Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Primaire de gauche : un premier débat à fleurets mouchetés
Par Public Sénat
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Dans une campagne express, c’est peu dire que les candidats de la primaire de la Belle alliance populaire misent sur les débats pour faire la différence. La première confrontation, en direct jeudi soir, organisée par TF1, RTL et L’Obs, avec Public Sénat et LCI en partenaires, a au moins eu le mérite de rappeler les lignes de chacun des sept candidats : Jean-Luc Bennahmias, Benoît Hamon, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Silvia Pinel, François de Rugy et Manuel Valls. Après 2h30 d’émission, il n’a cependant pas répondu à toutes les attentes. Plutôt qu’un réel débat, chaque candidat est resté dans son couloir, à quelques exceptions près. Les échanges sont restés courtois, le ton maîtrisé.
Difficile de défendre le bilan de Hollande
Manuel Valls n’a pas été à son aise durant la première partie sur l’économie, plus favorable à Arnaud Montebourg, Benoît Hamon. L’ex-premier ministre socialiste a justifié le bilan du quinquennat Hollande en la matière, position difficile. Il s’est rattrapé sur les questions régaliennes avec la lutte contre le terrorisme. Benoît Hamon, avec sa proposition du revenu universel qui fait débat, a joué la carte du candidat clairement à gauche. « Il faut une gauche qui s’assume » dit-il et « tournée vers le futur ». Arnaud Montebourg joue sur le même terrain du candidat marqué à gauche. Il a pu dérouler ses propositions tout en se démarquant sur la question de l’Europe, avec un retour des contrôles aux frontières et une dénonciation des critères de stabilité budgétaire. Vincent Peillon a pu, comme l’espérait ses soutiens avant le débat, se révéler en profitant de sa clarté, de son éloquence et de sa pédagogie, à l’exception d’une expression mal venue en parlant d’un militaire « d’origine musulmane ». Il veut être « le cœur de la gauche », entre les frondeurs et la droite du parti qu’incarnerait Valls.
Des trois « petits » candidats, François de Rugy (Parti écologiste) est celui qui s’en est le mieux sorti, par un discours précis. La prestation de Silva Pinel (PRG) a cruellement manqué de relief, donnant souvent l’impression de réciter. Mais dans ce débat, c’est Jean-Luc Benhamias (Front démocrate) qui a le plus surpris, à l’image de Jean-Frédéric Poisson pour la primaire de droite. Limite surréaliste parfois, le candidat a surpris par ses propos ou sa blague ratée sur Ségolène Royal.
Débat autour du revenu universel de Hamon
LA mesure qu’on retient de Benoît Hamon, c’est le revenu universel. Un exploit, vu la rapidité de la campagne. Les attaques de ses concurrents y ont contribué. Ils lui reprochent son coup et inciterait à la paresse. « Quand Michel Rocard a mis en place le RMI, on entendait des arguments semblables » souligne Benoît Hamon. Il défend ce « nouveau pilier de la protection sociale que nous devons à cette nouvelle génération ».
Valls, lui succède, en mode rassembleur : « Ici, je n’ai pas d’adversaires, encore moins d’ennemis ». Mais il insiste plutôt sur « une société du travail » et préfère « un revenu décent », « sous conditions de ressources, en lien avec le travail ».
Vincent Peillon tacle clairement le revenu universel, « ce n’est pas ce qui peut créer des emplois ». L’ancien ministre de l’Education veut « sortir d’une société d’héritiers » pour aller vers « une société du travail ». François de Rugy prend le contre pied et dénonce « certains candidats » qui annoncent « des dépenses supplémentaires à tout va », « après, les Français vont sortir leur carnet de chèques », « les classes moyennes vont payer la différence ».
