Retraites: un déficit de 8 à 17 milliards à résorber avant la réforme
Le déficit du système de retraite devrait s'établir entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d'euros en 2025, selon le rapport du conseil d...
Par Aurélie CARABIN
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
Le déficit du système de retraite devrait s'établir entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d'euros en 2025, selon le rapport du conseil d'orientation commandé pour justifier d'éventuelles mesures d'économies avant l'instauration d'un régime "universel", sujet explosif à l'approche de la grève du 5 décembre.
Compris "entre -0,3% et -0,7% du PIB", le "solde financier du système" serait ainsi dans un ordre de grandeur proche de la prévision évoquée en juin dans le rapport annuel du COR (Conseil d'orientation des retraites), qui tablait alors sur un déficit d'environ 10 milliards d'euros (0,4% du PIB) en 2022, selon le document qui doit être remis jeudi à Matignon et qu'a pu consulter l'AFP lundi.
Populations de retraités et d'actifs
AFP
Les "légers écarts" constatés entre juin et novembre "s'expliquent" par la prise en compte de la "sous-indexation des pensions au-delà de 2.000 euros en 2020", des "hypothèses d'inflation plus faibles à l'horizon 2023" et de la révision à la baisse par le gouvernement de l'objectif de suppressions de postes dans la fonction publique.
Instance indépendante composée de parlementaires, de partenaires sociaux, de représentants des retraités et des familles, de membres de l'administration et d'experts, le COR a été saisi en septembre par le gouvernement en amont d'un nouveau cycle de concertations sur le futur "système universel" de retraites censé remplacer les 42 régimes existants.
Il s'agissait alors, selon le Premier ministre Édouard Philippe, d'évaluer "la situation financière" du système actuel et de proposer des mesures "pour en garantir l'équilibre en 2025", comme le souhaite Emmanuel Macron, au grand dam des syndicats.
Le Premier ministre Edouard Philippe, le 15 novembre 2019 à Paris
AFP
Lors d'un déplacement à Rodez début octobre, le président avait prévenu: "Si le COR nous dit +il manque 8-10 milliards+, on devra dire +il faut travailler un peu plus longtemps+".
De son côté, le COR a tenu à prendre ses distances avec l'objectif gouvernemental d'un retour à l'équilibre d'ici à 2025.
D'autant que les pistes d'économies détaillées dans le rapport ne sont pas forcément "considérées comme opportunes par tous".
Trois leviers sont mobilisables: le niveau des pensions, celui des cotisations et l'âge de départ, qui focalise l'attention.
- La génération 1959 concernée? -
Pour revenir dans le vert, l'âge légal de départ, actuellement de 62 ans, devrait par exemple être relevé de "2,5 mois" à "5,4 mois par génération à partir de la génération 1959 et jusqu'à la génération 1963 selon la convention et le scénario économique retenus", d'après le COR.
Ainsi, il s'établirait entre 63 et 64,3 ans pour la génération 1963, première visée par la réforme des retraites.
Une autre option consisterait à augmenter la durée de cotisation requise pour une retraite à taux plein, de 5 à 10 mois par génération, et à accélérer de fait l'augmentation déjà prévue par le précédent gouvernement.
Le haut-commissaire aux retraites Jean-Paul Delevoye à l'Assemblée nationale, le 17 septembre 2019 à Paris
AFP/Archives
Également à l'étude, l'instauration d'un "âge minimal du taux plein", rappelant l'âge d'équilibre préconisé par Jean-Paul Delevoye, qui augmenterait à partir de la génération 1959 et contraindrait la génération 1963 à partir entre 63,1 et 64,3 ans pour ne pas subir de décote (contre 64 ans dans le rapport du haut-commissaire aux Retraites).
En associant à cet âge une annulation de la décote prévue pour ceux qui n'ont pas cotisé assez longtemps (actuellement fixée à 67 ans), on obtiendrait l'âge pivot proposé par M. Delevoye. Mais cela nécessiterait d'augmenter davantage le nombre de mois travaillés par génération, selon le COR, qui situe cette borne à 64,5 ans pour la génération 1963.
Dans tous les cas, ces pistes impactent des générations censées être épargnées par la réforme, le président ayant promis que les salariés à cinq de la retraite ne seraient pas concernés.
De quoi, si elles étaient retenues, ouvrir un nouveau front de mécontentement dans la population. Et braquer la CFDT, seule centrale demandeuse d'un régime universel à points mais farouchement opposée aux mesures "financières" et "d'allongement de la durée du travail", selon son secrétaire général Laurent Berger.
Une position qu'il pourra rappeler à Édouard Philippe: le Premier ministre recevra les partenaires sociaux la semaine prochaine, avant une grève interprofessionnelle du 5 décembre qui s'annonce très suivie, notamment dans les transports.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.