« Il y a un malentendu avec moi, c’est ma blondeur », ironise Valérie Pécresse, jeudi soir sur le plateau de Punchline sur Europe 1 et CNews. Faut-il y voir un pied de nez à ceux qui ne l’imaginaient pas aller aussi loin, même dans sa famille politique ? Au soir du premier tour du Congrès LR, la présidente de la région Île-de-France peut se féliciter d’avoir opéré un retour gagnant au sein des Républicains, plus de deux ans après son départ. Si elle est arrivée derrière Éric Ciotti, elle sait déjà que les nombreux ralliements qu’elle a engrangés en quelques heures lui assurent de décrocher l’investiture des Républicains pour 2022. Ce samedi, l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy a transformé l’essai, en s’imposant face à son rival avec 61 % des suffrages. Valérie Pécresse pourrait donc devenir, à 54 ans, la première femme présidente de la République française, même si pour l’heure, les sondages nationaux la créditent d’à peine plus de 10 ou 11 % des intentions de vote.
Elle est en tout cas devenue cette après-midi, la première à porter les couleurs de la droite républicaine pour la présidentielle. Un succès qu’elle doit certainement à son image d’élue de terrain - citant largement au cours de cette campagne son expérience de présidente de région -, mais aussi aux positions très droitières qu’elle a pu aborder sur des thématiques chères au parti gaulliste : la sécurité et l’immigration. « Je suis une femme qui gagne et qui fait », a-t-elle martelé à plusieurs reprises devant les militants.
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Du Conseil d’État au Conseil des ministres
Enfance à Neuilly-sur-Seine dans une famille catholique, études versaillaises avant d’intégrer HEC puis l’ENA… Valérie Pécresse déroule le parcours (très) classique d’une future haute fonctionnaire, ce qui lui a longtemps valu une réputation - pas toujours flatteuse - de « bonne élève ». Elle commence sa carrière au début des années 1990 au Conseil d’État, comme auditrice puis maître des requêtes. En 1998, elle devient chargée de mission pour la présidence de la République. Elle attend les législatives de 2002 pour se plonger dans le bain politique, avec succès : elle est élue députée des Yvelines sous les couleurs de l’UMP avec plus de 65 % des voix face à une candidate de gauche. Sur les bancs de l’Assemblée, Valérie Pécresse se spécialise dans les questions judiciaires et familiales, si bien que son travail ne tarde pas à attirer l’attention de plusieurs ténors de l’UMP, dont Alain Juppé, qui la verrait bien entrer au gouvernement.
Elle devra toutefois attendre l’élection de Nicolas Sarkozy, en 2007, pour se voir confier un portefeuille ministériel : celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. De son passage au gouvernement, on retient la loi sur l’autonomie des universités, qui accorde notamment à ces dernières l’indépendance budgétaire, à l’origine toutefois d’un important mouvement de protestation étudiante. La grogne est réactivée deux ans plus tard par la réforme du statut des enseignants-chercheurs. En juin 2011, Valérie Pécresse remplace Christine Lagarde, alors nommée à la tête du FMI, au ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme d’Etat. En pleine crise de la dette de la zone euro, elle défend déjà la nécessité de tailler dans la fonction publique d’État (son programme pour 2022 réclame la supression de 200.000 postes de fonctionnaires).
L’Île-de-France comme tremplin
Lorsque la gauche arrive au pouvoir en 2012, elle s’engage dans la lutte contre le Mariage pour tous, mais se consacre aussi plus largement à sa région, l’Île-de-France, dont elle est conseillère depuis 2004. Elle fait de l’opposition au Pass Navigo à tarif unique son principal cheval de bataille. Forte du soutien de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, Valérie Pécresse impose au sein du parti sa candidature comme tête de liste des régionales. Elle est élue le 18 décembre 2015 face au socialiste Claude Bartolone, et reprend ainsi la première région d‘Europe à la gauche. L’extension de la vidéosurveillance, les économies de frais de fonctionnements, le développement des aides pour les lycéens et les étudiants font partie des grandes lignes du bilan qu’elle fait valoir en juin dernier, au moment de sa réélection…. dans un fauteuil (45,1 % des voix face à trois autres listes).
La reconquête de LR
Forte de ce succès, Valérie Pécresse annonce sa candidature à l’élection présidentielle le mois suivant. Mais le plus dur reste à faire : reconquérir une famille politique avec laquelle elle a pris ses distances. Déjà en 2016, un pas de côté interroge et soulève les critiques : cette filloniste historique choisit de soutenir Alain Juppé, alors archi-favori de la primaire. Par conviction ou selon un (mauvais) calcul politique ? Après la débâcle des élections européennes en 2019 et la démission de Laurent Wauquiez, le président de LR, elle annonce finalement son départ, invoquant « un parti cadenassé de l’intérieur ». Difficile pourtant de se passer d’une telle machine lorsqu’on entend se lancer dans la course à l’Élysée. Afin de recevoir l’investiture du parti, Valérie Pécresse joue la carte du collectif, se dit prête à accepter le processus de sélection qui sera choisi, primaire ouverte ou non.
Pour la sénatrice Pascale Gruny, l’une de ses porte-parole, c’est cette bonne volonté qui lui a permis d’obtenir le pardon des militants, à la différence d’un Xavier Bertrand, parti brutalement en 2017, et relégué à la quatrième place jeudi, quand les sondages nationaux le plaçaient aux portes du second tour en 2022. « Valérie n’a pas tant critiqué. Et puis elle a tout de suite dit qu’elle accepterait les règles du jeu. » Un jeu qu’elle a remporté haut la main samedi. Mais pour aller plus loin, elle va devoir composer avec la ligne dure défendue par Éric Ciotti - et portée aux urnes par près de 40 % des militants -, mais aussi trouver le moyen de se démarquer d’Emmanuel Macron, qui n’a eu de cesse de siphonner la droite au cours des cinq dernières années.