Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Pourquoi les gilets jaunes veulent un référendum d’initiative citoyenne
Par Marie-Pierre Bourgeois
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Réclamé par Nuit debout ou par le parti du vote blanc à chaque élection présidentielle, le référendum d’initiative citoyenne a fait son grand retour avec les gilets jaunes. D’abord discrètes au début du mouvement qui se concentrait principalement sur le pouvoir d’achat et la fiscalité, les questions institutionnelles sont désormais au cœur des revendications.
Jeudi dernier, lors d’une conférence de presse devant le Jeu de Paume à Versailles, l'un des hauts lieux de la Révolution de 1789, des figures du mouvement, Priscilla Ludovski, Maxime Nicolle, plus connu sous son pseudo Fly rider et Eric Drouet ont appelé le gouvernement à accepter le principe d'un Référendum d'initiative citoyenne.
700 000 signatures
A la différence d’un référendum classique, cette consultation ne serait pas convoquée par le pouvoir en place, mais initiée par les citoyens eux-mêmes. Concrètement, des Français pourraient proposer une loi et soumettre ce projet à leurs compatriotes, sous réserve d’avoir réuni 700 000 signatures.
Dans une liste des 42 revendications des gilets jaunes, largement partagée sur les réseaux sociaux, les modalités du RIC sont précisées :
« Création d’un site internet lisible et efficace, encadré par un organisme indépendant de contrôle où les gens pourront faire une proposition de loi. Si cette proposition de loi obtient 700 000 signatures alors cette proposition de loi devra être discutée, complétée, amendée par l’Assemblée nationale qui aura l’obligation (un an jour pour jour après l’obtention des 700 000 signatures), de la soumettre au vote de l’intégralité des Français. »
« La vraie démocratie »
Pourquoi se focaliser sur le RIC plutôt que sur l’augmentation du SMIC ? « Cet outil institutionnel peut être une solution à long terme pour les gilets jaunes. La démocratie directe est un outil fort qui resterait même si le mouvement commençait à faiblir » explique Yves Sintomer, professeur à Paris 8 et auteur de Petite histoire de l’expérimentation démocratique.
« Le RIC, c’est la vraie démocratie, appuie Pierre, gilet jaune dans l’Essonne. Et ça nous dote d’un outil qui peut nous permettre de faire passer nos revendications : augmentation du SMIC, baisse de la TVA sur les produits de première nécessité… ».
L’échec du référendum d’initiative partagée
Pourtant, le RIC ressemble fortement au référendum d’initiative partagée née en 2008 après la révision constitutionnelle.
Présenté à l’époque comme une « révolution qui redonnera du pouvoir aux citoyens » par Nicolas Sarkozy, il n’a jamais été utilisé. Et pour cause. Le dispositif inscrit dans la Constitution n'a rien d'un référendum populaire. L’initiative appartient en effet aux députés et aux sénateurs qui doivent déposer une proposition de loi. Elle doit ensuite être signée par un cinquième des parlementaires et validée par le Conseil constitutionnel avant de finalement se transformer en référendum.
« Ce dispositif n’a jamais permis de créer un espace pour permettre aux citoyens d’intervenir dans le débat public » regrette ainsi Sophie Taillé-Pollian, sénatrice Génération.s du Val-de-Marne.
Révision constitutionnelle obligatoire
Les gilets jaunes peuvent en tout cas s’inspirer de dispositifs à l’étranger relativement similaires qui, eux, fonctionnent. A commencer par la Suisse et son régime fédéral qui pratique plusieurs fois par an des votations sous l’égide de groupes de citoyens qui dépose une demande à l’administration fédérale qui peut l’accepter ou la rejeter.
Le groupe de citoyens à l’origine de la démarche dispose ensuite de dix-huit mois pour récolter 100 000 signatures. Une fois ce chiffre atteint, le Parlement élabore un contre-projet. Enfin, les citoyens sont appelés à se prononcer sur les deux textes. « On parle beaucoup de la Suisse mais il existe des pratiques similaires en Allemagne ou en Californie. explique Rémi Lefebvre, professeur de science politique à Lille 2. Mais attention, il faudra une révision constitutionnelle pour permettre au RIC d’exister en France. »
Vers des référendum locaux ?
Difficile pourtant d’imaginer le Parlement voter en faveur d’une révision constitutionnelle qui court-circuterait la fabrique habituelle de la loi. Pour le sénateur du Tarn Philippe Bonnecarrère (UC), co-rapporteur de la mission Décider en 2017 : le temps d’une démocratie coopérative, « il faut bien sûr écouter les initiatives citoyennes mais il faut aussi maintenir les droits du Parlement. »
Avant d’insister: « le point de vue participatif doit compléter le travail parlementaire et non pas s’y substituer comme je l’entends beaucoup en ce moment . »
Le sénateur socialiste Henri Cabanel qui a planché également sur ce rapport pousse, lui, pour le développement des référendum locaux. « C’est un bon outil pour répondre aux problèmes de vie quotidienne contrairement aux référendum nationaux » juge le parlementaire de l’Hérault.
Un constat qui laisse sceptique l’universitaire Rémi Lefebvre. « Les collectivités territoriales ont peu de pouvoirs. Plutôt qu’un RIC, la priorité est de renforcer le Parlement… qui doit enfin vraiment ressembler au peuple. » L'Assemblée nationale ne compte aucun ouvrier et le Sénat seulement 30% de femmes.