Retraites: à deux semaines de la grève, l’ambiance se crispe
Les relations entre les différents acteurs de la réforme des retraites se sont crispées jeudi, avec le ralliement de la CFDT-Cheminots à la...
Par Elisabeth ROLLAND, Gabriel BOUROVITCH
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Les relations entre les différents acteurs de la réforme des retraites se sont crispées jeudi, avec le ralliement de la CFDT-Cheminots à la grève du 5 décembre, tandis que des ministres dénonçaient des "revendications très corporatistes" et accusaient la CGT de ne pas "jouer le jeu de la démocratie sociale".
Le gouvernement a raté le train du compromis avec les cheminots: les quatre syndicats représentatifs de la SNCF sont lancés dans une grève reconductible à partir du 5 décembre contre la réforme voulue par Emmanuel Macron. Mais la CFDT-Cheminots pourrait ne pas appeler à la grève si elle obtient satisfaction dans les prochains jours.
Elle déposera un préavis "dès ce soir ou demain", a indiqué son secrétaire général, Didier Aubert, à l'issue d'une réunion avec le haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, et le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari.
Une démarche "faite en totale cohérence avec la confédération" dirigée par Laurent Berger, qui a justifié cette tactique "pour peser dans les discussions encore en cours".
"Le gouvernement n'a pas mesuré les attentes des cheminots", a expliqué M. Aubert, réclamant notamment "le maintien du régime spécial" pour tous les salariés recrutés au statut de cheminot avant le 1er janvier 2020, date de l'arrêt des embauches dans ce cadre spécifique à la SNCF.
Cette demande de n'appliquer la réforme qu'aux seuls futurs recrutés, aussi appelée "clause du grand-père", est partagée par l'Unsa ferroviaire, qui appelait déjà à la grève et qui est sortie "extrêmement déçue" de la rencontre.
L'entourage de M. Delevoye a néanmoins indiqué à l'AFP qu'après des "échanges francs et utiles" avec ces deux organisations, le haut-commissaire "ferait part des inquiétudes et propositions au Premier ministre", Édouard Philippe, qui recevra les partenaires sociaux à Matignon lundi et mardi.
"Le gouvernement ne transigera pas sur les grands principes du futur système", qui "remplacera les 42 régimes existants", mais reste "ouvert sur la transition" et sa durée, a ajouté cette source.
Des concessions insuffisantes pour la puissante CGT-Cheminots et SUD-Rail, qui avaient boycotté le rendez-vous ministériel et exigent le maintien en l'état de leur régime spécial. Ces deux syndicats avaient lancé lundi un appel unitaire à la grève avec l'Unsa.
- "Ils n'écoutent pas" -
Une réunion prévue jeudi avec les trois syndicats représentatifs de la RATP a été annulée, faute de participants: Unsa, CGT et CFE-CGC ont décliné l'invitation.
"On ne s'attend pas à grand-chose. Ils sont fidèles à leur agenda mais n'écoutent pas donc on ne va pas cautionner cette communication gouvernementale", avait expliqué mercredi à l'AFP le numéro un de la CGT-RATP, Bertrand Hammache.
Grève du 5 décembre, état des lieux au 21 novembre
AFP
Cette stratégie de la chaise vide hérisse la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, qui a estimé que la CGT "ne joue pas le jeu de la démocratie sociale" et "refuse systématiquement d'entrer dans une négociation".
L'exaspération gagne aussi la ministre des Solidarités, Agnès Buzyn, qui a critiqué les "revendications très corporatistes" de syndicats qui "ne veulent pas la disparition d'un régime extrêmement avantageux".
Selon une autre source gouvernementale, le chef de l'État a fixé cette semaine "une ligne rouge": il attend que "tous ceux qui appellent à manifester condamnent clairement" d'éventuelles violences, avant le 5 décembre.
Sauf que les syndicats eux aussi s'impatientent. Même la CFDT, qui "veut une réforme systémique des retraites", considère qu'"il est grand temps aujourd'hui que le gouvernement sorte de l'ambiguïté et dise" s'il veut "une réforme budgétaire ou une réforme de justice sociale", a lancé M. Berger.
Fait rare, la CFE-CGC, a appelé jeudi à se "joindre à la manifestation" du 5 décembre.
Dans ce climat électrique, le Premier ministre va "entendre les partenaires sociaux avant de prendre des décisions", tout en assumant de "dire aux Français clairement, tranquillement, que nous allons travailler plus longtemps".
Au sein de la majorité, on serre les rangs, comme ce député LREM qui se dit "en phase avec le Premier ministre: très ferme sur les principes et très ouvert sur la négociation des paramètres".
Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, considère lui qu'avec un chômage en recul et une dette contenue, tous les voyants sont au vert pour lancer cette réforme, selon son entourage, qui ajoute: "C'est une promesse de campagne, donc il faut y aller".
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.