Arnaud Montebourg propose lui « un plan de croissance » et entend « redonner du pouvoir d’achat ». Son idée ? « Abaisser la CSG pour une personne au Smic, pour donner un 13e mois ». « La feuille de paie, c’est la clef du redémarrage » dit l’ex-ministre de l’Economie. Il veut fondre l’impôt sur le revenu et la CSG, réforme avortée du quinquennat. Il entend abroger la loi travail, tout comme Benoît Hamon. Silvia Pinel mise pour sa part sur le soutien aux « TPE, PME, artisans et commerçants ».
Robots
On continue sur la fiscalité. « Nous devons la penser différemment » selon Benoît Hamon. Face « aux algorithmes et machines qui se substituent dans les entreprises de service au travail humain », il veut « une transformation de la fiscalité », soit au final « faire payer les robots ». Vincent Peillon l’allume : « Je ne crois pas que la gauche pourra gagner et battre la droite si elle arrive en disant « plus de croissance, plus d’emplois, 400 milliards d’impôts de plus, et je vais taxer les robots ». (…) Les robots c’est délocalisable ». Regardez :
Toujours côté impôts, Arnaud Montebourg veut augmenter la fiscalité « sur les profits et les supers profits des banques » tout en diminuant le CICE. Le chantre du made in France propose « la société des trois contrats : contrat de travail, de formation, d’activité ». Sur l’Europe, il lance : « L’objectif des 3% n’est pas pour mois pas un objectif politique, (…) c’est une règle absurde qui n’a pas de réalité économique, (…) il faut accepter une partie de confrontation avec l’Union européenne ».
Sur la lutte contre le terrorisme, Manuel Valls semble retrouver sa verve
Sur les questions de lutte contre le terrorisme, Manuel Valls semble retrouver sa verve. « Nous sommes en guerre » dit-il comme il l’a répété de nombreuses fois à l’Assemblée ou au Sénat. « On sait à quoi on se prépare et moi j’y suis prêt ». Il profite à plein de son statut d’ex-premier ministre. L’état d’urgence, il est prêt à le prolonger « autant que nécessaire ». L’ex-premier flic de France est là. « Je reste marqué par mon propre discours » après les attentats dit même Manuel Valls, qui ajoute, au risque d’en faire trop : « Ici, je suis Charlie et je serai toujours Charlie ».
Fait rare, Arnaud Montebourg remercie François Hollande sur son action contre le terrorisme. Il veut remplacer l’état d’urgence par « un état de protection permanent » et veut créer un parquet national à l’antiterrorisme.
A l’évocation de la déchéance de nationalité, une petite passe d’armes arrive entre Benoît Hamon et l’ex-premier ministre. Le premier était opposé à la mesure. Regardez :
« Nous sommes sept petits candidats. Aucun d’entre nous n‘est qualifié pour le second tour de la présidentielle… »
Les institutions ont occupé la fin du débat. Benoît Hamon veut associer les citoyens à la fabrication de la loi, la reconnaissance du vote blanc. De Rugy la proportionnelle, la vrai parité et le vote obligatoire. Vincent Peillon milite aussi pour la proportionnelle intégrale à l’Assemblée et dans les régions, le mandat unique, que les citoyens soient associés « non pas la fabrication de la loi, ce n’est pas leur rôle, mais à l’application de la loi ». Arnaud Montebourg peut ressortir sa VIe République pour laquelle il milite depuis longtemps, « instaurée par référendum dès l’automne 2017 ». Il propose « le tirage au sort des citoyens qui entreront au Sénat et seront sénateurs pendant 6 ans ».
Pour les candidats de la primaire, ce n’est pas encore le tirage au sort. Il reste deux débats avant le premier tour du 22 janvier pour les départager. « La présidentielle, ce n’est pas un concourt hippique, un jeu de petits chevaux » avertit Manuel Valls. Jean-Luc Benhamias a mis tout le monde d’accord à sa manière : « Nous sommes sept petits candidats. Aucun d’entre nous n‘est qualifié pour le second tour de la présidentielle… »