Réforme du CESE : « Les assemblées du futur, ce sont l’Assemblée nationale et le Sénat »

Réforme du CESE : « Les assemblées du futur, ce sont l’Assemblée nationale et le Sénat »

Alors qu’Emmanuel Macron veut renforcer le CESE en tant qu’« interface de concertation » et « chambre du futur », certains sénateurs mettent en garde sur « la confusion » avec le rôle du Parlement. Pour le président du CESE, Patrick Bernasconi, le Président « a cherché à clarifier les rôles de chacun ».
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Si les parlementaires sont restés mardi soir sur leur faim, lors des vœux d’Emmanuel Macron aux bureaux des assemblées et aux forces vives, le chef de l’Etat a en revanche précisé sa vision de la réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le CESE est une chambre composée de représentants des organisations syndicales, patronales, les associations. Elle est composée de 233 conseillers et joue un rôle uniquement consultatif. Le Conseil est censé faire le lien entre la société civile, les corps intermédiaires et le pouvoir.

Emmanuel Macron précise les contours de la réforme

Déjà annoncée en juillet dernier par Emmanuel Macron, la réforme du CESE vise à en faire « la chambre du futur », a expliqué Emmanuel Macron et « une grande interface de concertation entre les pouvoirs publics et la société civile ». Le chef de l’Etat propose que le CESE devienne « le réceptacle des pétitions citoyennes, avec possibilité de recevoir des signatures numériques sur une plateforme ». A partir du « seuil de 500.000 signatures », le CESE pourra « voter leur transmission au gouvernement et aux commissions de l’Assemblée pour y déclencher un débat ». Le CESE peut cependant déjà être saisi si une pétition atteint 500.000 signatures.

Emmanuel Macron vouloir réduire "quasi de moitié" le nombre de membres au Cese
05:51

Emmanuel Macron veut aussi faire du CESE « le point de passage des consultations gouvernementales sur les projets de loi en matière économique, sociale et environnementale ». Sans citer le cas de Notre-Dame-des-Landes, il souhaite que « le gouvernement puisse déléguer au CESE l’organisation de consultations publiques sur tous projets de réforme » et « recourir à des expertises indépendantes pour rendre des avis plus éclairés ». Manière d’éviter « les polémiques interminables de ces dernières années pour savoir si les expertises étaient indépendantes ».

Le chef de l’Etat appuie sa réforme par une division « quasi de moitié » du nombre de membres du CESE et un changement dans leur mode de nomination : le « gouvernement renonce » à ce pouvoir pour le « rendre aux organisations ». Globalement, Emmanuel Macron « souhaite que cette chambre du futur éclaire le gouvernement sur les impacts à long terme de ses projets de loi ».

« Le Parlement est forcément tourné vers le futur »

Du côté du Sénat, ce pan de la réforme institutionnelle est reçu sans enthousiasme, voire avec une certaine crainte. Le sénateur PS du Loiret, Jean-Pierre Sueur, s’étonne déjà que « devant le président de l’Assemblée nationale et du Sénat, le président de la République n’ait parlé que du CESE ». Il est en réalité encore trop tôt. L’exécutif, en discussion avec le Sénat, précisera l’ensemble de sa réforme institutionnelle dans les semaines à venir.

Mais surtout, l’ancien président de la commission des lois du Sénat est surpris qu’Emmanuel Macron qualifie le CESE de « chambre du futur ». « Cela m’interroge, parce que pour moi, le Parlement est forcément tourné vers le futur. Il est composé d’élus. Le CESE joue un rôle utile, mais il est composé de personnes nommées, désignées » souligne Jean-Pierre Sueur. Pour le sénateur PS, par essence, « les assemblées du futur, ce sont l’Assemblée nationale et le Sénat » (voir la première vidéo, images de Samia Dechir).

« Souvenez-vous que le Parlement a pour mission de faire la loi qui va s’appliquer à tous les Français pendant très longtemps. La loi de 1901 et celle de 1905 sont toujours en vigueur », rappelle-t-il. Et d’ajouter qu’« au Sénat, il y une délégation à la prospective qui travaille beaucoup, qui travaille sur le futur ». Autrement dit, les parlementaires risquent de se sentir en partie dépossédés de l’une de leur fonction.

« Je trouve qu’on va vers une confusion entre le rôle du CESE et celui des assemblées »

Mêmes doutes de la part du sénateur LR de Moselle, François Grosdidier. « Je trouve qu’on va vers une confusion entre le rôle du CESE et celui des assemblées parlementaires, singulièrement du Sénat » met en garde le sénateur. « Il vaudrait mieux aujourd’hui bien réenraciner les assemblées parlementaires dans la démocratie représentative, (…) renforcer la fonction de contrôle du parlementaire ». Ce dernier point est prévu par l’exécutif. François Grosdidier ajoute :

« Il serait déjà plus pertinent que le gouvernement lise les rapports du CESE, qui sont souvent excellents, et s’en inspire. On a tendance à réinventer des choses alors que c’est la pratique de l’exécutif qui devrait s’amender tant à l’égard du CESE que du Parlement ».

François Grosdidier (LR) sur la réforme du CESE
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Si les sénateurs accueillent froidement cette réforme du CESE, cela ne va pas mettre de l’huile dans les discussions en cours entre Gérard Larcher et Emmanuel Macron sur l’ensemble de la réforme institutionnelle. Le président du Sénat a déjà plusieurs lignes rouges. Lui donner une ligne jaune de plus ne facilitera pas les choses…

Patrick Bernasconi, président du CESE : « Eviter que nous nous marchions sur les pieds »

Face aux interrogations des sénateurs, le président du CESE, Patrick Bernasconi, se veut rassurant. Le chef de l’Etat « a cherché à clarifier les rôles de chacun » a-t-il affirmé ce mercredi sur le plateau de Sénat 360, sur Public Sénat. Il faut « savoir qui fait quoi, pour éviter que les uns et les autres, nous nous marchions sur les pieds » et jouer sur la « complémentarité ». Regardez :

Patrick Bernasconi sur la réforme du CESE
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« Notre rôle est dans la consultation, mesurer l’acceptation sociale d’un sujet. (…) Il faut le faire soit en amont, ou en aval, sur des évaluations de politiques publiques », ajoute le président du CESE, ce qui, pour le coup, rejoint l’une des fonctions du Parlement. Mais en tant que « seule assemblée à pouvoir incorporer les citoyens dans ses propres travaux », ce qui permet le « déminage » de sujets sensibles, Patrick Bernasconi voit le CESE comme « une vraie respiration, dont ont besoin les deux autres assemblées pour leur permettre de mieux avancer ». Reste à vraiment les convaincre que la réforme d’Emmanuel Macron ne vise pas à renforcer le CESE au détriment du Parlement.

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