Restauration de Notre-Dame : faut-il changer la fiscalité des dons ?

Restauration de Notre-Dame : faut-il changer la fiscalité des dons ?

Des centaines de millions d’euros déjà récoltés, des dons de milliardaires, de particuliers Français et étrangers, en quelques heures une immense collecte de fonds a vu le jour pour rebâtir la cathédrale Notre-Dame-de-Paris. Un élan de générosité qui s’explique, en partie, par une fiscalité avantageuse.
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Au lendemain du terrible incendie qui a ravagé une partie de Notre-Dame de Paris, les promesses de dons affluent pour rebâtir l’édifice quasi millénaire. Premiers parmi les donateurs, les plus grandes fortunes françaises ont mis, dès cette nuit, la main à la poche. La famille Pinault a annoncé la somme de 100 millions d'euros pour participer à l’effort de reconstruction. Un montant doublé par le groupe LVMH et la famille Arnaud qui promettent une participation de 200 millions d’euros, même somme pour la famille héritière de L'Oréal, Bettencourt-Meyers. La famille Bouygues et l’homme d’affaires Marc Ladreit de Lacharrière souhaitent participer à hauteur de 10 millions chacun. Le groupe Total va participer à hauteur de 100 millions d’euros.

Des promesses de dons en pagaille

Premier don d'ampleur venu de l'étranger, Henry Kravis, co-fondateur du fonds d'investissement américain KKR, et son épouse Marie-Josée Kravis, « attristés par l'incendie », ont annoncé contribuer « dès à présent » à hauteur de 10 millions de dollars (8,85 millions d'euros).

Au rang des collectivités locales, la ville de Paris (50 millions), la région île de France (10 millions), la région Auvergne Rhône Alpes (2 millions), Occitanie (1,5 million) et d’autres communes, Rennes, Nantes, Bordeaux, Toulouse… vont également prendre part à la reconstruction.

Un élan de solidarité, encouragé dès hier soir, par Emmanuel Macron qui a annoncé le lancement d' « une souscription nationale » « bien au-delà de nos frontières ». Ses annonces faisant suite au grand débat, remises, au vu du contexte, à une date ultérieure.

À 15 heures, ce mardi, la collecte nationale pour la reconstruction de Notre-Dame, accessible sur le site de la fondation du patrimoine, affichait la somme de 284 246 mille euros. Sur le site Leetchi, une dizaine de cagnottes destinées à financer les réparations ont été mises en place.

Il faut dire ici que ce mécénat spontané est favorisé par la loi Aillagon de 2003 qui permet une réduction d’impôts de 60% pour les entreprises et un peu plus de 66% pour les particuliers pour les dons à une œuvre culturelle, avec la possibilité de bénéficier d'un échelonnement de l'avantage fiscal sur cinq ans, dans une limite de 25% du don. Sur Twitter, l’ancien ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon veut aller plus loin et demande à l’État de « décréter » Notre-Dame, « Trésor national » « de façon à ce que les dons faits pour sa reconstruction bénéficient de la réduction d’impôt de 90% ». Par la suite, Jean-Jacques Aillagon est revenu sur sa proposition « puisque la question des financements semble réglée » selon lui.

« Appliquer une réduction fiscale de 90%, c’est reporter la participation sur l’État »

En effet, la réduction d’impôt passe à 90% pour l’achat « de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux ou un intérêt majeur pour le patrimoine national ». La réduction fiscale est plafonnée dans la limite de 50 % de l'impôt dû.

Pour le sénateur LR Alain Schmitz, rapporteur d’une mission d’information sur le mécénat culturel, cette mesure ne devrait pas s’appliquer à un projet de restauration de monument national. « Ou allez-vous mettre la limite entre ce qui est un trésor national et ce qui ne l’est pas. Je pense qu’il faudrait déjà appliquer la loi et donc la réduction fiscale de 60% et surtout, et surtout la conserver. Car c’est quand même une niche fiscale qui était dans le collimateur de Bercy qui cherchait à la plafonner. Appliquer une réduction fiscale de 90% pour le montant du don fait à la restauration de Notre-Dame, c’est reporter la participation sur l’État. Le groupe privé, auteur du don, ne participerait alors qu’à 10% de son geste ». Interrogé sur cette question, ce matin sur France Inter, le ministre de la Culture, Franck Riester est resté évasif. « Nous allons voir avec le gouvernement quel dispositif spécifique nous mettrons en œuvre, mais bien évidemment l'État sera là auprès de tous nos compatriotes pour reconstruire et il assumera ses responsabilités ».

« Si Notre-Dame ne fait pas partie du Trésor national, qu’est-ce qui en fait partie ? »

Rapporteur de la mission « culture » du projet de loi de finances pour 2017, le sénateur LREM, André Gattolin verrait quant à lui d’un bon œil, « de placer Notre-Dame au rang de Trésor national ». « Si Notre-Dame ne fait pas partie du Trésor national, qu’est-ce qui en fait partie ? On peut considérer que LVMH pratique une forme d’optimisation fiscale quand il construit la Fondation d'entreprise Louis Vuitton au bois de Boulogne. Mais là, il s’agit de la restauration d’un bâtiment avec telle valeur symbolique, que je ne considère pas la réduction d’impôt comme excessive ».

L’AFP rapporte que l’entourage du chef de l’État n’est pas favorable à un changement de législation qui « reviendrait à favoriser les entreprises au détriment des finances publiques ». D’autant qu’il est impossible à l’heure actuelle d’estimer le montant des travaux qui se dérouleront sur plusieurs années.

Une baisse du mécénat culturelle au profit des actions sociales ces dernières années

Les dons annoncés par les grands groupes Français ont été parfois critiqués sur les réseaux sociaux. À l’image du porte-parole du NPA, Philippe Poutou, qui lance sur Twitter : « S’ils ont trop d’argent, qu’ils le mettent à disposition de la collectivité, il y a bien des urgences sociales ».

À noter, enfin, que la mission d’information sénatoriale sur le mécénat culturel avait relevé une baisse des « actions culturelles » au profit « des actions du champ social » sur les quinze dernières années. « Par le passé, la culture, c’était un peu la danseuse du chef d’entreprise. Maintenant, les chefs d’entreprise en débattent avec leurs salariés et ils considèrent que la notion de solidarité doit prévaloir » précise Alain Schmitz.

 

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