Rupture des relations diplomatiques entre le Qatar et ses voisins : quel rôle peut jouer la France ?

Rupture des relations diplomatiques entre le Qatar et ses voisins : quel rôle peut jouer la France ?

Ce début de semaine, l’Arabie Saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, l’Égypte, les Maldives et le Yémen ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, qu’ils accusent de « soutenir le terrorisme ». Sans prendre parti, la France appelle au dialogue.
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Par Alice Bardo

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« La France n‘a pas intérêt à mettre un doigt dans l’engrenage », prévient Antoine Basbous, politologue spécialiste du monde arabe, de l’islam et du terrorisme islamiste, à la tête de l’Observatoire des pays arabes.

Ce mardi, le quai d’Orsay a indiqué vouloir que « les tensions actuelles dans la région du Golfe soient résolues par le dialogue ». Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian doit également s’entretenir avec ses homologues saoudien et qatari dans la journée. Un ministre qui rassure alors que la péninsule arabique s’embrase : « Il connaît parfaitement la région et a d’excellentes relations avec ces pays », estime Hélène Conway-Mouret, secrétaire de la commission des affaires étrangères du Sénat. Même son de cloche du côté d’Antoine Basbous, qui espère que le ministre « poursuivra la dynamique » qu’il avait engagée lorsqu’il était à la Défense.

« Mieux vaut se tenir à l’écart de cette querelle inépuisable »

Le politologue invite toutefois à la retenue : « Mieux vaut se tenir à l’écart de cette querelle inépuisable ». Et d’ajouter : « S’il fait un communiqué ça ne mange pas de pain. C’est un geste amical sans conséquences, qui ne produira aucun effet. » Au lendemain de l’annonce de cette rupture des relations diplomatiques entre le Qatar et certains pays du Golfe, cette voie semble avoir été celle privilégiée par le quai d’Orsay, qui s’est borné à rappeler le « dialogue régulier et de longue date (de la France) avec l’ensemble des pays de la région du Golfe » ainsi que la nécessité de coopérer avec eux pour lutter efficacement contre le terrorisme : « Nous sommes aux côtés des pays de la région dans l'intensification nécessaire de la lutte contre les groupes terroristes, leurs soutiens et leurs financements. »

Selon Antoine Basbous, les États-Unis sont « le seul arbitre de ce conflit ». « Trump est le seul qui puisse être entendu et craint des deux côtés, car les Américains disposent de la plus grande base américaine au Qatar. Si demain Trump décrète une trêve, les uns et les autres seront obligés de la respecter », explique-t-il. C’est d’ailleurs le président américain qui aurait donné « le feu orange » à l’Arabie saoudite pour rompre des relations diplomatiques avec le Qatar lors de sa visite à son homologue saoudien, le 20 mai dernier : « Le Qatar c’est un peu la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf. Ses voisins l’ont rappelé à l’ordre à de maintes reprises, et là ils ont profité de la visite de Trump en Arabie saoudite, où il a fait le plein des contrats, pour obtenir la reddition du Qatar et le retour à sa stature normale. »

La France a une « carte diplomatique et politique à jouer »

Pour autant, selon Hélène Conway-Mouret, il ne faut pas se méprendre sur le rôle que pourrait jouer le quai d’Orsay. « Pour avoir travaillé pendant deux ans au ministère des Affaires étrangères, il se passe énormément de choses derrière les portes closes ». La sénatrice estime que la France a une « carte diplomatique et politique à jouer » et qu’elle le peut d’autant plus qu’elle entretient de « bonnes relations » avec les pays du Golfe. Quant à la posture adoptée par les États-Unis, elle estime qu’ils sont « hypocrites car ils prétendent avoir une politique très dure avec l’Iran mais ce sont les premiers à vendre des Boeing. »

Une « escalade des tensions »

Car outre l’accusation de soutien au terrorisme, l’Arabie Saoudite n’a guère apprécié le rapprochement entre le Qatar et son ennemi juré, l’Iran. « Cette coalition contre le Qatar montre que nous ne sommes pas dans un apaisement mais dans une escalade de ces tensions, essentiellement liées à la domination de deux pays, l’Iran et l’Arabie Saoudite, dans la région. » Un conflit qui se matérialise tout particulièrement au Yémen, en guerre civile depuis 2014.

Hélène Conway-Mouret rappelle les intérêts de la France dans cette région du monde, « pas uniquement économiques ». Elle évoque le risque d’ « une escalade des conflits armés » et celui d’ « une crise pétrolière, et donc économique et sociale ». Mais la sénatrice semble faire confiance tant au ministre des Affaires étrangères qu’à Emmanuel Macron, qui a « pour l’instant fait un sans faute » : « Macron a cette posture présidentielle, il impose le respect. On a un rôle à jouer, on nous attend dans le domaine diplomatique. » Pour sa part, le politologue Antoine Basbous attend de voir : « Macron a rencontré les puissances russe, américaine et européennes, mais il ne s’est pas encore dirigé vers cette région du monde. »

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