RDA : une étrange (n)ostalgie

RDA : une étrange (n)ostalgie

Le 9 novembre 2019, nous fêterons les 30 ans de la chute du mur de Berlin. S’il est admis que cet anniversaire commémore une libération, c’est un douloureux souvenir pour certains Allemands de l’Est : celui du jour où leur société s’est effondrée. « À l’Est de nos mémoires », réalisé par Jeanne Nouchi et Marion Verlé, fait le portrait des nostalgiques d’un passé que l’on veut condamner, le portrait d’une population aujourd’hui stigmatisée par les fractures économiques et politiques, qui hiérarchisent l’est et l’ouest.  
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Par Mariétou Bâ

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« Vous assistez à la contre-fête de la réunification de l’Allemagne », annonce l’animatrice de la soirée. Des septuagénaires et octogénaires sont assis face à elle, ils la regardent le sourire aux lèvres. Un couple se prend la main, comme pour se soutenir. Tous sont présents pour dénoncer la « colonisation » par l’Ouest, d’une Allemagne de l’Est qu’ils ont connue et aimée. « J’ai perdu mon pays », affirme sur scène un ancien habitant de RDA.

Puis, commence une série de portraits de ces « Ostalgiques » : les nostalgiques de « l’ost », « l’est », en allemand. Le documentaire nous présente d’abord Martina, une femme d’une soixantaine d’années, pour qui la vie semble s’être arrêtée il y a 30 ans. « Après la chute du mur, je me suis sentie isolée », explique-t-elle. Son regard est mélancolique. Ancienne journaliste, elle se ressource aujourd’hui dans la nature, et dans la peinture. Mario, un peu plus jeune, tient une boutique d’objets de la RDA. Leur fonction est souvent insignifiante - une boîte d’œufs, une lampe, un jouet -, mais leur valeur sentimentale est forte.

« Quand ils ont vidé mon école, tout est parti à la benne. Cela me faisait mal », confie Mario, ancien habitant de la RDA
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La RDA, des moments de convivialité dans la dictature

Les témoignages interrogent : comment peut-on être nostalgique d’un État policier ? Pourquoi se remémorer une période où la liberté d’expression était muselée par la Stasi, une police politique de renseignements, chargée de traquer chaque opposant au régime ? 180 kilomètres d’archives de cette institution liberticide, quelque 250 000 personnes incarcérées pour des raisons politiques entre 1945 et 1989, et le mot « stasi » n’est jamais prononcé dans le film.

Les Allemands de l’Est « se sont habitués à la léthargie de la protection », selon Michel Meyer, ancien correspondant de presse en Allemagne.

Et pourtant, même Angela Merkel, originaire de l’Est, déplorait dans une interview pour l’hebdomadaire allemand Die Zeit en janvier dernier une histoire partiale de la RDA : « la politique posait des limites strictes aux individus, mais elle n'était pas non plus omniprésente. Il y avait des amitiés. Il y avait des espaces où l'on pouvait discuter, réfléchir, faire la nouba. Dans les récits, on ne raconte pas ces aspects-là de la vie ».

Les « Ostalgiques » « se sont habitués à la léthargie de la protection », explique Michel Meyer, ancien correspondant de presse en Allemagne. Selon Saskia Hellmund, ancienne habitante de la RDA, c’est en partie à cause de l’énorme choc vécu en 1990, et de la volonté de détruire tout ce qui représentait l’Allemagne de l’Est, que certaines personnes s’attachent à cette société disparue, jusqu’à, parfois, l’idéaliser.

Vue de l’est, la réunification a en fait été l’effondrement de toute une identité, suivie d’une stigmatisation. Les témoignages du documentaire sont touchants, la narration très poétique. Le film crée une ambiance intimiste, hors du temps.

 

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