Sénatoriales 2020 : le Sénat devrait rester à droite
La vague verte va automatiquement se répercuter sur le scrutin sénatorial de septembre 2020. Malgré des pertes dans les grandes villes, la majorité sénatoriale de droite et du centre de Gérard Larcher devrait être stable dans l’ensemble. La gauche espère grossir, avec un bon maintien du PS et le retour d’un groupe écologiste.
Les municipales sont marquées par une vague verte et un échec de LREM. Mais une autre élection s’est jouée dimanche soir. Ce sont les sénatoriales. Les Français qui se sont déplacés n’y pensent pas forcément. Mais le 27 septembre prochain, le Sénat renouvelle la moitié de ses 348 sièges (en réalité, un peu moins : lire ici). Or pour cette élection au suffrage universel indirect, le corps électoral est composé à plus de 96% par les conseillers municipaux et leurs délégués, désignés le 10 juillet. On comprend mieux pourquoi ce sont les municipales qui font l’élection sénatoriale.
Après des municipales 2014 marquées par une vague bleue, LR ne renouvelle pas l’exploit. Mais la droite a encore de beaux restes et conserve de nombreuses villes moyennes, tout comme le PS (voir ici notre carte des résultats). Le point et les enseignements, groupe par groupe, avec leurs présidents.
LR : « La majorité sénatoriale pourrait être consolidée » selon Bruno Retailleau
Attention scoop : le Sénat restera à droite aux sénatoriales. En réalité, on s’en doutait. Le scrutin municipal ne vient que le confirmer. Pourtant, en se retrouvant dimanche soir, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, Bruno Retailleau, à la tête des sénateurs LR, et Hervé Marseille, qui dirige le groupe Union centriste, n’ont pas fêté par avance leur victoire. « On s’est vu tous les trois. On a partagé nos analyses » explique à publicsenat.fr Bruno Retailleau. Cette analyse est claire : « La majorité sénatoriale pourrait être consolidée, confortée en tout cas » espère le sénateur de Vendée. La droite subit pourtant une défaite symbolique à Bordeaux, et probablement à Marseille. « Mais il y a un effet d’optique médiatique. Et à Marseille, c’est trop tôt. Tout va se jouer au troisième tour. A Marseille, on n’est jamais à l’abri d’une surprise ! » croit Bruno Retailleau.
Avec 79 sénateurs renouvelables sur les 143 que compte le groupe, « on a un fort renouvellement cette année. Ça aurait pu être compliqué. Et ça ne le sera pas » constate le patron des sénateurs LR. « Les conséquences des pertes symboliques sont extrêmement minimes » constate-t-il. « A Marseille on perdra une sénatrice, à Bordeaux un siège. Pour l’instant, en Gironde, on n’a qu’une sénatrice » détaille Bruno Retailleau qui, à côté, fait la liste des villes conservées : « Toulouse, Nice, Limoges, Aix, Nimes et des villes moyenne conquises, comme Orléans, Montélimar, Saint-Malo, Auxerre ou Champigny-sur-Marne. On aura plus de 60% des communes de plus de 9.000 habitants. Ce sont des communes nombreuses qui envoient un contingent de grands électeurs important ». Autrement dit, la France ne se résume pas aux grandes métropoles. C’est pourquoi il y aura, au final, « au minimum une stabilité du groupe. Après, ça reste une élection »
Avec un groupe centriste également stable, (lire après), sans qui les LR n’ont pas de majorité seuls, la majorité sénatoriale restera à droite et au centre. Et on imagine bien que Gérard Larcher sera à nouveau candidat au Plateau. Bruno Retailleau en tout cas le souhaite et le soutiendra : « J’espère bien que Gérard Larcher sera candidat à son renouvellement. Car il est un atout pour le Sénat ». Et c’est parti pour durer encore un peu. « En 2023, on aura le même corps électoral. Ça assure la majorité pour les 6 prochaines années en réalité » se réjouit Bruno Retailleau. Emmanuel Macron devra encore faire avec la Haute assemblée quelque temps. « Absolument. Je ne sais pas s’il adore ça… Mais il n’a pas le choix » dit le président du groupe LR, « et c’est important que le Sénat puisse jouer son rôle de contre-pouvoir quand Emmanuel Macron a une tendance à concentrer tous les pouvoirs ».
