Santé : le Sénat alourdit la taxation des vins aromatisés

Santé : le Sénat alourdit la taxation des vins aromatisés

Les sénateurs ont adopté l’article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui introduit une taxe sur les boissons alcoolisées à base de vin, comme le « rosé-pamplemousse », accusés de cibler un public jeune. Le débat avec les défenseurs de la filière viticole a été passionné.
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La bouteille de rosé pamplemousse à trois euros la bouteille, c’est bientôt de l’histoire ancienne. Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, le Sénat vient d’adopter ce 14 novembre une taxe sur les boissons aromatisées à base de vin, par 245 voix, contre 71. Par leur marketing et leur saveur, ces alcools aromatisés visent une clientèle qui n’a pas l’habitude de consommer de l’alcool, notamment les jeunes. Un véritable problème de « santé publique », selon le rapporteur général, le centriste Jean-Marie Vanlerenbergue.

Les débats passionnés, se sont amorcés mercredi après minuit, et ont repris à l’ouverture de la séance dans la matinée. Malgré l’opposition combattive de sénateurs élus de départements viticoles, redoutant que la mesure rate sa cible en affaiblissant la filière française, l’hémicycle du palais du Luxembourg a suivi l’Assemblée nationale. Une taxation de trois euros par décilitre d’alcool pur, frappera ces produits à compter du 1er janvier 2020. Elle alimentera le budget de la Sécurité sociale. Les indications géographiques protégées et autres appellations d'origine contrôlées, de même que les cidres et les poirés, sont exclus du champ de la taxe.

Une « porte d’entrée » des jeunes vers la consommation d'alcool, selon Agnès Buzyn

L’an dernier, une mesure similaire avait déjà été adoptée au Sénat (relire notre article), mais n’avait pas abouti à l’Assemblée nationale, principalement pour des problèmes de rédaction de l’amendement.

Une taxe sur les prémix (mélange d’une boisson non alcoolisée avec un alcool, comme la vodka) existait déjà depuis 2004. Elle s’était traduite par un recul significatif des ventes des produits. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn a défendu l’extension du champ de cette taxe aux vins aromatisés, estimant que ces boissons constituent une « porte d’entrée » dans la consommation d’alcool.

Prémix : « La jeunesse démarre en général sa consommation via ces produits extrêmement sucrés » (Buzyn)
00:46

La sénatrice Nathalie Delattre, sénatrice (RDSE) de la Gironde, et viticole de profession, a dénoncé à deux reprises des « fake news » sur le public visé par les vins aromatisés. « 80 % des consommateurs de ces produits ont plus de 35 ans », a-t-elle affirmé :

Taxe sur les vins aromatisés : Nathalie Delattre dénonce des « fake news »
01:13

« Croyez-vous que le Sex on the beach s’adresse à des personnes âgées en milieu rural ? »

Refusant l’opposition entre producteurs de vins et santé publique, le sénateur Bernard Jomier (apparenté PS) a déroulé sa propre démonstration, ciblant au passage le lobbying de la viticulture à destination des enfants. « Si vous voulez qu'on parle de terroir, parlez-moi d'un Côte-rôtie. Si vous aimez ce qui est sucré, parlez-moi d'un Tokay vendanges tardives, mais ne me parlez pas de ces quatre produits les plus populaires : le vin rouge aromatisé saveur sangria – et non pas de la sangria – le vin rosé aromatisé saveur fraise-ananas, le saveur pamplemousse, et le vin rosé aromatisé saveur sex on the beach ! »

L’intervention a fait sourire sur les bancs. « Croyez-vous qu'ils s'adressent à des personnes âgées vivant en milieu rural ? Croyez-vous que la cible du sex on the beach, ce ne soit pas les jeunes ? Cette stratégie marketing déshonore le bon vin », a-t-il conclu.

« Il faudrait avoir un véritable plan de lutte », demande René-Paul Savary

Une autre bataille de chiffres s’est également jouée à propos de l’impact sur les filières. « Les vins impactés par cette taxe représentent moins de 1% de la production française. Il y a dans le quantum énormément de vins importés », a fait valoir la ministre. Selon le rapporteur général, 80 % du vin utilisé pour la production de ces prémix est importé. Daniel Laurent, sénateur LR de la Charente-Maritime, a affirmé que 50 % de vins français composaient ces boissons.

Le président du groupe Vigne et vin au Sénat, a également souligné que les jeunes étaient davantage attirés par des mélanges avec des alcools forts, plutôt que par du rosé pamplemousse. « Ce texte pourrait avoir un effet négatif induit, à savoir reporter la consommation de ce type de boissons peu alcoolisées vers des alcools plus forts ». Cet argument s’est aussi retrouvé dans la bouche de René-Paul Savary (LR), médecin de profession. « Il faudrait avoir un véritable plan de lutte », s’est-il écrié, regrettant que l’on « prenne le problème par le petit bout de la lorgnette ». Selon lui, il « faut « arrêter de faire un saupoudrage [chaque année] qui n’a pas une réelle cohérence » :

Taxe sur les vins aromatisés : « On prend le problème par le petit bout de la lorgnette » (René-Paul Savary)
01:58

Vers un doublement des prix

Plusieurs autres sénateurs ont d’ailleurs regretté toute étude d’impact. « Il y a un an, il n’y avait pas la taxe américaine de 25% », a rappelé René-Paul Savary. « La filière du Rosé de Provence est à 50 % à l’export vers les États-Unis. Ces gens-là vont tomber ! »

Consciente de ces manques, Agnès Buzyn a promis un rapport du gouvernement l’an prochain sur l’évaluation des politiques anti-addictions.

L’impact psychologique de cette nouvelle taxe devrait être certainement perceptible. Lorsqu’elle entrera en vigueur, cette taxe fera bondir les prix. Selon nos calculs, une bouteille de rosé pamplemousse vendue 2,55 euros (prix constaté dans une grande surface près de Blois, dans le Loir-et-Cher), sera demain affichée en rayon 4,80 euros. Un prix quasiment doublé.

Sans en préciser les raisons, le rapporteur Vanlerenbergue a retiré l’amendement de la commission visant à aligner en trois ans la taxe sur les prémix à base de vin sur celle de 2004 s’appliquant aux autres prémix, soit onze euros par décilitre d’alcool pur. Dans ce cas précis, le prix bouteille que nous évoquions plus tôt serait monté à 10,80 euros.

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