Présidentielle: quand les artistes désertent la campagne

Présidentielle: quand les artistes désertent la campagne

Les artistes, des déçus de la politique comme les autres ? A moins d'un mois de la présidentielle, peu d'acteurs, de chanteurs ou d'écrivains se...
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Par Nicolas PRATVIEL

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Publié le

Les artistes, des déçus de la politique comme les autres ? A moins d'un mois de la présidentielle, peu d'acteurs, de chanteurs ou d'écrivains se sont prononcés en faveur d'un des onze candidats en lice, signe d'une réelle désaffection par rapport aux précédentes campagnes.

"Il y a clairement un désengagement. De moins en moins d'artistes souhaitent s'afficher en soutien des politiques", constate Arnaud Mercier, professeur en communication politique à l'université Paris 2 Panthéon-Assas.

"Ils sont aussi des citoyens. Eux aussi expriment leur désamour de la classe politique, ils sont déçus sur le mode +ils ne tiennent pas leurs promesses+... Pourquoi s'engager pour des gens en qui on ne croit pas ?", ajoute-t-il.

Le dramaturge Olivier Py, directeur du festival d'Avignon, confirme: "Je crois qu'on n'a pas envie d'être récupéré, on veut rester libre, il y a toujours un danger d'être instrumentalisé".

En écho, le rappeur Akhenathon, leader d'IAM, cite les rimes d'une chanson encore inédite: "On nous supplie de nous rassembler/Mais où sont ceux qui nous ressemblent à l'assemblée?/Devant tant de vaines défiances/Nos affaires se referment en silence".

Pour Jamil Dakhlia, professeur en sciences de l’information à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, "les artistes sont aussi dans l'incertitude", d'autant que soutenir publiquement un candidat est "quelque chose de très engageant, de déterminant même pour leur carrière".

Certains payent encore leurs choix, comme le chanteur Faudel qui avait soutenu Nicolas Sarkozy en 2007 et subi les foudres d'une partie de son public.

- Contre-productif -

Autre facteur: ces appuis peuvent même être sans effet pour un candidat voire même contre-productifs, comme l'a montré la récente élection américaine où Hillary Clinton pouvait compter sur le soutien de Springsteen, Beyoncé ou Clooney.

"Plus Clinton mobilisait Hollywood ou les rappeurs, plus ça a renforcé la position de Donald Trump qui clamait défendre le peuple contre ces gens-là", explique Arnaud Mercier, ajoutant que "Nicolas Sarkozy avait eu ce type de discours en 2007 avec deux mots cibles: +Mai-68+ et +bobo+",

Alors que Ségolène Royal avait l'appui de Jeanne Moreau, Michel Piccoli, Cali ou Benabar, lui exhibait des stars populaires, Johnny Hallyday, Michel Sardou, Jean-Marie Bigard, Enrico Macias.

Ségolène Royal (c) entourée des chanteurs Yannick Noah (g) et Renaud, le 1er mai 2007 lors d'un meeting à Paris
Ségolène Royal (c) entourée des chanteurs Yannick Noah (g) et Renaud, le 1er mai 2007 lors d'un meeting à Paris
AFP/Archives

Les candidats "donneraient l'impression d'être dans un cadre jet-set du plus mauvais effet dans le contexte actuel", appuie Jamil Dakhlia. "On n'est plus à l'époque mitterrandienne, où Jack Lang était le ministre des artistes, lesquels tiraient profit d'un vrai mécénat culturel."

Les artistes, traditionnellement plus marqués à gauche, peuvent encore se mobiliser, comme en novembre quand plusieurs ont dit "stop au Hollande-bashing !" dans une tribune. Catherine Deneuve, Juliette Binoche ou Benjamin Biolay y défendaient le président, espérant encore qu'il briguerait sa propre succession.

"Ce dont témoignait cette tribune, c'est aussi une forme de désespoir. C'est donc moins pour défendre Hollande, que ce qui reste de la gauche", estime Jamil Dakhlia.

- Mélenchon le plus soutenu -

Dans ce silence global des artistes, une se distingue: Christine Angot, qui avait exhorté il y a un mois le président à se représenter pour ne pas laisser la France aller "dans le mur". Invitée jeudi soir à débattre avec François Fillon sur France 2, la romancière s'est de nouveau illustrée en accusant le candidat LR de faire un "chantage au suicide" en évoquant Pierre Bérégovoy.

Pour espérer que les candidats s'intéressent à la culture, "il faut peser, y aller, faire du lobbying", conseille Arnaud Mercier, alors que des artistes ont récemment déploré dans une tribune "le silence pesant sur la culture" dans la campagne.

Ils sont encore quelques uns, malgré tout, à soutenir des candidats ou se montrer en meeting à leurs côtés. C'est le cas de Juliette Binoche et Valérie Donzelli pour Benoît Hamon ou d'Erik Orsenna ou François Berléand pour Emmanuel Macron.

Mais celui qui semble rassembler le plus de soutiens est Jean-Luc Mélenchon, avec entre autres Jacques Weber, Philippe Caubère, Bernard Lavilliers, Edouard Baer, l'écrivain Laurent Binet.

Contrairement à Marine Le Pen, avec le comédien Franck de La Personne, François Fillon ne s'affiche avec aucun artiste. Après avoir évoqué l'an passé l'idée de voter pour lui, Renaud, lui aussi grand déçu de la politique, s'est sèchement rétracté en février en lançant lors d'un concert: "François et sa Penelope, dehors !".

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