« C’est un sujet hautement politique », a reconnu Cedric O, ministre de la Transition numérique auditionné par la mission d’information du Sénat sur la reconnaissance faciale.
En 2019, le gouvernement avait lancé une phase d’expérimentation sur cette technologie, capable d’identifier en temps réel les citoyens via la vidéosurveillance. Une pratique interdite en France et dans l’Union européenne conformément au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) qui interdit le recueil de données personnelles sans consentement express. Le gouvernement avait, à ce titre, vu plusieurs projets d’expérimentation retoqués par la CNIL.
Trois ans plus tard, le Covid est passé par là et comme l'a reconnu le ministre, « la priorité a été mise sur d’autres sujets et la plupart des expérimentations n’ont pas pu être menées ». « Ce débat est encore devant nous, quel que soit le choix que les Français feront à la présidentielle ».
Le débat se fera sans Cédric O, qui a annoncé récemment son choix de quitter la vie politique, le mois prochain. Pour, peut-être, sa dernière audition devant le Sénat, il reconnaît que l’utilisation trop extensive de cette technologie peut entraîner de graves conséquences sur les libertés publiques. Mais, « le débat est surdéterminé par l’exemple chinois et l’utilisation qui est faite de cette technologie par des pays non démocratiques. C’est un absolu contre-exemple », selon lui.
« Il faut différencier la technologie d’authentification et la technologie d’identification »
Pour l’avenir, le ministre souhaite que le débat « soit moins passionné ». « Il faut différencier la technologie d’authentification et la technologie d’identification », a-t-il insisté prenant l’exemple de la reconnaissance des visages pour le déverrouillage de smartphone. « Il faut s’intéresser au traitement de l’information plutôt qu’au traitement de la donnée parce qu’une application maximaliste du RGPD pourrait conduire à interdire les caméras de reconnaissance de schémas comportementaux sur les véhicules autonomes », prévient-il.
« On ne fera pas deux fois le débat devant le Parlement »
Co-rapporteur de la mission, Marc-Philippe Daubresse souhaite savoir si un texte législatif est nécessaire pour mener les expérimentations en vue d’une deuxième loi-cadre. La mission se rendra d’ailleurs à Nice pour examiner une expérimentation menée lors du carnaval de Nice. Le président de la commission des lois, François-Noël Buffet l’interroge sur la sécurité des JO 2024. A l’origine, la proposition de loi sur la Sécurité globale comportait un volet sur la reconnaissance faciale notamment en vue d’assurer des Jeux Olympiques.
« On ne fera pas deux fois le débat devant le Parlement. C’est un sujet hautement inflammable. Je ne pense pas qu’on puisse faire un premier débat sur les expérimentations et un autre sur le droit commun […] Mon avis personnel est qu’il faut des expérimentations », a-t-il affirmé.
JO 2024 : « il faudra trouver des moyens pour assurer la sécurité sans la reconnaissance faciale »
Quant au JO 2024, Cédric O note « que le gouvernement n’a pas pris la décision « compte tenu du contexte et de la sensibilité du sujet ». « De toute évidence, il faudra trouver des moyens pour assurer la sécurité sans l’utilisation de ces mécanismes d’identification en temps réel. Des dizaines de Jeux Olympiques ont été organisées sans la reconnaissance faciale. Aurait-on pu dans le cadre d’une élection présidentielle, avec le surmoi politique qui nous habite les uns et les autres, avoir un débat apaisé sur le fait de déployer de la reconnaissance faciale dans le cadre des JO ? Je ne suis pas sûr. Je suis même certain du contraire ».