Le Conseil constitutionnel a invalidé vendredi l'élection du député de La Réunion, Thierry Robert (MoDem), et l'a déclaré inéligible pour trois ans pour manquement à ses obligations fiscales, une situation qui fait suite à plusieurs alertes concernant également son patrimoine.
Cette décision du Conseil constitutionnel, qui ne peut pas faire l'objet d'un recours, va donc entraîner l'organisation d'une nouvelle élection dans la 7e circonscription de La Réunion, dans un délai maximal de trois mois, selon le code électoral.
Dans une vidéo diffusée via Facebook, Thierry Robert, 41 ans, chef d'entreprise et industriel de profession, a dénoncé une "injustice" et "une volonté de lobbies, de l'establishment, de réseaux qui fait qu'aujourd'hui, (il se) retrouve dans cette situation".
Il a promis qu'il continuerait à parler "de politique" et à préparer "les échéances importantes qui vont arriver". "Je continuerai à me battre (...) pour sortir la Réunion de cette situation post-colonialiste qui règne toujours malheureusement ici", a-t-il dit.
Depuis les lois de moralisation de septembre 2017, l'administration fiscale vérifie systématiquement que les députés sont à jour du versement de leurs impôts et qu’ils ont effectué correctement leurs déclarations fiscales.
Selon le Conseil constitutionnel, M. Robert "n'avait pas, dans le mois suivant l'attestation faisant état de non-conformité" de sa situation fiscale, "acquitté ses impôts, ni constitué des garanties suffisantes, ni conclu un accord contraignant en vue de payer ses impôts".
Si l'élu réunionnais a "partiellement régularisé sa situation fiscale avant l'échéance du délai qui lui était laissé à cette fin, et en totalité postérieurement à ce délai", les Sages ont jugé que, "compte tenu de l'importance des sommes dues et de l'ancienneté de sa dette fiscale", il y avait "lieu de prononcer l'inéligibilité" de M. Robert "à tout mandat pour une durée de trois ans" et "de le déclarer démissionnaire d'office de son mandat de député".
Le Conseil ne précise pas le montant des sommes en causes.
-"situation régularisée"-
Thierry Robert était le seul des 577 députés à n'avoir pas obtenu d'"attestation de conformité fiscale" en avril dernier, avait indiqué la présidence de l'Assemblée nationale, qui avait alors saisi le Conseil constitutionnel.
"Au moment de la délivrance de cette attestation, je disposais d’une dette sur l’ISF auprès de l'administration fiscale. Toutefois, entre temps, ma situation a été totalement régularisée, avec la totalité des paiements", avait à l'époque expliqué M. Robert.
Le député, qui encore lundi défendait en commission des lois un amendement pour réviser le statut de la Réunion dans le cadre de la réforme constitutionnelle, a assisté fin juin à l'Elysée à la présentation du Livre bleu Outre-mer, déclinaison de la politique gouvernementale pour les territoires ultramarins. Sur son compte Facebook, on le voit à cette occasion poser avec le président de la République.
Elu à l'Assemblée depuis 2012, sa situation est également dans le collimateur de la justice, qui a été saisie par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en février, à propos de sa déclaration de patrimoine de fin de mandat établie fin 2016.
La HATVP avait estimé qu'il existait un "doute sérieux quant à l’exhaustivité, l'exactitude et la sincérité de cette déclaration", lié à "l'omission d'une partie substantielle du patrimoine" de l'élu.
Le député faisait déjà l'objet d'une enquête ouverte par le parquet de Paris début juillet 2015, après un signalement de la HATVP sur une possible sous-évaluation de son patrimoine. L'élu avait alors dénoncé des "erreurs d'appréciation".
La HATVP avait aussi alerté l'Assemblée nationale et la Chancellerie sur les fonctions du député dans plusieurs sociétés immobilières, qui auraient pu être incompatibles avec son mandat. Mais le Conseil constitutionnel avait décidé fin janvier 2016 qu'il pouvait continuer d'exercer ces fonctions.
M. Robert a été par ailleurs été condamné en février "pour harcèlement moral et harcèlement sexuel" à l'encontre d'une ancienne collaboratrice. "Je le redis aujourd'hui, je n'ai jamais fait cela, jamais, J-A-M-A-I-S mais j'ai été condamné quand même", a déploré l'élu sur facebook.
Il a enfin été rappelé à l'ordre en novembre 2017 par le président de l'Assemblée nationale pour avoir utilisé son statut de député dans le cadre d'activités privées. Il avait finalement retiré la publicité d'une de ses sociétés immobilières sur son compte Facebook où il s'affiche député.