Remaniement: l’épilogue d’un laborieux feuilleton ?
L'attente aura été longue : après deux semaines de discussions et de supputations, l'Élysée doit annoncer mardi un gouvernement remanié, censé...
Par Paul AUBRIAT
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L'attente aura été longue : après deux semaines de discussions et de supputations, l'Élysée doit annoncer mardi un gouvernement remanié, censé apporter un "second souffle" au quinquennat d'Emmanuel Macron, très bas dans les sondages après un été et une rentrée chaotiques.
La nouvelle équipe ministérielle devait initialement être connue lundi, selon plusieurs sources gouvernementales, mais les inondations qui ont endeuillé l'Aude ont conduit le Premier ministre Édouard Philippe à se rendre sur place, et à reporter d'au moins une journée toute annonce.
Elle est désormais attendue dans la matinée, avant les questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, prévues à 15H00.
Le remaniement doit mettre fin à une période de flottement, déclenchée par la démission fracassante, le 2 octobre, du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, suivant de peu celle d'un autre pilier du gouvernement, Nicolas Hulot.
D'abord pressentie a minima, la refonte de l'équipe gouvernementale a gagné en profondeur au fil des jours.
"Il y aura des entrants, des sortants, certains changeront de job à l'intérieur du gouvernement" avec aussi de possibles "changements de périmètre" et "redécoupages de portefeuilles", a indiqué mercredi l'Élysée.
Si l'exécutif a récusé toute tension entre le président de la République, soucieux de promouvoir ses fidèles, et le Premier ministre, non membre de La République en marche et qui pousse des familiers du centre droit juppéiste dont il est issu, les entourages des deux hommes ont néanmoins reconnu "des discussions" entre eux.
Le Premier ministre Edouard Philippe (c) et le ministre de la Transition écologique François de Rugy (g) rencontre des habitants touchés par les inondations, le 15 octobre 2018 à Villegailhenc, près de Carcassonne, dans l'Aude
AFP
Un temps évoquée, l'hypothèse d'une démission du gouvernement et d'un nouveau discours de politique générale d'Edouard Philippe devant l'Assemblée a été écartée en début de semaine dernière. Et l'annonce du remaniement reportée sans explication.
Lundi, la députée LREM Amélie de Montchalin a concédé l'existence d'"une période de flottement relatif". Mais, a juré cette proche du Premier ministre, la nouvelle équipe sera "100% à sa tâche, 100% dédiée aux Français".
Durant tout le week-end, le duo Macron-Philippe a poursuivi d'intenses consultations pour finaliser l'équipe qui doit donner un nouveau souffle au quinquennat d'Emmanuel Macron, accusé par certains "d'arrogance" et d'avoir perdu le contact avec le terrain.
En jeu: maintenir l'équilibre macronien, avec des personnalités venant du centre gauche, du centre et du centre droit, dans un souci de parité hommes-femmes et laissant la part belle à la société civile, incarnation de la promesse du nouveau monde.
Et des surprises ne sont pas exclues.
- Castaner à l'Intérieur ? -
A l'Intérieur, pour succéder à Gérard Collomb, Christophe Castaner, chef du parti présidentiel LREM et secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, tient désormais la corde. Il pourrait être épaulé par un expert, sur le modèle de Jean-Michel Blanquer à l'Education.
Les noms du procureur de Paris François Molins - connu des Français depuis les attentats de 2015 -, la directrice de la PJ Mireille Ballestrazzi et Jean Castex, un haut fonctionnaire qui a servi Nicolas Sarkozy à l'Élysée, ont ainsi été cités.
Annoncés sortants, Jacques Mézard (Cohésion des Territoires) pourrait bénéficier d'un futur renouvellement du Conseil constitutionnel, alors que Stéphane Travert (Agriculture) pourrait être promis à la direction du parti présidentiel.
François Nyssen, ministre de la Culture, est également en difficulté, à la suite de l'enquête ouverte pour des soupçons de travaux litigieux dans les locaux parisiens de la maison d'édition qu'elle dirige, Actes sud.
Les centristes du MoDem pourraient pour leur part récupérer un ou deux portefeuilles, comme Marc Fesneau, leur chef de file à l'Assemblée.
La ministre auprès du ministre de l'Intérieur, Jacqueline Gourault, une fidèle de François Bayrou, peut espérer un ministère de plein exercice.
D'autant que MM. Macron et Philippe pourraient décider de retisser des liens avec les territoires en créant un ministère ad-hoc, face à une grogne croissante des collectivités locales illustrée notamment par la polémique sur la taxe d'habitation et le mouvement #Balancetonmaire.
A gauche, les noms de l'ancienne ministre de François Mitterrand, Frédérique Bredin, ou des ex-socialistes Juliette Méadel et Didier Guillaume, ont également été évoqués.
Reste que ce remaniement continue de concentrer les critiques de l'opposition qui dénonce un délai anormalement long: "écroulement de l'autorité du président" pour Jean-Luc Mélenchon (LFI), "désordre institutionnel" selon Brice Hortefeux (LR), "on joue aux dés", a dénoncé lundi Marine Le Pen (RN).
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.