Union centriste : « On prévoit une grande stabilité pour le groupe » affirme Hervé Marseille
Le groupe Union centriste, composé pour l’essentiel de sénateurs UDI, était sorti renforcé lors du scrutin de 2017, avec 7 sénateurs de plus. Aujourd’hui, pas moins de la moitié (25 sénateurs sur 51) du groupe est renouvelable. Ce qui n’inquiète pas le président du groupe, Hervé Marseille, qui affiche son habituelle sérénité toute sénatoriale. « Je suis très confiant sur l’issue du scrutin du mois de septembre pour la majorité sénatoriale, même si on peut imaginer voir renaître un groupe vert » dit le sénateur UDI des Hauts-de-Seine. « Globalement, la majorité sénatoriale tient ses positions. Et le calendrier ne laisse pas beaucoup de place à la nouveauté » avec seulement l’été pour faire campagne. « Il n’y a pas beaucoup d’improvisation possible. Pour pouvoir se présenter, il faut être connu et installé. C’est favorable aux sortants ou ceux déjà connus » souligne Hervé Marseille. Les sénatoriales sont en effet un scrutin qui assure une certaine stabilité. Le renouvellement par moitié renforce par ailleurs l’effet tampon. Les vagues sont nivelées et étalées.
Les centristes ont certes « perdu des villes, mais on en a aussi gagné, comme Saintes ou Abbeville. Globalement, on prévoit une grande stabilité pour le groupe. J’espère qu’elle sera à la hausse ». Il n’exclut pas cependant qu’il y ait « plus d’élus de gauche » à la Haute assemblée, entre le PS et EELV, mais « ça va se jouer sur les doigts d’une main ».
PS : « La gauche sera plus forte après les sénatoriales » selon Patrick Kanner, qui propose « une stratégie gagnant-gagnant » avec EELV
Le PS a plutôt réussi les municipales. « On va faire tourner les machines à calcul comme on dit. Mais le PS s’en sort beaucoup mieux que ce que nous avions imaginé après les européennes. On récupère beaucoup de villes perdues en 2014 » se réjouit Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. Maintenant, « il faudra que les particules retombent » dit le sénateur du Nord, qui affiche son ambition : « Que nous restions le deuxième groupe du Sénat ». Avec 37 sénateurs renouvelables sur 71, le groupe est exposé. Mais les socialistes raflent Nancy, l’emportent à Montpellier ou conservent d’un cheveu Lille. La gauche gagne aussi à Quimper ou Morlaix.
Reste que la vague verte change inévitablement la donne pour le PS. Patrick Kanner le sait bien. « Il est clair que l’intention d’EELV d’avoir un groupe est très légitime » dit-il. C’est pourquoi le sénateur PS du Nord propose « une stratégie gagnant-gagnant », comme il l’a avancé dès dimanche sur publicsenat.fr.
« On va essayer d’avoir un accord national qui permette à chacun de se retrouver » soutient-il. Ce qui signifie, dans l’esprit de l’ancien ministre socialiste, un avantage conservé au PS. « Il ne faut pas oublier qu’en nombre de villes, les forces socialistes sont plus fortes. Les écologistes sont une force montante, mais nous ne sommes pas une force descendante ». « Là, ils pourront tirer la liste. Et réciproquement. Il y a les deux tiers des villes de plus de 50.000 habitants où les Verts sont derrière nous ». Et de conclure : « On doit trouver un bon accord » lance Patrick Kanner, qui entend aussi « tout faire pour récupérer une partie » des 12 sièges de sénateurs PS qui avaient basculé chez LREM, en 2017, même chose avec « les 3 partis au groupe RDSE ».
Globalement, s’il ne va pas jusqu’à dire que le groupe PS sera « plus nombreux, ça (lui) paraît osé », Patrick Kanner souligne que « si nous avons un groupe Vert marqué à gauche, cela veut dire que la gauche sera plus forte après les sénatoriales ».
EELV : « Il n’y a pas de débat, il y aura un groupe écologiste au Sénat » assure Ronan Dantec
Ce sont les grands gagnants des municipales (voir notre article). Ce seront, en toute logique, les gagnants des sénatoriales. Les écologistes vont retrouver leur groupe politique, perdu en 2017. Pour Ronan Dantec, sénateur écologiste (proche d'EELV) parti se réfugier au groupe RDSE avec Joël Labbé (quand Esther Benbassa est partie au groupe communiste), cela ne fait aucun doute : « C’est mécanique. Il n’y a pas de débat sur le fait qu’il y aura un groupe écologiste au Sénat » se réjouit le sénateur, qui a fêté la victoire de la PS Johanna Rolland, soutenue par EELV à Nantes. « La nuit a été courte » glisse le sénateur de Loire-Atlantique avec le sourire. Alors qu’il faut être 10 au Sénat pour créer un groupe, l’enjeu est maintenant ailleurs selon Ronan Dantec :
La question, c’est de savoir si le groupe écolo sera à plus ou à moins de 20 sénateurs.
L’élu tord le cou à l’idée que la poussée verte se limiterait aux grandes villes. « Il y a des départements, y compris ruraux, avec des évolutions très intéressantes, des maires divers gauche écolos. C’est très important pour les sénatoriales ».
