L.AS, PASS et PACES. Cette année, derrière cette cohorte de sigles, trois parcours différents se faisaient face pour les étudiants en première année de médecine. D’un côté, les nouvelles filières L.AS et PASS, instaurées par le gouvernement à la rentrée 2020, obligeant les aspirants médecins à prendre, en plus du parcours traditionnel, une mineure censée leur offrir une solution de secours en cas d’échec. De l’autre, le dernier reliquat d’étudiants en PACES, ultimes redoublants de l’année universitaire 2019-2020.
Et dire que la cohabitation entre les étudiants des deux nouvelles filières et les derniers étudiants de PACES s’avère compliquer relève de l’euphémisme. Notamment en ce qui concerne leur passage en deuxième année. Dans une décision du 8 juillet, le Conseil d’Etat a enjoint les 15 universités sur lesquelles il était saisi, à augmenter de 20 % leur capacité d’accueil en deuxième année de médecine, et les réserver aux étudiants issus des filières L.AS et PASS. Les juges estimant que le quota de places en deuxième année réservé aux étudiants issus de la filière PACES (48 %), était bien trop supérieur à ce qu’ils représentaient parmi l’ensemble des étudiants en première année (30 %).
En réaction à cette décision, les sénateurs Laurent Lafon et Sonia de La Provôté, respectivement président et secrétaire de la commission de la Culture et de l’éducation du Sénat, appellent dans un communiqué à étendre cette injonction à un plus grand nombre d’établissements. Ils expliquent avoir « demandé en urgence au Premier ministre une généralisation de cette mesure, afin d’étendre l’obligation d’augmentation du nombre de places de deuxième année à l’ensemble des universités ».
La nécessité d’un pilotage ministériel
Joint par publicsenat.fr, Laurent Lafon détaille les raisons derrière cette démarche. « La réforme était nécessaire, les grands axes sont pour nous les bons. En revanche, il y a eu un vrai problème de pilotage de la réforme, avec le maintien de la PACES et des nouvelles filières. Ce qui fait qu’on arrive à cette situation qui est aujourd’hui assez inquiétante, avec des étudiants clairement pénalisés. Il faut que cette réforme soit pilotée au niveau ministériel » explique-t-il.
Pourquoi un tel pilotage au sommet de l’Etat ? Car la nouvelle réforme prévoit que pour les filières L.AS et PASS, ce sont désormais les universités elles-mêmes qui, en accord avec les ARS, viennent fixer un « numerus apertus », à comprendre un nombre d’étudiants admis en deuxième année en dessous duquel elles ne peuvent pas descendre. Marquant la fin du tant redouté « numerus clausus », lui fixé par l’Etat, qui mettait en place un nombre maximum d’étudiants admis en deuxième année.
Or, certains établissements sont accusés de ne pas avoir joué le jeu cette année, en favorisant les derniers étudiants redoublants de PACES. « Manifestement, il y a des réticences au sein des universités, qui se sont traduites dans les pourcentages d’admission par filière. Chacun n’a pas joué correctement le jeu de cette réforme, c’est pour ça qu’il faut un pilotage ministériel, afin d’éviter les situations absurdes que nous connaissons », abonde Laurent Lafon.
Une année transitoire non sans remous, qui inquiète Sonia de La Provôté, rapporteure au Sénat d’une mission d’information sur cette réforme. « Cette mise en œuvre chaotique compromet la mise en œuvre tout court de la réforme » s’inquiète-t-elle. La sénatrice du Calvados pointe d’ailleurs un certain nombre de dysfonctionnements observés parmi les nouvelles filières L.AS et PASS, qui viendraient remettre en cause leur objectif initial.
« Avec ces deux nouvelles voies, l’objectif était de donner aux étudiants une bouée de secours en cas d’échec lors du passage en deuxième année. En plus de leur formation en santé, ils devaient choisir une mineure, droit, langue… et pouvoir y continuer en licence s’ils échouaient en médecine. Or, quand on voit que certains étudiants, ayant validé leur parcours en santé mais pas leur mineure à cause d’une ‘note éliminatoire’, se voient refuser leur accès en deuxième année de médecine, cela va à l’encontre de l’objectif d’avoir des promotions plus importantes » continue-t-elle.
Un besoin d’un plus grand nombre de professionnels de santé, qui se fait déjà ressentir actuellement. La France connaît cet été une pénurie de médecins remplaçants, accaparés par les centres de vaccination. Ce qui pousse certains généralistes à ne pas prendre de vacances, ou à ne pas se faire remplacer. Laissant présager les prochaines années, si les promotions d’étudiants en santé admis à continuer leurs études ne sont pas réellement étoffées dès la rentrée.