Selon Alain Weill, c’est « la multiplication » des chaînes infos qui a poussé CNews à « la radicalisation »

Selon Alain Weill, c’est « la multiplication » des chaînes infos qui a poussé CNews à « la radicalisation »

« Avec C News, on a vu apparaître une chaîne de débat, d’opinion », constate l’ancien patron d’Altice France, aujourd’hui propriétaire de L’Express. Il assume avoir réduit les effectifs au sein du magazine, « un problème mathématique », pour un journal qui « perdait 12 millions d’euros ». Il a présenté son projet « d’Express TV », qui vise les « CSP + au sens large ».
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Les patrons se succèdent devant la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias. Après Laurent Solly, directeur général de Facebook France, en début d’après-midi, c’est Alain Weill, le président et propriétaire de L’Express, qui a répondu aux questions des sénateurs. S’il a été entendu par la Haute assemblée, ce n’est pas pour ses débuts à Radio Cocktail, lors de ses « années étudiantes, rue Mouffetard, dans une cave », mais plutôt pour ses fonctions passées, à la tête NextRadio TV, le groupe qu’il a fondé puis revendu, qui compte BFM TV et RMC, puis comme PDG d’Altice France.

Celui qui est aujourd’hui patron de L’Express se souvient de ses années télé. « On s’est un peu moqué de nous au départ. Le budget était de 15 millions d’euros quand celui des concurrents était de 50 millions. Moi, je ne pouvais pas avoir de tour à Boulogne, mais on a commencé avec nos moyens, et avec la conviction que d’ici quelques années, on serait la chaîne avec le plus de budget », se rappelle Alain Weill.

« Peut-être, qu’à côté de C News, il faudrait d’autres chaînes d’opinion »

S’il revend ensuite sa chaîne, c’est à cause de l’arrivée de LCI sur la TNT, alors que TF1 avait dans un premier temps fait l’erreur de louper le coche de la TNT. Sa chaîne avait « une audience de 2,4/2,5 points », il craignait un recul et ses effets économiques. D’après Alain Weill, cette concurrence accrue a eu une autre conséquence : la nouvelle ligne éditoriale de C News, apparue après son rachat par Vincent Bolloré.

« A trois ou quatre chaînes d’info, ce n’était pas possible », dit-il, pointant « le régulateur et le législateur, car il y a eu un amendement voté pour permette à une chaîne payante de demander à passer en gratuit. Ça nous a mis en risque considérablement, tellement, qu’à quatre chaîne, ça ne passe pas. Du coup, ça a poussé à la radicalisation. A quatre, il y en a un qui a craqué et qui a dit je vais faire Fox News, car la première chaîne d’info aux Etats-Unis, c’est Fox News. Après, le débat, c’est "est-ce qu’on veut des chaînes d’opinion en France ou pas ?" », demande le patron de L’Express.

Lire aussi : Devant les sénateurs, Vincent Bolloré esquive et assure qu’« il n’y a aucune idéologie politique » dans ses médias

« Avec C News, on a vu apparaître une chaîne de débat, d’opinion », constate l’ancien patron de BFM TV, qui pense que « peut-être, à côté de C News, il faudrait d’autres chaînes d’opinion ». La convention avec le CSA prévoit pourtant qu’il s’agit d’une chaîne d’information. Relancé par le rapporteur PS, David Assouline, sur ce point, Alain Weill répond que « oui, C News, c’est une chaîne de débats. Ça n’a rien de mal d’être une chaîne de débat ou d’opinion ». Lors de son audition, Vincent Bolloré avait récusé l’idée que sa chaîne soit une chaîne d’opinion, préférant parler de « chaîne de débat ».

Lors des gilets jaunes, « la pression était très forte » sur BFM TV

Durant ses années à la tête de BFM, il assure que Patrick Drahi, patron d’Altice, n’a pas cherché à influencer la ligne. « L’entreprise n’a jamais été déstabilisée sur le plan éditorial », assure-t-il. « Si j’ai eu des pressions en 15 ans, c’est plutôt du côté politique », « au moment de l’affaire Léonarda » et lors « des gilets jaunes. Ça a été très tendu », affirme Alain Weil, qui se souvient d’« une période qui a été très difficile dans la vie de BFM TV, car la pression était très forte ». Autre moment où il y a « beaucoup de tensions », c’est « pendant les campagnes électorales ».

A la tête de L’Express, Il assume avoir réduit les effectifs. « C’est juste un problème mathématique », dit-il… « Quand vous prenez une entreprise qui perd énormément d’argent, car il y a eu des erreurs de faites par les précédentes directions, vous êtes obligé de prendre des mesures », soutient Alain Weill, qui souligne que « les gens partent avec un ou deux ans de salaire, sans parler de l’assurance chômage. […] Ce n’est jamais une période agréable ».

L’Express compte « 65 cartes de presse salariées » et espère être à l’équilibre en 2022

Aujourd’hui, le quotidien, qu’il a voulu transformer en un The Economist à la française, compte « 65 cartes de presse salariées » et « plusieurs dizaines de pigistes ». Un niveau « compatible avec la pérennité et l’ambition du journal ». Lors de l’annonce d’un nouveau plan social, en octobre 2019, la SDJ de L’Express avait elle accusé Alain Weill de « sacrifier » le journal et ses salariés, réduisant alors la rédaction de 81 à 46 postes.

« Quand j’ai repris le journal, L’Express perdait 12 millions d’euros. En 2020, nous avons perdu 6 millions. Finalement, en 2021 nous aurons 2 millions de pertes et nous serons positifs cette année » se défend Alain Weill. L’entreprise compte maintenant en tout « 108 collaborateurs » dont « 35 personnes qui ont 30 ans, qui travaille dans le digital ». Si la publicité sur le numérique ne rapporte pas assez, le magazine vise, comme les autres titres, d’augmenter son nombre d’abonnés, de « 100.000 » à « 200.000 ». Précision utile : il se dit « très attaché à l’indépendance des rédactions ».

« Une chaîne plutôt culturelle, avec du talk show, du documentaire, des fictions »

Il entend maintenant développer sa marque, sans oublier le cœur de métier. « On y croit au papier pour un hebdomadaire », lance Alain Weill, avec à côté « le journal digital, les podcasts et le projet de chaîne TV ». Il ajoute :

Les groupes doivent être aujourd’hui plurimédias, convergents.

Ce projet de chaîne télé serait rendu possible grâce au projet de fusion entre TF1 et M6, qui entraînerait nécessairement la cession de chaînes. Le patron de L’Express se verrait bien en récupérer une. Cette nouvelle chaîne aurait « la même cible » que le mag : « CSP + au sens large », « plutôt 25/49 ans ». Une « chaîne plutôt culturelle, avec du talk show, du documentaire, des fictions, des programmes sur la culture, le cinéma, la mode ». Un peu Paris Première en somme. Mais Alain Weill le reconnaît : « Ce projet d’Express TV, ce n’est qu’un projet sur le papier. On n’a pas encore convaincu les actionnaires vendeurs de nous retenir. J’espère qu’on y arrivera ». C’est son rêve pour les 70 ans de L’Express, l’année prochaine.

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