EELV va-t-il se laisser griser par ses bons résultats ou sera-t-il prêt à passer des accords avec le PS ? Invité de la matinale de Public Sénat, le député européen EELV David Cormand estime que ce serait « cohérent » de passer « des alliances », confirmant « l’ambition » de retrouver un groupe. Regardez (voir à la fin de la vidéo) :
« Aux sénatoriales, plus les gens sont unis, plus ils ont d’élus. Donc il faut discuter » confirme Ronan Dantec, « avec le PS, mais que. Il y a plein d’endroits avec des accords avec le PCF ». Il continue : « Le terme gagnant-gagnant (de Patrick Kanner) ne me choque pas. Mais il ne faut pas faire comme si, dans un certain nombre de départements, par exemple la Gironde, il n’y avait pas de rééquilibrage entre le PS et les écologistes, en faveur des écolos. Il faudra en tenir compte » prévient-il. Bref, ils vont rentrer dans « un moment de négo ». Mais lui aussi pense que « le bloc gauche-écolo va progresser ». Et il progressera davantage encore lors des sénatoriales de 2023, se projette déjà Ronan Dantec : « Ce sera le même corps électoral. On va avoir un gain sur deux élections. Et comme il y a un groupe LREM, il y aura un rééquilibrage du Sénat possible ».
LREM : « La situation dans les grandes villes va sans doute créer des difficultés » reconnaît François Patriat
Pour le parti présidentiel, les municipales sont un échec, c’est entendu. Les sénatoriales de 2017 n’avaient pas été bonnes. Celles de 2020 ne seront donc pas meilleures. « Il est évident qu’aux sénatoriales, la situation dans les grandes villes va sans doute créer des difficultés supplémentaires pour les candidats En Marche, c’est certain » a reconnu dimanche soir François Patriat, patron des sénateurs LREM, interrogé par publicsenat.fr. 10 sénateurs sur 23 sont renouvelables. Le groupe sera au moins conservé. François Patriat compte sur « les sortants, qui sont bien implantés ». Mais pour lui-même, l’équation s’annonce très compliquée. Il avait été élu en tant que PS en 2014, et l’ancien sénateur François Rebsamen, réélu à Dijon, ne compte pas lui faire de cadeau… En juin 2019, après les européennes, François Patriat espérait encore une « nette progression des sénateurs LREM », voire le nombre de sénateurs Macron-compatible grossir dans les autres groupes. C’est raté. L’espoir d’avoir la majorité des 3/5 au Congrès s’éloigne encore plus pour Emmanuel Macron.
RDSE : « On va essayer de maintenir le groupe » dit Jean-Claude Requier
Au groupe RDSE, 13 sénateurs sur 23 sont renouvelables. « On va essayer de maintenir le groupe. On va voir » dit son président Jean-Claude Requier, qui aborde le scrutin « avec calme et pondération ». D’autant que les sénateurs du groupe sont « beaucoup sur les départements ruraux, où l’impact de la vague verte est moindre ». « On a deux sénateurs écolos, rattachés au groupe. On sait très bien que s’ils peuvent faire un groupe écologiste, ils le feront. On ne va pas les retenir bien entendu » dit le sénateur du Lot, qui ajoute : « On ne parle pas tous les matins du nucléaire, du loup et de l’ours. Mais on se rejoint sur de nombreux points ».
PCF : l’impact des municipales se fera sentir lors des sénatoriales de « 2023 », explique Eliane Assassi
Le groupe CRCE (communiste, républicain, citoyen et écologiste), à majorité PCF, va conserver son groupe. Avec seulement 3 sénateurs renouvelables sur 17, c’est automatique. D’autant qu’en « Seine-Maritime, c’est pratiquement assuré de gagner, en Côte d’Armor aussi. Et c’est possible de gagner un siège dans les Bouches-du-Rhône » souligne la présidente du groupe, Eliane Assassi. Mais avec plusieurs défaites dimanche soir, comme à Champigny, Saint-Denis ou Aubervilliers, « les municipales 2020 vont impacter » (voir notre article sur le scrutin). La ceinture rouge du Parti communiste, ces communes de la petite ceinture parisienne, continue de se réduire. « Mais on gagne à Noisy-le-Sec, à Bobigny. On est très présent à Romainville » tempère la sénatrice de Seine-Saint-Denis. Avec « la grande masse de notre groupe renouvelable en 2023 », les sénatoriales suivantes seront plus compliquées pour le PCF, « ça c’est sûr ».
Les Indépendants - Liberté et territoires : le plus petit groupe du Sénat renouvelable à moitié
C’est le dernier groupe créé au Sénat, après le renouvellement de 2017. Composé d’élus de centre droit Macron-compatibles, il est présidé par Claude Malhuret, juppéiste comme Edouard Philippe. Il faudra voir dans le détail, mais avec 7 sénateurs renouvelables sur 14, le plus petit groupe du Sénat remet en jeu la moitié de ses sièges. Or, à la Haute assemblée, le seuil pour pouvoir créer un groupe est de 10. Il ne faudra pas en perdre trop.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.