Le gouvernement poursuit les discussions sur sa réforme très contestée des retraites et se prépare à un mouvement massif voire durable à partir...
Par Gabriel BOUROVITCH, Benoît FAUCHET
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Le gouvernement poursuit les discussions sur sa réforme très contestée des retraites et se prépare à un mouvement massif voire durable à partir du 5 décembre, jeudi noir qu'il ne veut pas voir transformé en "match mortifère" avec les syndicats.
La mobilisation contre la fusion des 42 régimes de retraite existants en un système "universel" par points "s'annonce forte et durable", a prévenu vendredi la CGT, qui a appelé à une grève interprofessionnelle avec FO, la FSU et Solidaires.
Le mouvement devrait être particulièrement suivi et pourrait durer plusieurs jours dans les transports, notamment en Île-de-France, en raison de l'appel à une grève illimitée à la RATP et à la SNCF.
Les régimes de retraite en France
AFP
Les organisations syndicales et de jeunesse (les lycéennes Fidl, MNL et UNL, l'étudiante Unef) se projettent déjà dans l'après 5-décembre, avec une nouvelle intersyndicale prévue dès le 6 au matin pour envisager la suite.
Dans l'opposition, à gauche comme à droite, certains rêvent d'une mobilisation puissante: un "grand coup de semonce" pour Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), "un 5 à 7" pour durer au moins jusqu'au samedi 7 avec "des +gilets jaunes+ dans la rue", espère Jean-Luc Mélenchon (LFI).
- "Sans brutalité" -
L'exécutif lui-même planche sur une crise sociale s'inscrivant dans la durée.
La gare de Nord le 24 avril 2018, jour de grève des cheminots
AFP/Archives
"Le gouvernement mettra tout en œuvre pour accompagner au mieux les Français", a assuré le Premier ministre Édouard Philippe.
Il a donc convoqué vendredi après-midi à Matignon des ministres-clés pour organiser les services d'urgence en cas de blocage du pays. Organisation des transports, accueil du public dans les écoles et les hôpitaux, télétravail: la réunion "a permis de passer en revue l'ensemble des plans de continuité des services publics et de faire un examen des enjeux d'ordre public", a indiqué Matignon dans un communiqué, précisant que le Premier ministre avait dans le même temps rappelé "son attachement au respect du droit de grève et au droit de manifestation".
Quant au haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, il a confirmé vendredi qu'il recevrait de nouveau, pour une ultime opération déminage, "toutes les organisations syndicales entre maintenant et le 5 décembre", plaidant dans un entretien à 20 Minutes pour "ne pas transformer ce 5 décembre en match mortifère".
L'exécutif a multiplié les consultations cette semaine, envoyant à la fois des signes d'ouverture aux syndicats et des consignes de fermeté à ses troupes, pour mieux abattre ses cartes avant Noël. D'un côté, le feu nourri sur les régimes spéciaux "d'une autre époque" et leurs "revendications corporatistes". De l'autre, la main tendue aux "partenaires sociaux", avec qui "le dialogue se poursuit".
Le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye le 25 novembre 2019 à Matignon
AFP/Archives
Pressé de sortir de "l'ambiguïté", que lui reprochent à la fois les syndicats et le patronat, le gouvernement assume son ambivalence. A l'image d'un Édouard Philippe "plus déterminé que jamais à construire le système universel de retraite" mais "ouvert à la discussion" pour y parvenir "sans brutalité".
Quitte à lâcher du lest sur des thèmes chers aux syndicats, comme les droits familiaux, la pénibilité ou les "garanties" attendues par les enseignants.
Voire à décaler l'entrée en vigueur de la réforme au-delà de 2025: les nouvelles règles ne s'appliqueraient donc pas à partir de la génération 1963 mais "à des personnes un peu plus éloignées de la retraite".
De quoi, espère le pouvoir, désamorcer la contestation et empêcher le front constitué par la CGT, FO et les cadres de la CFE-CGC de s'élargir à la CFDT, dont le soutien à la réforme ne tient qu'à un fil, alors que sa fédération de cheminots a elle-même déposé un préavis de grève.
SNCF, RATP, Air France, contrôleurs aériens, EDF, poids lourds, raffineries, enseignants, étudiants, policiers, avocats, magistrats, éboueurs... Les appels se sont multipliés pour le 5 décembre. La CGT en avait recensé jeudi "plus de 1.000" dans le secteur privé, où les préavis ne sont pourtant pas obligatoires.
A la SNCF en Île-de-France, de premières estimations du nombre de grévistes laissent augurer une mobilisation écrasante. Sur les lignes D et R, "on pense atteindre les 97%", a indiqué Fabien Villedieu de SUD-Rail.
Plus de 150 manifestations sont prévues jeudi prochain, dont une à Paris dans l'après-midi entre la gare de l'Est et la place de la Nation si la préfecture de police valide ce parcours.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.