La commission des Affaires sociales du Sénat a commencé à examiner ce mercredi le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. S’il fallait prendre une référence médicale, les soins apportés au texte n’ont pas nécessité d’anesthésie générale dans le bloc chirurgical sénatorial. Les grands axes du texte semblent convenir à une majorité de sénateurs au sein de la commission des Affaires sociales.
Interrogé sur l’état de la discussion dans la commission qu’il préside, le sénateur LR Alain Milon, rapporteur du texte, fait état d’aspects consensuels. « Cela va plutôt bien dans l’ensemble. Je crois qu’il n’y a pas de discorde majeure sur la volonté d’avoir une politique territoriale mise en place par les acteurs locaux. Pas de volonté de casser les études qui ont été mises en place. » Le sénateur du Vaucluse fait référence à la suppression du controversé numerus clausus et de la PACES (première année commune aux études de santé).
De l’avis personnel du rapporteur au Sénat, Alain Milon, le principal écueil du texte reste budgétaire, et donc hors de portée des parlementaires dans ce cas précis. « Je pense que ce texte qui vient après la loi « Hôpital, patients, santé et territoire », 10 ans en arrière, les lois Touraine, il y a trois ans, va subir le même sort que les précédents. S’il y a des choses intéressantes – les GHT [les groupements hospitaliers de territoire], les CPTS [les communautés professionnelles territoriales de santé], les hôpitaux de proximité – il n’y a pas les moyens financiers mis en face pour leur permettre d’aboutir », déplore Alain Milon.
De nombreux amendements issus de la commission de l’Aménagement du territoire rejetés
Comme nous l’expliquions la semaine dernière, deux approches se sont opposées sur la manière de résoudre le problème de manque de médecins dans plusieurs pans du territoire. « La ligne de discussion qui pourrait y avoir, c’est avec la majorité sénatoriale qu’elle aurait lieu. C’est le partage entre ce qui peut être incitatif et ce qui est coercitif », résume le sénateur La République en marche Michel Amiel. Au niveau de la commission des Affaires sociales – où siègent sept médecins – le choix d’adopter des mesures régulant l’installation de nouveaux praticiens, ne l’a pas emporté. « Nous sommes pour la plupart convaincus qu’elles ne seront pas efficaces parce qu’il manque déjà des médecins », observe Michel Amiel.
Ainsi, plusieurs amendements, présentés par Jean-François Longeot (Union centriste), au nom de la commission de l’Aménagement du territoire, n’ont pas été retenus. C’est par exemple le cas du principe de conventionnement sélectif (avec l’Assurance maladie) pour limiter les installations de médecins dans les zones surdotées (une arrivée pour un départ). La commission de l’Aménagement du territoire, sensible au sort des territoires ruraux notamment, était saisie pour avis.
La commission des Affaires sociales a préféré adopter des mesures incitatives, comme le droit à une exonération de cotisations sociales sur les revenus des jeunes médecins qui s’installent dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme. Ce coup de pouce serait conditionné à une activité continue de cinq années, afin « d’inciter les jeunes praticiens à s'ancrer dans un territoire et auprès d'une patientèle ».
Le débat entre mesures coercitives et mesures incitatives n’est pas encore tranché au Sénat. Plusieurs amendements, retoqués en commission des Affaires sociales, pourraient avoir une deuxième chance, dans le cadre de l’examen du texte en séance publique du 3 au 6 juin. « Il y a une vision différente des choses sur certains sujets et la majorité jugera », indique Alain Milon.
Crainte sur les habilitations à légiférer par ordonnances
Sur le terrain des ordonnances que va prendre le gouvernement à l’issue de l’adoption de la loi, plusieurs amendements adoptés en commission précisent le champ de certaines habilitations, voire en restreignent les contours. Alain Milon rappelle que ces principes sont assez largement partagés. « Il y a un regret profond, c’est le fait que le gouvernement agisse par ordonnance et donc empêche le Parlement de pouvoir amener des modifications dans le cadre de l’organisation territoriale de la santé. »
Deux modifications introduites à l’Assemblée nationale ont aussi évolué en commission des Affaires sociales du Sénat. L’article, qui prévoyait la « saisine par un assuré, sans médecin traitant, du conciliateur de la Caisse principale d’Assurance maladie, dans le but « qu'un médecin traitant disponible puisse lui être proposé », est supprimé. Selon les sénateurs de la commission, la réponse à ce problème, qui concerne 10 % des assurés, « n’apparaissait pas opérante ».
Sur les missions des hôpitaux de proximité, la commission présidée par Alain Milon encadre également les choses. Le gouvernement avait accepté une proposition des députés de maintenir une activité de chirurgie dans certains de ces établissements labellisés, selon une dérogation basée sur une liste d’actes autorités. Pour les sénateurs, seuls les actes « programmés » doivent entrer dans ce champ.
Généralisation de l'espace numérique de santé à tous les usagers
L’essor des données et du numérique dans la politique de santé constitue aussi l’un des traits de ce projet de loi. La commission sénatoriale a aussi modifié les modalités du futur « espace numérique de santé », ce compte personnel en ligne auquel chacun pourra accéder par exemple à son dossier médical partagé (un carnet de santé numérique et centralisé).
Initialement, son ouverture n’était prévue que par l’initiative d’une personne. Ou bien, elle serait automatique (sauf opposition des parents) pour les personnes nées après le 31 décembre 2021. Pour que cet outil soit « efficace », les sénateurs ont préféré l’ouverture de l’espace à « tous les usagers du système » (sauf opposition de la personne).