Soutien aux énergies renouvelables : des résultats pas à la hauteur, selon la Cour des comptes

Soutien aux énergies renouvelables : des résultats pas à la hauteur, selon la Cour des comptes

Dans un rapport demandé par la commission des Finances, la Cour des comptes souligne que malgré les moyens financiers « conséquents » mobilisés par l’État pour soutenir l’émergence des énergies renouvelable, la France est toujours à la peine dans la réalisation de ses objectifs. Les Sages appellent à définir une « stratégie plus concertée et cohérente » et à associer davantage le Parlement.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Peut mieux faire. C’est ce que dit en substance la Cour des comptes, dans son rapport sur le soutien au développement des énergies renouvelables en France. Les Sages de la rue Cambon ont été chargés par la commission des Finances de dresser un état des lieux de ces politiques publiques, qui ont mobilisé en 2016 environ 5,3 milliards d’euros.

Devant les sénateurs ce mercredi matin, la présidente de la septième chambre de la Cour des comptes, Catherine de Kersauson, a conseillé à l’État de « clarifier les ambitions » en matière de développement des énergies renouvelables. Selon elle, la France est « en retard » par rapport aux « objectifs ambitieux » qu’elle s’est fixés. Actuellement, la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie nationale atteignait 15,7% fin 2016 (une hausse de 6,2 points en 11 ans). Or, il faudra atteindre 23% en 2020, et 32% en 2030. Deux caps « difficilement atteignables », estime l’enquête.

Le tissu industriel français « a peu profité » du développement des énergies vertes

Catherine de Kersauson note également que l’industrie française a « peu profité » du développement des énergies renouvelables ces dernières années (voir la vidéo de tête), « faute d’une stratégie claire et de dispositifs stables ». Les acteurs français sont marginaux dans les chantiers et le nombre d’emplois directs dans le secteur (79.000) n’a augmenté que de 30% de 2006 à 2016. « Seuls 15% des emplois relèvent de la fabrication d’équipements et d’assemblage », note la Cour des comptes.

"Le bilan industriel du secteur des énergies renouvelables demeure notoirement insuffisant", pour Jean-François Husson
01:06
« Le bilan industriel du secteur des énergies renouvelables demeure notoirement insuffisant », réagit le sénateur Jean-François Husson

Appelant à « maîtriser les coûts » de cette politique, le rapport prévient que les « décisions du passé » – comme les engagements sur les tarifs d’achat d’énergie –  vont continuer à « peser fortement sur le budget de l’État ». Les décisions prises avant 2011 représentent actuellement les deux tiers des dépenses annuelles. De 5,3 milliards d’euros en 2016, le soutien public aux énergies renouvelables devrait atteindre 7,8 milliards en 2023.

Dans leurs solutions, les Sages recommandent une série de mesures, comme la publication des coûts de production, actuels et prévisionnels, afin de « contenir le volume des soutiens publics », ou encore l’instauration de plafonds de prix pour les projets qui concernent des « filières non matures ».

Les charges « disproportionnées » du photovoltaïque

Car dans certains secteurs, « les charges acquittées par l’État apparaissent disproportionnées au regard des volumes de production réalisés », constate la Cour des comptes. L’exemple le plus parlant est celui du photovoltaïque, dont les coûts plus élevés dans le passé pèsent encore sur les finances publiques. L’investissement de l’État atteint 38,4 milliards sur 20 ans pour une consommation qui représente 0,7% du mix électrique, selon les données de la Commission de régulation de l’énergie.

Une donnée qui a troublé certains parlementaires présents, comme Yannick Botrel, sénateur socialiste des Côtes-d’Armor. « Les chiffres du photovoltaïque m’ont surpris. Et quand on sait que tout cela est fabriqué en Asie », souffle-t-il.

Le rapport met également en lumière des « déséquilibres » entre les différentes filières. L’énergie thermique est ainsi insuffisamment soutenue. La Cour des comptes propose de soutenir plus massivement les énergies renouvelables d’origine thermique, en augmentant les moyens du Fonds chaleur, géré par l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie).

Ce constat est également partagé par Jean-François Husson, le rapporteur spécial des crédits consacrés à l’énergie au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». « Je préconise – sans jamais d’ailleurs avoir été entendu, ni avoir obtenu satisfaction depuis plusieurs années – de doubler le Fonds chaleur », a-t-il déclaré.

Faire évoluer les procédures d’appels d’offres pour gagner en rapidité

Le sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle approuve également la recommandation de la Cour des comptes sur les procédures d’appel d’offres et d’autorisation administrative. Selon lui, il faut accélérer les déploiements des installations, pour gagner en attractivité et éviter de mettre en service au bout du compte des « technologies obsolètes ». Devant notre caméra, il s’agace d’une « course de lenteur » en France, face aux voisins européens :

Vu « l’enjeu budgétaire », un point important du discours de la Cour des comptes a été particulièrement entendu par les sénateurs : mieux associer le Parlement dans la définition des politiques de soutien aux énergies renouvelables. Jean-François Husson aimerait que cette question fasse l’objet d’une loi de programmation.

 « Le Parlement demeure exclu des grands choix qui engagent les finances du pays en matière de soutien aux énergies renouvelables. Nous ne sommes toujours pas associés à la définition des objectifs de développement des énergies renouvelables qui sont décidés dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie […] Il s’agit d’une véritable anomalie démocratique. »
Jean-François Husson

Énergies vertes : « La stratégie va être conduite exclusivement par l’exécutif », dénonce Jean-François Husson
01:13
Images : Jordan Klein

La Cour des comptes a enfin pointé une faiblesse dans la gouvernance de ces politiques. Catherine de Kersauson a souligné que le pilotage devra être renforcé car il « apparaît inadapté aux sommes en jeu ». Relevant une « faible coordination interministérielle », les magistrats de la Cour des comptes recommandent de mettre en place un comité, sous l’autorité du Premier ministre, « à l’image du COR, le Conseil d’orientation des retraites ». Cette idée n’a pas convaincu les sénateurs, qui redoutent l’empilement d’une nouvelle instance de décision.

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Soutien aux énergies renouvelables : des résultats pas à la hauteur, selon la Cour des comptes
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Soutien aux énergies renouvelables : des résultats pas à la hauteur, selon la Cour des comptes
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le