Pub, rap, porno : la société pousse-t-elle au sexisme ?

Pub, rap, porno : la société pousse-t-elle au sexisme ?

Les invités de l’émission »On va plus loin » débattent de ce qui véhicule du sexisme dans notre société, au moment où Marlène Schiappa a présenté en Conseil des ministres, son projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes.  
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Mercredi 21 mars, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, a présenté en Conseil des ministres son projet de loi, destiné à lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

Le rap, le porno et la pub sont souvent accusés de promouvoir, sinon de véhiculer, le sexisme. Spécialiste du rap, Emmanuelle Carinos, doctorante en sociologie, estime que celui-ci n’a pas à être mis « dans le même sac » que la publicité et la pornographie. Et que souvent, il est victime de préjugés.

Pour étayer son propos, elle pose une devinette aux autres invités, en demandant de quel chanteur viennent ces paroles de chanson : « J’ai envie de violer les femmes, de les forcer à m’admirer ».

Personne en plateau, ne devine alors qu’il s’agit de Michel Sardou : « Le sexisme, c’est une caractéristique de notre société et ce n’est pas le propre du rap » analyse-t-elle.  « On voit davantage dans notre société actuelle le sexisme chez les classes populaires et les personnes issues de l’immigration postcoloniale, que chez les blancs bourgeois. Pour moi, il n’y en a pas plus. C’est juste exprimé différemment. Et par contre, il y a une sacrée tendance à le visibiliser davantage. Cette [visibilité] accrue est révélatrice, en fait, de choix politiques et des rapports de domination dans notre société. »

Martine Storti, essayiste et présidente de « Féminisme et géopolitique » rappelle, qu’à l’époque, les féministes s’étaient « bagarrées contre Sardou » : « Dans les chansons, on a dénoncé  un certain nombre de choses. Ce qui est assez affligeant c’est que génération après génération, il faut recommencer. » Mais elle ajoute : « Il ne faut pas confondre la critique et la censure (…) On a absolument le droit de dire que telle chanson est sexiste, cela ne veut pas dire qu’il faut l’interdire. »

La sénatrice communiste du Val-de-Marne et vice-présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Laurence Cohen, estime qu’il faut « interroger la société d’une manière générale » : « On est dans une société patriarcale où ce n’est pas grave d’inférioriser les femmes dans tous les domaines de la vie (…) On voit ça dans tous les milieux sociaux, c’est intergénérationnel. Et (…) l’action qui doit être menée c’est (…) d’abord une action d’éducation. Il y a vraiment au niveau de l’école la nécessité d’avoir une éducation sur l’égalité entre les filles et les garçons (…) De la crèche jusqu’à l’enseignement supérieur (…) Et il y a un deuxième aspect qui me tient très à cœur, c’est le fait d’avoir une véritable éducation sexuelle à l’école : le droit au plaisir, dans un partage mutuel. Là, on n’est pas dans dominant/dominé, on est dans deux personnes qui partagent le désir et qui ont des rapports sexuels ensemble. »

 

Martine Storti, va dans ce sens : « L’enjeu que l’on voit à travers #Metoo et #BalanceTonPorc depuis plusieurs mois (…), [et qui existe] depuis plusieurs années (…), c’est que ce n’est pas seulement l’égalité des sexes. C’est l’égalité sexuelle (…) C'est-à-dire que les femmes peuvent aussi exprimer leurs désirs. Et ça c’est tout à fait important. »

François Jost, professeur à la Sorbonne Nouvelle, spécialiste des médias et directeur de la revue Télévision, revient sur la comparaison entre Michel Sardou et certains rappeurs : «Dans l’époque de Sardou, les chansons sont souvent des fictions (…) Dans le cas du rap, c’est très différent parce qu’on a des chanteurs qui font partie de la communauté qui lui donne du succès. Ils renvoient véritablement à une réalité et pas à une fiction. C’est pour cela qu’ils sont beaucoup plus dangereux. »  

Emmanuelle Carinos, en désaccord total avec cette idée, considère que le problème est que l’ « on refuse au rap depuis des années, le statut d’art » : « Et avec le statut d’art, le droit au second degré » ajoute-elle.  

En revanche, tous se retrouvent sur l’idée que la publicité est grande pourvoyeuse de sexisme et ne peut être qualifiée d’« art ».

En conclusion, Laurence Cohen, analyse le problème, de façon globale : « À un moment donné, il y a besoin, pour débarrasser la société (…) du patriarcat qui sévit partout, d’une volonté politique (…) et de moyens financiers et humains. »

 

 

Vous pouvez voir et revoir le débat d’OVPL, en intégralité :

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