Quotient familial, taxe foncière, CSG: flottements fiscaux au gouvernement
Taxe foncière, quotient familial, "correction" de la CSG des retraités sur fond de débat sur la supposée "cagnotte" budgétaire: une série de...
Par Marc PRÉEL
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Taxe foncière, quotient familial, "correction" de la CSG des retraités sur fond de débat sur la supposée "cagnotte" budgétaire: une série de questions fiscales sensibles donnent lieu à un inhabituel flottement entre l'exécutif et la majorité, mais aussi au sein du gouvernement.
QUOTIENT FAMILIAL
En France, un foyer peut ajouter une demi-part par enfant vivant sous son toit (une part entière à partir du 3e enfant), ce qui réduit ses impôts dans la limite d'un certain plafond. C'est ce fameux "quotient familial" qu'a proposé de supprimer le député LREM Guillaume Chiche, suscitant une levée de boucliers immédiate.
L'idée permettrait de verser davantage d'allocations familiales dès le premier enfant, notamment pour la classe moyenne, mais se traduirait par des hausses d'impôts spectaculaires pour beaucoup de foyers, notamment les familles nombreuses.
Le co-rapporteur, Guillaume Chiche (LREM), le 16 juin 2017 à Niort (sud-ouest)
AFP/Archives
Selon plusieurs sources gouvernementales, Matignon et la ministre de la Santé Agnès Buzyn n'étaient même pas au courant des propositions du député, dans le cadre d'un rapport avec son collègue LR Gilles Lurton.
"Ça part de deux parlementaires qui ont bossé dans leur coin sans rien dire. On n'avait aucune alerte", reconnaît un ténor de la majorité.
"Le problème, c'est que la ministre (Agnès Buzyn) n'a pas fermé la porte dès le début", lorsqu'elle est interrogée mardi à l'Assemblée nationale par M. Lurton, opposé à cette piste.
Le ministère dément ensuite mollement en disant qu'"à ce stade", la suppression du quotient n'est pas prévue, avant que Matignon ne l'écarte définitivement dans la soirée.
TAXE FONCIÈRE
Fin décembre, Emmanuel Macron a fixé la barre encore un peu plus haut: non seulement 80% des ménages qui y sont actuellement redevables ne paieront plus (progressivement à partir de 2018) de taxe d'habitation d'ici 2020. Mais les 20% restants, les ménages les plus aisés, en seront également exemptés dans deux ans. La mesure, qui devait coûter initialement 10 milliards d'euros, en coûtera plus du double. Mais l'État, qui doit verser aux communes cet argent dont elles seront bientôt privées, doit trouver d'autres recettes.
Très prudent face au risque de devoir annoncer une mauvaise surprise fiscale qui effacerait l'effet de la taxe d'habitation, le gouvernement a enclenché une délicate "refonte" des impôts locaux.
Des missions sont lancées mais Édouard Philippe "veut prendre le temps" et éviter le "concours Lépine".
Sauf que le 13 mars, au Sénat, le ministre des Comptes Publics Gérald Darmanin suggère publiquement de calculer la taxe foncière, l'autre principal impôt local, en fonction des revenus. Ce qui pourrait faire baisser la note pour les propriétaires modestes, mais la faire flamber pour les autres.
Le Premier ministre a dû recadrer les choses mardi: "cette idée-là n'est pas sur la table".
CSG RETRAITÉS ET "CAGNOTTE" FISCALE
Face à la grogne des retraités, principale catégorie à supporter la hausse de la CSG depuis le 1er janvier, le gouvernement a toujours défendu une mesure qui exclut les 40% de retraités les plus modestes.
Mais, avec des seuils de revenu fiscal de référence retenus par Bercy à 1.200 euros pour une personne seule, et pas plus de 1.830 pour un couple, beaucoup de retraités soulignent qu'ils ne sont guère aisés.
Mardi, pour la première fois, M. Philippe fait un petit recul: en 2019, le dispositif va être corrigé pour 100.000 couples (sur 7,5 millions de retraités concernés) un peu au-dessus du plancher.
"Le Premier ministre avait conscience qu'il y avait besoin d'un ajustement", commente un ministre, même s'"il savait que ça ne calmerait pas la petite grogne".
Une décision qui intervient en plein débat sur une supposée "cagnotte" fiscale. Ces derniers mois, la croissance économique repart. Effet mécanique: les recettes fiscales sont légèrement meilleures que prévues.
Plusieurs voix dans la majorité, dont le rapporteur général LREM du budget à l'Assemblée, Joël Giraud, ont réclamé publiquement des "mesures correctrices", en redistribuant une partie aux Français.
Soulignant que l'État dépense encore plus qu'il ne gagne, le gouvernement a choisi le sérieux budgétaire: les recettes supplémentaires iront à la réduction du déficit.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.