Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau va déposer une proposition de loi pour interdire les "listes communautaristes" aux élections, afin de "contrer ce qui est une forme de sécession", une idée soutenue par divers responsables politiques mais écartée a priori par le gouvernement.
"Après avoir présenté une liste aux européennes, l'Union des démocrates musulmans français veut maintenant en présenter aux municipales", justifie l'élu de Vendée au Journal du Dimanche. Créée en 2012, l'UDMF a recueilli moins de 29.000 voix aux européennes, avec cependant des pics dans quelques communes en région parisienne.
Les listes "communautaristes" veulent "privilégier une partie de la population alors que notre République est +indivisible +", critique le président du groupe LR au Sénat.
Il propose "d'interdire tout financement public d'un mouvement communautariste qui ne respecterait pas les principes de souveraineté nationale et de laïcité, et de prohiber, sous le contrôle du juge administratif, les candidatures et la propagande électorale communautaristes".
Cela impliquera "l'interdiction de signes religieux comme le voile sur les affiches ou les professions de foi" et "nous souhaitons aussi que les élus, dans l'exercice de leur mandat, soient désormais tenus à une stricte neutralité", poursuit M. Retailleau.
Aujourd'hui, la jurisprudence de la Cour de Cassation n'élargit pas aux conseillers municipaux le devoir de neutralité religieuse des agents publics.
- "Boîtes de Pandore" -
La présidente du RN Marine Le Pen s'est dite en "accord" dimanche avec cette idée d'interdire les listes communautaires, "dont les candidats répondent à un certain nombre de critères religieux ou d'origine". Mais une telle interdiction serait insuffisante, a-t-elle jugé sur RTL-LCI-Le Figaro, appelant à un "plan de lutte contre le fondamentalisme islamiste".
Le député européen EELV Yannick Jadot a aussi jugé sur France 3 qu'il faut "interdire" des listes "effectivement" communautaristes: "Pour moi, le champ de la politique, du pacte républicain, la religion n'a rien à y faire".
L'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve s'est déclaré pour sa part "tout à fait hostile à des listes communautaires". Mais "j'ai suffisamment confiance dans la République et la démocratie pour être convaincu que dans un combat politique ceux qui prétendent remettre en cause un certain nombre de principes auxquels nous tenons seront, devant le suffrage universel, battus", a-t-il affirmé sur CNews.
L'eurodéputé Raphaël Glucksmann (Place publique) est "par définition contre toute forme de liste communautaire", mais "comment on définit cette liste ?" : "On ouvre des boîtes de Pandore (…) Il faut faire extrêmement attention", a-t-il mis en garde sur France Inter-Le Monde-franceinfo.
L'ex-ministre de la Justice Rachida Dati (LR), qui estime qu'"on a laissé prospérer un communautarisme par laxisme", a également soutenu la proposition de M. Retailleau.
Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand (ex-LR) a mis la question de ces listes sur la table mi-septembre, demandant au gouvernement de prendre les dispositions pour les municipales de mars.
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a alors appelé à "ne pas faire des déclarations à l'emporte-pièce": "il n'existe pas de listes communautaires, personne ne se revendique ainsi". Cependant, si dans une campagne "il y a le moindre acte, la moindre parole qui mette en cause les fondements de la République, je serai le premier à interdire" la liste en cause, a-t-il assuré.
Le ministre chargé des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu a appelé cette semaine à "des fronts républicains locaux" pour faire barrage à d'éventuelles listes communautaires lors des municipales. "Il s'agit davantage d'une bataille politique plus que juridique qu'il nous faut mener", considère aussi le numéro un de LREM Stanislas Guérini.
M. Retailleau juge que "l'islam politique tente de construire une contre-société à visée séparatiste et antirépublicaine" et que "face à cela, Emmanuel Macron est d'une formidable ambiguïté".
Le sénateur estime en outre que "si la révision constitutionnelle arrive à son terme, il faudra aussi préciser notre définition de la laïcité".