L’ancienne ministre des Droits des femmes actuelle sénatrice socialiste, Laurence Rossignol a déposé une proposition de loi, cosignée par l’ensemble des collègues de son groupe. Elle vise à reconnaître « les souffrances physiques et morales » infligées par une « législation prohibitionniste » avant 1975, date de l’adoption de la loi Veil. Le texte sera examiné en séance publique le 20 mars.
[Série] Jane Fonda vue par Annick Billon : « elle aurait pu être femme politique »
Par Public Sénat
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Comment utiliser sa célébrité, et même son argent, pour soutenir son engagement ? Comment jouer des paradoxes quand on est actrice et qu’on veut faire passer des messages politiques ? Annick Billon, sénatrice et Présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances a visionné le documentaire : « Jane Fonda, une femme passionnée et passionnante » et pour publicsenat.fr elle livre son regard de femme politique sur le parcours cette femme militante depuis plus de cinq décennies.
Jane Fonda a commencé sa carrière en jouant dans des rôles pour lesquels on saluait la beauté. On a l’impression en visionnant le documentaire qu’elle a très vite souhaité casser avec cette image qui ne lui convenait pas. Qu’en pensez-vous ?
Annick Billon : Le parcours de Jane Fonda est très significatif en effet. Lorsqu’elle a démarré, elle a pris ses marques dans un monde qu’elle découvrait, puis rapidement, au-delà de l’aspect cinématographique des choses, elle a souhaité être à la fois une artiste, une citoyenne et une militante engagée.
Et donc très rapidement, elle a fait des rencontres qui l’ont fait évoluer et qui ont fait évoluer son approche cinématographique. Mais elle s’est engagée très vite, et très vite elle a cassé l’image qu’on souhaitait lui attribuer.
Il faut dire qu’à l’époque où elle démarrait cette carrière, un certain nombre de sujets d’actualité pouvaient évidemment pousser à s’engager, notamment aux Etats-Unis avec la guerre du Vietnam.
Casser avec cette image de « femme fatale » qu’elle a pourtant incarnée dans certains films comme « Les Félins » de René Clément ou « Barbarella » de Christian Vadim, mais casser aussi avec le milieu bourgeois auquel elle appartenait. Est-ce le signe d’une femme forte de caractère, les marqueurs d’une femme engagée ?
Annick Billon : Alors, derrière le militantisme, forcément, il y a un engagement et des prises de position qui font écho à l’engagement politique. On le voit, elle venait d’un milieu « privilégié » et donc sa vie d’artiste et sa vie personnelle l’ont amené à rencontrer rapidement des minorités, parfois opprimées, dont elle ne faisait pas partie et dont elle a souhaité défendre les intérêts. Et puis, elle a vite incarné des rôles de femmes fortes au cinéma et lorsqu’on incarne quelque chose qui n’est pas soi, on prend conscience du pouvoir que peut avoir cette pratique cinématographique pour faire passer des messages. Ainsi, Jane Fonda à travers les rôles qu’elle a incarnée, a découvert d’autres mondes qui l’ont amené à s’engager.
Peu de temps après son mariage avec Roger Vadim, elle vit en France au moment des événements de Mai 68 et découvre le monde politique, avec notamment Simone Signoret et Yves Montand qui l’emmènent à un meeting contre la guerre du Vietnam. Vous comprenez la mécanique qui lui fait prendre conscience qu’elle doit s’engager pour ce en quoi elle croit ?
Annick Billon : Lorsque l’on est à l’étranger, on se rend compte de ce que l’on a et de ce que l’on n’a pas, on peut comparer les choses et se rendre compte que les curseurs ne sont pas les mêmes, les libertés, la place des minorités, des femmes, etc. Par ailleurs, il y a toujours un élément déclencheur [ici la rencontre avec Simone Signoret mais aussi la naissance de sa fille]. Aller voir ailleurs cela permet aussi de se rendre compte de ce qu’on peut faire chez soi et c’est le cas, il me semble, pour Jane Fonda.
Après la naissance de sa fille, elle rentre aux Etats-Unis, fait le tour du pays pour mieux le connaître, le comprendre et découvre notamment le combat de la minorité noire pour l’égalité. C’est une manière de fonctionner des politiques, comme ça que d’aller à la rencontre des gens ?
