Pour Azouz Begag, « c’est à la fin des 30 Glorieuses que l’immigration est devenue un enjeu politique »

Pour Azouz Begag, « c’est à la fin des 30 Glorieuses que l’immigration est devenue un enjeu politique »

Alors qu'aujourd'hui le thème de l'immigration économique est devenu un véritable enjeu politique et électoral, il n'en a pas toujours été ainsi. Si l’arrivée des travailleurs immigrés en France au cours des 30 Glorieuses se fait dans un contexte de plein-emploi. La crise des années 1970 change la donne et transforme cette immigration économique en un enjeu politique pour les années à suivre.
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Par Adrien BAGET

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Dans les 30 glorieuses, les migrants sont un véritable enjeu économique pour les grands groupes industriels et le patronat français. Parmi eux Francis Bouygues livre en 1969 sa vision des travailleurs immigrés : « les étrangers ont beaucoup de qualités et ce sont des gens courageux ». Pour l’historienne de l’immigration Caroline Douki, « c’est un point de vue intéressant car cela montre un paternalisme patronal mais aussi une description des travailleurs immigrés comme un simple facteur de production qui doivent être là temporairement pour travailler (…) c’est une vision idéale de l’immigration économique qui oublie l’aspect social, cela ne se passait pas forcément comme le patron le souhaitait ».

Un durcissement politique envers les travailleurs immigrés

Alors que la crise économique se profile au tournant des années 1970, la création du Front national en 1972 marque une hostilité face aux travailleurs immigrés et transforme un discours à la base économique en un discours politique et électoraliste. Pour Caroline Douki, il y a « une opinion qui croît dans la société française du fait du discours du Front national qui présente l’enjeu de l’immigration non pas comme un enjeu économique mais de manière simplifiée ». Ce mouvement de plus en plus hostile aux travailleurs immigrés se conjugue avec la crise économique. Dès 1974 des mesures restrictives sont prises : suspension de l'immigration des travailleurs, fermetures des frontières... Les années 1970 marque donc un tournant dans la politique migratoire. Pour Azouz Begag, en 1974 « c'est le début des conflits dans les banlieues entre les jeunes immigrés et la police (…) les Français s’étaient habitués à cette immigration de transit et tout d’un coup il y a des centaines de milliers de jeunes qui commencent à être visibles (…) C’est à partir de la fin des Trentes Glorieuses que l’immigration est devenue un enjeu politique ». Une analyse que confirme Caroline Douki : « on n'est plus dans une analyse objective mais dans la volonté d’attiser le rejet dans l’opinion ».

1973 - Le rejet des immigrés #IDLR
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La politique d’immigration choisie

Dès 2006, la politique d’immigration choisie et non subie devient le nouveau credo de la droite sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Azouz Begag alors ministre délégué à la Promotion de l'Égalité des chances se souvient de cette période « Cela m’énervait, j’étais complètement opposé à cette politique car je voyais très bien qu’on allait braconner sur le terrain du Front national, ils ont fait de cette immigration un commerce identitaire qui fonctionnait sur les peurs ». Une politique qui n 'est pas neuve pour Caroline Douki, « piloter des flux d’immigrés en fonction de leurs qualifications (…) c’est une politique assez arrogante et inutile car les immigrés sont aussi attirés par des politiques d’immigrations choisies et les prétendus quotas n’ont jamais été remplis car les immigrés préféraient aller ailleurs comme en Allemagne où aux États-Unis où à l’époque ils étaient mieux reçus ».

