Recensement des migrants: débats animés au Conseil d’Etat

Recensement des migrants: débats animés au Conseil d’Etat

Le Conseil d'Etat s'est penché vendredi sur la circulaire controversée organisant le recensement des migrants dans les centres d...
Public Sénat

Par Claire GALLEN

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Le Conseil d'Etat s'est penché vendredi sur la circulaire controversée organisant le recensement des migrants dans les centres d'hébergement d'urgence, lors d'une audience animée où Etat et associations ont peiné à entendre leurs arguments respectifs.

Techniquement, la question centrale "est de savoir si les agents" de l'Etat "ont compétence pour entrer dans ces centres", a résumé l'un des avocats des plaignants, Patrice Spinosi. L'ordonnance sera rendue avant la fin de la semaine prochaine.

La "circulaire Collomb" a suscité un vif émoi, avec des critiques à gauche ou chez les intellectuels, et jusque parmi des proches d'Emmanuel Macron, alors que se profile un projet de loi "asile et immigration" lui aussi très critiqué, qui sera présenté en Conseil des ministres mercredi prochain.

Les associations considèrent en effet que la circulaire "leur impose par la contrainte un contrôle des personnes hébergées", ce qui est une "remise en cause de nos missions d'aide sociale", a affirmé le directeur de la Fédération des acteurs de solidarité (FAS), Florent Gueguen.

Avec cette circulaire du 12 décembre, l'Etat veut envoyer dans les centres et hôtels sociaux des "équipes mobiles", constituées d'agents des préfectures et de l'Ofii (Office français de l'immigration et de l'intégration), pour recenser les personnes hébergées selon leur droit au séjour.

Le gouvernement voit là le moyen indispensable pour connaître ces publics, et les orienter en fonction de leur situation (réfugiés, déboutés...) afin de désengorger des centres saturés.

Mais de l'avis du Défenseur des droits, qui avait envoyé un représentant, ces missions "ont pour but de recenser les personnes dépourvues de droit au séjour pour les réorienter vers une structure dédiée en vue de leur éloignement".

Sur ce point le ton est vite monté, tant les points de vue étaient divergents. "Certains préfets ont évoqué des sanctions financières en cas de refus d'application", a assuré M. Gueguen.

"Il y a eu des rappels à l'ordre", a rétorqué la représentante de l'Intérieur, Pascale Léglise, qui a comparé ces équipes à des "maraudes" d'information.

"Il n'y a pas de police, pas d'obligation de quitter le territoire", a-t-elle ajouté, assurant que les missions ne se faisaient "pas de manière contrainte, mais avec l'accord des centres et des étrangers qui peuvent ou non répondre".

- "Non lieu social" -

Mais "il n'y a pas de sanctuarisation de l'inviolabité des centres d'hébergement, il n'y pas d'inconditionnalité de l'accueil", a-t-elle affirmé.

Et "ce n'est pas aux gestionnaires d'être les garde-chiourmes des personnes" hébergées, a estimé Didier Leschi, le directeur général de l'Ofii, en rappelant le "devoir d'information" de l'Etat et en précisant que les équipes se rendraient uniquement dans les parties communes des centres.

"140.000 personnes se trouvent dans l'hébergement d'urgence et on est même incapable de faire une typologie de qui elles sont", a-t-il ajouté, en déplorant "le non lieu social où les gens sont abandonnés parfois plusieurs années" dans les hôtels sociaux.

L'une des grandes craintes des associations porte sur les personnes en situation irrégulière. "La nouveauté est d'aller les chercher en centre d'hébergement pour les assigner à résidence ou en centres de rétention administrative", a estimé la représentante du défenseur des droits.

"Faux", s'est emportée la représentante de l'Intérieur, pour qui les gens "ne sont pas obligés de se signaler. On vient au petit bonheur la chance et ceux qui sont en situation irrégulière, j'imagine qu'ils ne vont pas se présenter".

Mais c'est aussi le risque d'une "rupture dans le principe de confiance" qui est posée, a résumé M. Gueguen.

"Sous prétexte d'un recensement administratif, vous courrez le risque d'abîmer l'hébergement d'urgence", a déploré l'un de leurs avocats, François Sureau.

Les représentants de l'Etat ont déploré que les associations aient refusé d'élaborer un "vade-mecum" codifiant la mise en oeuvre de la circulaire -- un document dont le besoin témoigne de l'"ambiguïté" autour de la circulaire, pour la représentante du Défenseur des droits.

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