Résiliation des complémentaires santé à tout moment : le Sénat adopte le texte

Résiliation des complémentaires santé à tout moment : le Sénat adopte le texte

Le Sénat, à majorité de droite, a adopté une proposition de loi LREM permettant de résilier son contrat de complémentaire santé au bout d’un an. L’objectif est de faire jouer la concurrence afin que les mutuelles et assurances santé baissent leurs tarifs. La gauche dénonce une logique libérale.
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C’est une proposition de loi qui devrait plaire aux assurés. Moins aux mutuelles. Le Sénat a adopté ce jeudi une proposition de loi (PPL) de La République en marche qui permet de résilier un contrat de complémentaire santé quand on le souhaite, au bout d’un an et sans frais. Une manière, espère le parti présidentiel, de faire jouer la concurrence et de baisser les tarifs. Le texte a déjà été adopté par les députés.

« Une mesure pragmatique et concrète »

Ce vote ne semblait pas acquis, tout au contraire. Les sénateurs avaient dans un premier temps vidé la proposition de loi de sa substance en supprimant les principaux articles. Mais le président de la commission, le sénateur LR Alain Milon, a finalement soutenu le texte. En séance, des amendements de son collègue LR Philippe Dallier ont permis de rétablir les mesures soutenues et voulues par le gouvernement. Une fois n’est pas coutume, l’exécutif a pu bénéficier des voix LR au Sénat. Du moins une partie.

« C’est un engagement du président de la République », a défendu la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, « une mesure pragmatique et concrète » pour « faire jouer davantage la concurrence ». Elle souligne au passage que « les frais de gestion, c’est 20% des cotisations collectées ». L’idée est de pousser les mutuelles et complémentaires santé privées à baisser ces frais. La mesure permettra, à partir du 1 décembre 2020, « aux assurés de résilier à tout moment leur contrat de complémentaire santé après la première année. C’est une souplesse donnée aux ménages comme aux entreprises » ajoute le sénateur LREM Michel Amiel, rapporteur du texte.

« Au Sénat, la majorité a fait volte-face »

L’évolution surprise de la commission a inspiré la sénatrice PCF Laurence Cohen. « Dire que cette PPL a eu un parcours tumultueux est un doux euphémisme… » a-t-elle ironisé, « au Sénat, la majorité a fait volte-face, (…) vous offrez un beau cadeau au gouvernement ». La sénatrice du Val-de-Marne rappelle qu’« à l’origine, la mesure devait être annoncée en décembre dernier par le Président, en réponse aux gilets jaunes ».

Sur le fond, elle conteste la logique du gouvernement : « Vous voulez nous faire croire qu’accroître la concurrence (…) va diminuer les tarifs. Mais c’est faux. Le marché suit l’unique objectif de rentabilité financière et les effets bénéfiques de baisse des tarifs sont rarement au rendez-vous ou alors avec une dégradation des services ». Laurence Cohen craint qu’au final le texte « ne fasse que renforcer les mastodontes de la banque/assurance ».

« Ce projet encourage l’individualisation du droit au détriment de logiques collectives »

Pour le groupe PS, le sénateur de l’Aisne Yves Daudigny, a pointé « un problème qui n’existe pas. Aujourd’hui, personne n’est prisonnier de sa complémentaire santé ». La résiliation est en effet possible chaque année deux mois avant la date anniversaire du contrat ». Contrairement à l’effet voulu, le socialiste craint « une hausse des coûts » de gestion, par « les entrées et sorties », au détriment des assurés.

Face au « risque de comportements consuméristes et nomades », il dénonce les conséquences potentielles pour les mutuelles, « qui sont des sociétés à but non lucratif, qui ne rémunèrent pas d’actionnaires ». Il ajoute : « Ce projet encourage l’individualisation du droit au détriment de logiques collectives ».

« Un nouveau coup porté au mutualisme »

La droite sénatoriale s’est retrouvée divisée. Alain Milon, qui a défendu le texte, a minimisé l’impact de cette réforme. « Le marché ne devrait pas s’en retrouver bouleversé à l’excès » et « les cotisations ne devraient pas baisser non plus drastiquement » a souligné le président LR de la commission des affaires sociales. « Je ne crois pas que l’apocalypse que nous a décrit Yves Daudigny subviendrait » a ajouté le sénateur Philippe Dallier.

Son collègue LR Jean-Marie Morisset, sénateur des Deux-Sèvres, a lui dénoncé « la méthode » employée. En effet, en passant par une proposition de loi, le texte se retrouve « exonéré de toute étude d’impact », contrairement à un projet de loi du gouvernement. Ce sénateur des Deux-Sèvres, département où se trouve Niort, ville connue pour abriter de nombreuses assurances, a semblé reprendre les mots de la gauche pour dénoncer « une logique libérale selon laquelle la concurrence ferait baisser les prix ». « Il ne faut pas que cette PPL soit un nouveau coup porté au mutualisme » a ajouté Jean-Marie Morisset, qui a « rencontré les présidents de groupes mutualistes qui ont leur siège dans les Deux-Sèvres ».

« Pressions importantes de la part des assurances sur les parlementaires »

 « Il faut le reconnaître, les complémentaires santé sont vent debout contre cette proposition. Les Mutuelles disent que ça porte atteinte à la solidarité » expliquait Michel Amiel avant la séance. Le sénateur LREM parle « de pressions importantes de la part des assurances sur les parlementaires ». Mais le sénateur tempère, lui aussi, leurs inquiétudes : « Dans un cas comme dans un autre, ça ne va pas révolutionner le monde. Les gens qui changent de complémentaire, ça doit faire 15 % du marché ».

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