Les tensions montent. Après la manifestation des syndicats de la fonction publique et de la SNCF le 22 mars dernier, l’heure n’est pas à l’accalmie sur le front social, au contraire. Le gouvernement doit faire face à une multiplication des mouvements sociaux. Et aux situations de blocages.
Ce jeudi après midi, ce sont les syndicats de la fonction publique qui avaient rendez-vous avec le ministre de l’Action et des Compte publics, Gérald Darmanin. Clairement, avant même que cette longue session de concertation commence – elle ne va pas se conclure avant la fin de l’année – l’incompréhension est déjà là.
« Dialogue de sourds »
« On a pour l’instant un gouvernement qui n’entend pas. Il multiplie les réunions, rencontres, mais le document d’orientation n’a quasiment pas changé » constate avec regrets Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, interrogée par publicsenat.fr avant une conférence de presse de l’intersyndicale. « Le gouvernement n’entend pas sur le fond ni nos désaccords, ni nos exigences, ni même nos propositions. Il y a une sorte de dialogue de sourds où il y a des réunions mais il ne se passe rien. Soit on a un problème de définition du dialogue social, soit une volonté du gouvernement de contourner les organisations syndicales » ajoute la responsable de FSU (voir la vidéo).
Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU dénonce un "dialogue de sourds" avec le gouvernement
Les fonctionnaires ont plusieurs lignes rouges. Les syndicats veulent réduire le recours aux contractuels, c'est-à-dire les personnes embauchées sans être fonctionnaires, alors que le gouvernement veut l’accroître. Ils voient aussi d’un mauvais œil la logique de salaire au mérite, contraire à la progression classique des carrières des fonctionnaires. Ils s’opposent à la suppression d’instances de dialogue social, comme les CHSCT. Sans oublier le point central du pouvoir d’achat avec le gel du point d’indice et le jour de carence. Bernadette Groison prévient : « Si le gouvernement ne nous écoute pas, on mettra une nouvelle date de mobilisation ». Le 3 avril, l’intersyndicale se réunit pour décider de la suite. Autant dire qu’une nouvelle date devrait certainement être cochée dans le calendrier de la grève.
Un calendrier déjà bien chargé. A la SNCF, la grève perlée (2 jours de grève, puis 3 jours sans, etc) commence le 3 avril. Mais un premier préavis de deux jours de grève a été déposé par la CGT, l’Unsa, et la CFDT du 2 avril à 19 heures jusqu'au 5 avril à 8 heures. De son côté Sud-Rail (3e syndicat), opposé au principe de la grève perlée, a déposé un préavis de grève illimitée à partir du 2 avril, 20 heures.
Grève des éboueurs à venir
Les fronts syndicaux se cumulent et se concentrent sur cette journée du 3 avril. Car des appels à la grève sont prévus chez Air France, les éboueurs et peut-être les électriciens, ce jour-là.
Du côté de la compagnie aérienne, les syndicats de pilotes ont claqué la porte de la direction ce jeudi, après « même pas 40 minutes », à la veille d’une première journée de grève. Le groupe prévoit d’assurer 76% de ses vols vendredi. Les syndicats demandent des hausses de salaire.
Côté déchets, c’est toute la filière qui entre en grève mardi. Une grève illimitée, qui devrait se faire remarquer, notamment à Paris et Marseille. La CGT appelle autant les balayeurs, le secteur de la collecte, du centre de tri, que les salariés des incinérateurs à débrayer.
Dans le secteur de l’énergie, la grève pourrait se traduire par des baisses de charges dans les centrales nucléaires, des coupures d’électricités pour certaines entreprises ou le passage en heures creuses dans certaines zones.
Universités bloquées
Autre conflit qui monte : celui dans les universités. Un mélange de revendications locales et d’opposition à la réforme de l’enseignement supérieur, qui ouvre à la sélection. La violente agression commise contre des étudiants à Montpellier a jeté de l’huile sur le feu. A Toulouse, des sites de l'université de sciences humaines sont bloqués depuis mars. A Bordeaux, le campus de la Victoire, en centre-ville, est lui bloqué depuis la mi-mars. La fac de lettres de Nancy, où les étudiants grévistes demandent le retrait de la réforme, est aussi dans la même situation. L’université de Montpellier reste bloquée également. A Paris, c’est Tolbiac qui est fermée depuis lundi.
Si tous les syndicats ne veulent pas mélanger les conflits, y voyant même un frein à l’efficacité des différents mouvements, certains visent au contraire la convergence des luttes. Fin février, Solidaires fonction publique expliquait déjà espérer cette « convergence » contre, au-delà des réformes, « un nouveau modèle de société que le gouvernement veut imposer à la société tout en entière » (voir la vidéo). Alors que l’anniversaire de mai 68 approche, certains ne voudraient pas qu’il se limite à une simple commémoration…