques » (lire notre article).
Pour le président de cette commission, Vincent Delahaye, la suppression de l’ENA serait « une mesure gadget qui ne répond pas aux demandes formulées par les Français durant le grand débat ». Le sénateur centriste de l’Essonne plaide pour une refonte de l’institution passant par une modification de la scolarité et du classement de sortie pour les adapter aux besoins des administrations. Ces préconisations visent aussi à une réorganisation de la haute fonction publique en vue d’y apporter plus de transparence et de cohérence (voir l’ensemble des préconisations). « Ce n’est pas la suppression de l’ENA qui réglera les problèmes de la haute fonction publique », souligne Vincent Delahaye.
Emmanuel Macron ne serait pas le premier à vouloir supprimer l’ENA. Deux de ses proches, François Bayrou et Bruno Le Maire proposaient également cela dans leurs programmes respectifs. Interrogé par Public Sénat, l’ancien camarade de promotion à l’ENA d’Emmanuel Macron et candidat à la mairie de Paris, Gaspard Gantzer, estime que « la suppression de l’ENA n’est ni un totem ni un tabou ». Toutefois, la question devrait se poser autrement, selon lui : « Pourquoi pas supprimer l’ENA, mais la question c’est pourquoi faire ? Ceux qui font semblant de croire que la suppression de l’ENA va régler tous les problèmes des Français ne sont pas sérieux », nuance-t-il. Le big bang institutionnel que dévoilera Emmanuel Macron dans les prochains jours infirmera ou confirmera cette annonce.