L’élection sénatoriale a la particularité d’être une élection au suffrage universel indirect. Ce n’est donc pas l’ensemble des Français inscrits sur les listes électorales qui élisent les sénateurs, mais des grands électeurs. Ils sont au total de 162 000. Pour le scrutin du 27 septembre sur la série 2, soit la moitié des sièges du sénat, on compte environ 87 000 grands électeurs.
Vote obligatoire
Selon l’article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales ». Le collège électoral des grands électeurs est donc logiquement composé à 95 % par les conseillers municipaux, ainsi que par les conseillers généraux, les conseillers régionaux et les parlementaires du département. À noter que le vote est obligatoire pour les sénatoriales. Les grands électeurs encourent une amende de 100 euros en cas de non-respect de cette obligation.
Cette prééminence des conseillers municipaux explique pourquoi les élections municipales font les sénatoriales. Le scrutin découle directement des tendances politiques de l’élection des maires. Le Sénat est ainsi passé à gauche en 2011 après une poussée de la gauche lors des municipales de 2008. À l’inverse, la vague bleue de 2014 a entraîné le retour de la Haute assemblée à droite lors des sénatoriales.
Les villes de moins de 10 000 habitants surreprésentées
Dans le détail, pour les communes de moins de 9 000 habitants, une partie seulement des conseillers municipaux vote. Dans les communes de 9 000 à 30 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont grands électeurs. Pour les communes de plus de 30 000 habitants, des délégués supplémentaires sont désignés par tranche de 800 habitants.
Ces délégués sont des personnes de confiance, choisies généralement pour leur proximité politique avec les conseillers municipaux qui les désignent. Il s’agit concrètement de voter comme on leur demande, c’est-à-dire en respectant la couleur politique des conseillers municipaux élus.
Conséquence de ce corps électoral particulier : les villes de moins de 10 000 habitants, qui représentent 50,3 % de la population, comptent 69 % des délégués sénatoriaux. Les petites communes sont donc surreprésentées.
Les vagues politiques des municipales amorties et lissées
Cet équilibre a évolué dans l’histoire. Au début de la IIIe République, chaque commune avait un représentant. La voix de Marseille comptait autant que celle du village de Chamouille, dans l’Aisne, ou celui de Pompogne, dans le Lot-et-Garonne. En 1984, on commence à intégrer une part de représentation démographique.
En 2000, la tentative de Lionel Jospin, qui avait qualifié le Sénat « d’anomalie démocratique », de renforcer encore l’équilibre démographique (en fixant à 300 habitants le seuil permettant des délégués supplémentaires), a été censurée par le Conseil constitutionnel car les sénateurs doivent être essentiellement élus par… des élus.
Autre caractéristique : le renouvellement du Sénat se fait par moitié, tous les trois ans. Cela entraîne une forme de lissage des vagues politiques. Les mouvements sont atténués ou reportés dans le temps. En ajoutant la surreprésentation des petites villes et des territoires ruraux, où la droite reste bien implantée, on comprend pourquoi se crée un effet d’amortissement des mouvements électoraux observés lors des municipales, ainsi qu’un scrutin qui a plutôt tendance à favoriser la droite.