La politique d'immigration choisie #IDLR
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Société

Procès de l'assassinat de Samuel Paty : tous les accusés ont été reconnus coupables

Les deux amis de l’assassin du professeur Samuel Paty, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, ont été reconnus coupables de complicité d’assassinat et condamnés à 16 ans de réclusion criminelle. Le verdict a été accueilli par des cris et des pleurs de la part de la famille de Naïm Boudaoud, âgé de 22 ans. « Ce soir, c’est la République qui a gagné », s’est félicité Thibault de Montbrial, avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné. La cour a également déclaré coupables d’association de malfaiteurs terroriste les deux auteurs de la « campagne de haine « qui ont fait de Samuel Paty une « cible » : Brahim Chnina, 52 ans et le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, ont écopé respectivement de 13 et 15 ans de réclusion criminelle. « J’ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice », s’est exclamé depuis son box Abdelhakim Sefrioui avant d’être sèchement interrompu par le président, tandis que la famille de Brahim Chnina, très nombreuse sur les bancs du public, éclatait en sanglots et cris de désespoir. Vincent Brengarth, un des avocats d’Abdelhakim Sefrioui, a annoncé aussitôt que son client faisait appel de sa condamnation. Ouadie Elhamamouchi, autre avocat du prédicateur, a estimé que son client était désormais « un prisonnier politique ». « Je me désolidarise de ces propos-là », a cependant nuancé Me Brengarth, montrant des failles dans la défense du prédicateur. Avocat de la compagne de Samuel Paty et de leur fils, présent à l’audience, Francis Szpiner s’est félicité d’un « verdict équilibré ». Le fils de Samuel Paty, âgé seulement de 9 ans, a compris que « justice a été rendue pour son père », a-t-il ajouté. Si le quantum des peines n’est pas très différent de ce que réclamait le parquet, la cour présidée par Franck Zientara a choisi de maintenir l’infraction de « complicité » pour les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, abattu par la police peu après son acte. Les quatre autres accusés, dont une femme, appartenant à la « jihadosphère » qui était en contact avec Anzorov sur les réseaux sociaux, ont également tous été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis. Pour deux d’entre eux (Ismaël Gamaev et Louqmane Ingar) la cour a retenu l’association de malfaiteurs terroriste tandis qu’elle a déclaré coupable Priscilla Mangel de provocation au terrorisme et Yusuf Cinar d’apologie du terrorisme. La veille de l’attentat, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient accompagné Anzorov à Rouen pour y acheter un couteau (pas celui qui a servi à décapiter Samuel Paty) qui sera retrouvé sur la scène de crime. A l’audience, Boudaoud et Epsirkhanov ont répété qu’Anzorov leur avait expliqué que ce couteau était « un cadeau » pour son grand-père. Le jour de l’attentat, le 16 octobre 2020, Boudaoud, le seul sachant conduire, avait accompagné le tueur dans un magasin de pistolets airsoft puis l’avait déposé à proximité du collège où enseignait Samuel Paty. « Volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers » Les deux jeunes gens « avaient conscience de la radicalité » d’Anzorov et qu’il « avait la volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers », a estimé la cour. Cependant, a souligné le président Zientara, « il n’est pas démontré que (les deux jeunes gens) étaient avisés de l’intention d’Anzorov de donner la mort à Samuel Paty ». Les magistrats du Pnat avaient requis 14 ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Boudaoud et 16 ans de réclusion également assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Epsirkhanov. La cour n’a cependant pas retenu la période de sûreté des deux tiers à leur encontre. Brahim Chnina, père de la collégienne qui a menti en accusant le professeur d’avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe lors d’un cours sur la liberté d’expression où il a présenté une caricature de Mahomet, avait lui posté des messages et une vidéo hostile au professeur dès le 7 octobre. Quant à Abdelhakim Sefrioui, fondateur de l’association (aujourd’hui dissoute) pro-Hamas « Collectif Cheikh-Yassine », il avait qualifié Samuel Paty de « voyou » dans une autre vidéo. Mais rien ne prouve qu’Anzorov avait vu la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui, avaient mis en avant ses avocats, ajoutant que leur client n’avait pas rencontré l’assassin de Samuel Paty. « La cour a considéré que (MM. Chnina et Sefrioui) avaient préparé les conditions d’un passage à l’acte terroriste », a indiqué M. Zientara. (Avec AFP)

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