C’était en 2017 à New York. Bruno Le Maire s’était comparé avec humour à Hermès, le dieu messager d’Emmanuel Macron, le président « jupitérien ». Ce 2 février, dans la soirée, face aux sénateurs de la commission des affaires économiques, le ministre a dû descendre dans l’agora parlementaire et faire le service après-vente d’Hercule. Ce nom, emprunté à la mythologie gréco-romaine, est désormais attaché au projet controversé de réorganisation du groupe EDF. Les syndicats y sont opposés, de même que les partis de gauche, inquiets pour l’avenir de ce service public.
Au sein de la majorité sénatoriale de droite et du centre, les questions sont aussi présentes. « On entend tout et son contraire sur le projet de réforme d’EDF, Hercule, ce projet présenté tantôt comme prioritaire, tantôt périphérique, tantôt comme imminent, et tantôt inabouti », s’est exclamé le sénateur Daniel Gremillet, le monsieur énergie au sein du groupe LR. Le parlementaire, qui demande de la « clarté » à l’exécutif sur ce dossier, se demande si la réforme sera menée avant la fin du quinquennat. Et si oui, selon quel calendrier, et dans quel projet de loi.
Ces éléments précis, le sénateur des Vosges ne les a pas obtenus. Mais Bruno Le Maire a pu s’expliquer sur les « intentions » du gouvernement. « Personne n’aurait l’idée d’engager une transformation d’EDF pour démanteler cette entreprise. Ce serait injuste, ce serait inefficace et de toute façon, ce serait refusé. Donc ça n’est évidemment pas l’ambition du gouvernement », a-t-il répondu, afin de dissiper tout « malentendu ».
« Il ne faut pas que le coût de l’électricité explose », insiste Bruno Le Maire
Celui qui expliquait en janvier qu’EDF allait « dans le mur » si l’entreprise ne se transformait pas et si l’Etat n’y investissait pas, entend simplement permettre à l’énergéticien de se « développer ». Le groupe est actuellement endetté à hauteur de 41 milliards d’euros. Le projet prévoit de diviser le groupe en plusieurs entités : une entreprise sous contrôle de l’Etat, pour le nucléaire, une autre pour les barrages hydroélectriques, et une dernière pour la distribution et les énergies renouvelables, dont une partie du capital serait introduite en Bourse.
D’après le ministre, cela permettrait « d’assurer la couverture des coûts d’exploitation, de maintenance et de démantèlement du parc nucléaire », tout en permettant d’accélérer son développement dans les énergies renouvelables. « C’est le seul objectif d’une éventuelle réforme d’EDF », a assuré Bruno Le Maire sur ce dossier qu’il qualifie lui-même de « sensible ». Le projet est également justifié par la décarbonation de l’énergie et le développement des véhicules électriques. « Il ne faut pas que le coût de l’électricité explose. Donc la régulation du prix nous permet de protéger les consommateurs pour développer ces nouveaux usages », a-t-il ajouté.
Les débats sont « intenses » avec la Commission européenne
Etant donné la nature des activités d’EDF et les enjeux autour du dossier, la réorganisation s’annonce lourde et doit être abordée avec la Commission européenne. Et les négociations patinent. « Les débats sont intenses, disons-le », a reconnu Bruno Le Maire, avec un soupçon d’euphémisme dans la voix. « Nous ne transigerons pas sur un certain nombre de points durs qui nous paraissent essentiels au succès de la transformation de cette entreprise. »
« On en est où ? » est revenu à la charge le sénateur socialiste Jean-Claude Tissot, à qui les derniers articles sur le sujet dans la presse n’ont pas échappé. « On entend dire qu’il serait mis au garage jusqu’en 2022. »
La négociation est « difficile », mais elle ne souffre d’aucun « blocage », a assuré Bruno Le Maire, disant simplement que les enjeux sont « importants ». « Nous avons une qualité de relation excellente avec Margrethe Vestager, qui doit nous permettre de progresser », a-t-il précisé, en parlant de la commissaire européenne chargée de la Concurrence.