A un peu plus de deux mois du premier tour de l’élection présidentielle, les sénateurs ont auditionné la ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, sur l’organisation du scrutin. Un scrutin où le covid reste potentiellement une menace, même si les contaminations reculent. A cet égard, « l’expérience de 2021 nous permet d’aborder avec plus de sérénité la question de l’organisation des bureaux de vote. Des protocoles spécifiques ont été définis pour l’organisation des bureaux et la protection des membres de bureau de vote », soutient la ministre.
« Vue du côté des élections, la crise sanitaire a été bien gérée »
Un peu plus tôt, en fin de matinée, c’est Jean-Denis Combrexelle, président du comité de liaison Covid sur le déroulement de la campagne présidentielle, qui s’est montré lui aussi plutôt rassurant. Celui qui avait déjà été chargé d’une mission similaire pour les élections départementales et régionales tire globalement un bilan positif de l’organisation de scrutin sous covid-19.
« Grace à l’implication des maires, des préfectures, des partis politiques, des associations d’élus, finalement, la crise sanitaire, vue du côté des élections, a été bien gérée », estime Jean-Denis Combrexelle. Mais « tout l’enjeu sera, au regard du déroulement de la campagne et de l’organisation du scrutin, qu’on se retrouve dans la même situation favorable », ajoute l’ancien responsable du Conseil d’Etat.
« La double procuration a eu un impact modéré » souligne Marlène Schiappa
Interrogée sur la double procuration, demandée dans une proposition de loi organique par le sénateur centriste Philippe Bonnecarrère, Marlène Schiappa confirme qu’elle ne sera pas mise en œuvre, contrairement aux départementales et régionales. La ministre met en avant « le principe républicain qui veut que les règles électorales ne sont pas modifiées dans l’année précédant le scrutin ». Elle souligne par ailleurs que « la double procuration a eu un impact modéré, a été très peu utilisée. Elle n’a représenté que 8 % des mandataires, c’est moins de 20.000 électeurs, ce qui s’avère ainsi sans effet, en termes de pourcentage sur le niveau de participation ». « 20.000 électeurs, c’est beaucoup et il y a des échéances qui viennent. C’est considérable, ça peut faire la différence entre candidats à l’élection présidentielle », pointe Nadine Bellurot, la sénatrice LR de l’Indre, qui s’étonne que le gouvernement n’ait pas « anticipé » les difficultés techniques liées au registre électoral.
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Ce refus du gouvernement d’instaurer la double procuration étonne pour le moins le questeur du Sénat, le sénateur LR Philippe Bas. « Cela reste pour moi très mystérieux », dit le sénateur de la Manche. Il souligne au passage qu’il n’est en réalité pas impossible de changer « les conditions d’organisation d’une élection » avant le scrutin. Ça s’est déjà vu, notamment en 2002. Deux heures plus tôt, Jean-Denis Combrexelle a lui défendu l’idée des sénateurs. « La double procuration est quelque chose qui a bien fonctionné me semble-t-il », « j’ai tendance à penser que c’est une bonne mesure », avance le haut fonctionnaire.
« La nouvelle carte électorale sera avec un QR code »
L’un des enjeux de l’élection sera évidemment l’abstention. Pour lutter contre ce problème, aujourd’hui profondément ancré, Marlène Schiappa entend « favoriser la participation électorale ». Elle rappelle « la possibilité d’inscription sur les listes électorales plus tardive » et « facilitée ». La ministre ajoute : « Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 4 mars prochain en mairie et jusqu’au 2 mars sur le portail service-public.fr ».
« Il n’est pas trop tard », insiste-t-elle. Pour faciliter les choses, « la nouvelle carte électorale sera avec un QR code qui permet à l’électeur d’accéder directement à l’ensemble des informations concernant la présidentielle. Ça facilite l’interaction, l’interactivité » et « permet de savoir dans quel bureau on est inscrit ».
Alors que la communiste Cécile Cukierman demande si le gouvernement compte communiquer sur l’inscription sur les listes, Marlène Schiappa renvoie la faute sur « le système médiatique » qui la « désespère ». Bien qu’elle soit rodée à la communication sur les réseaux, dont elle use aisément, elle s’étonne :
Si moi je fais des tweets ou des posts Instagram sur des sujets personnels, ils sont repris des milliers de fois, si je change de coiffure. Et si je dis voilà la date à laquelle vous pouvez vous inscrire sur les listes électorales, il y a huit retweets. Je le déplore.
Mais promis, la ministre l’assure : il y aura « d’autres campagnes qui arrivent avec le Service d’information du gouvernement ».
Souplesse sur « l’éligibilité des dépenses » de campagne liées au covid-19
Quant au protocole sanitaire pour la campagne présidentielle, ils sont encore en discussion et « en cours de finalisation avec les partis et les candidats », au sein du comité du comité de Jean-Denis Combrexelle. Pour rappel, le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité d’imposer une jauge ou le passe vaccinal lors des meetings. Reste les « mesures barrières. Quand on dit qu’il faut le port du masque, que les gens ne soient pas trop proches les uns des autres dans la mesure du possible, qu’il y ait du gel hydroalcoolique, qu’on fasse en sorte que l’aération soit importante, tout ça ne pose pas de problème de libertés publiques », assure Jean-Denis Combrexelle. A toutes fins utiles, il rappelle au passage qu’il est « hors de question de subordonner le vote, d’une quelconque façon, à la présentation d’un passe sanitaire ou d’un passe vaccinal ».
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Un point sensible et dans les têtes des trésoriers de campagne : « La question de la prise en compte des dépenses supplémentaires s’agissant de la crise du covid ». Jean-Denis Combrexelle a lui-même posé la question au Président de la commission nationale des comptes de campagne. Si les plafonds de dépenses ne peuvent être modifiés, la commission devrait être « souple » sur « la question de l’éligibilité des dépenses », comme lors des départementales et régionales.
Après le « fiasco » de la propagande électorale, « la leçon » a été tirée par le ministère de l’Intérieur
Autre point important, moins lié au covid : « Les leçons ont-elles été tirées sur le dysfonctionnement dans la distribution de la propagande électorale ? » demande François-Noël Buffet, président LR de la commission des lois. Le socialiste Jean-Pierre Sueur parle même de « fiasco ». « Il y avait des faiblesses structurelles, car il y avait deux scrutins à organiser » en même temps, avec les départementales et les régionales, rappelle Jean-Denis Combrexelle, mais « la leçon a été appréhendée par le ministère de l’Intérieur. L’idée, c’est que c’est La Poste qui est le cocontractant » et les « exigences » ont été « renforcées ».
En la matière, Marlène Schiappa salue les « recommandations formulée par le Sénat », suite à sa commission d’enquête sur le sujet. Le gouvernement a même repris à son compte celles sur « la commande publique ». Quant à la mise sous plis, « nous avons décidé de la réinternaliser. Soit en régie préfectorale, soit par les communes ». De quoi permettre, cette fois, aux électeurs de recevoir à temps les professions de foi.