Annick Billon : Oui en effet et je pense qu’elle aurait pu être une femme politique beaucoup plus engagée [Rires]. On ne parle bien des choses que lorsqu’on les connaît donc forcément il faut aller à la rencontre des gens comme elle le fait. Nous, au Sénat, par exemple, nous sommes les représentants des territoires, et si l’on n’est pas un minimum au contact de ces territoires, je ne vois pas comment on peut bien les représenter. C’est pour cela que la totalité des sénateurs ont eu un parcours politique dans des collectivités avant d’arriver au Sénat. Parce que pour parler d’un sujet, il faut le connaître, donc Jane Fonda fait ce tour « géographique » pour appréhender les problématiques, pour mieux les comprendre et pour ensuite défendre ses positions et s’engager. Ainsi faire le tour des Etats-Unis pour comprendre et adopter une position, dans son cas, c’est déjà du militantisme.
Un militantisme et un engagement qui vont lui « coûter cher ». puisqu’elle prend le risque, comme le dit Jean-Luc Hees dans le documentaire, de « se rebeller contre ce pays alors qu’il est en guerre. Elle accepte les risques de la trahison ».
Que pensez-vous de cet engagement ?
Annick Billon : Bien sûr, ne rien faire est toujours plus facile que d’adopter des positions qui vont forcément vous mettre à dos certaines personnes ou certains groupes de personnes, surtout dans ce contexte de guerre du Vietnam. L’opposition à la Guerre du Vietnam donc, mais aussi la question des minorités, la question du droit des femmes, pour laquelle je m’implique en présidant la délégation aux droits des femmes… Il y avait une multitude de sujets et ses prises de position ont, j’en suis persuadée, nuit à sa carrière.
D’ailleurs on le constate aujourd’hui, les artistes prennent de moins en moins position, notamment en France, de manière politique parce que c’est assez difficile pour eux de le faire. En effet, on leur reproche parfois de manquer de légitimité pour parler de politique, une partie de la population refusant que les artistes s’engagent en politique parce qu’ils n’ont pas « assez de légitimité ». Mais pour moi, ce n’est absolument pas vrai et Jane Fonda comme d’autres, en ont été les exemples. Et si aujourd’hui, les femmes sont reconnues en tant qu’artistes et en tant que citoyennes c’est aussi parce qu’il y a eu avant elles d’autres femmes engagées comme Joséphine Baker ou Frida Kahlo…
« On achève bien les chevaux », « Gloria », « Klute », Jane Fonda joue des rôles de femmes engagés et elle produit les films qu’elle a envie de faire. Qu’en pensez-vous ?
Annick Billon : Grâce à son parcours : elle démarre dans le cinéma avant de militer et d’adopter des positions extrêmement tranchées, et elle se rend compte à un moment que si elle veut aller au bout du message qu’elle souhaite transmettre, il ne sera jamais aussi bien transmis que par elle-même et c’est pour cela je pense qu’elle devient productrice.
Dans les années 80, elle dénonce avec son compagnon, le politique Tom Hayden, les dangers du nucléaire ou l’absence de sécurité sociale, aujourd’hui âgée de plus de 80 ans, Jane Fonda reste une femme engagée, notamment contre le réchauffement climatique. Reste-t-elle donc pour vous une référence des femmes d’engagement ? Est-ce une bonne chose pour la parlementaire que vous êtes que des artistes s’engagent ainsi ?
Annick Billon : Oui, à partir du moment où il y a un engagement comme celui de Jane Fonda aujourd’hui ou ceux d’autres artistes, c’est une bonne chose. On a tous quelque chose à apporter, qu’on soit en politique, dans une carrière artistique ou autre, parce que la société bouge et ne bougera que si tout le monde y croit et que tout le monde y contribue à son niveau, notamment sur les sujets de l’environnement, qui sont les sujets sur lesquels Jane Fonda s’engage sur cette période contemporaine. En effet, on n’arrivera jamais à faire évoluer la tendance lourde du réchauffement climatique sans un engagement total, citoyen et planétaire. Pour Jane Fonda, comme pour d’autres artistes engagés, leur « circonscription », ce n’est pas un état, pas un pays, c’est le monde. Elle est connue dans le monde entier et sa voix porte partout donc son engagement est important. Sur ce problème mondial qu’est le réchauffement climatique par exemple, la loi ne suffira pas à faire changer les choses.
Retrouvez le documentaire « Jane Fonda, une femme passionnée et passionnante » le 28 août à 21 heures sur Public Sénat et sur notre espace Replay.