Port du voile: le Sénat vote l’interdiction pour les parents accompagnant les sorties scolaires
Le Sénat à majorité de droite a adopté mardi, dans un contexte explosif, une proposition de loi LR visant à interdire le port de signes...
Par Véronique MARTINACHE
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
Le Sénat à majorité de droite a adopté mardi, dans un contexte explosif, une proposition de loi LR visant à interdire le port de signes religieux aux parents accompagnant des sorties scolaires, jugée "contre-productive" par le ministre Jean-Michel Blanquer, tandis que la gauche dénonçait "un climat intolérable".
A l'issue d'un débat passionné de près de cinq heures, le texte a été voté par 163 voix contre 114 et 40 abstentions. Il a toutefois peu de chances d'être voté par l'Assemblée nationale, dominée par la majorité présidentielle.
L'examen de ce texte controversé a été maintenu malgré les appels à gauche et dans la majorité à y renoncer, dans un climat tendu au lendemain de l'attaque contre une mosquée à Bayonne, qui a fait deux blessés graves.
La sénatrice (ex-PS) des Bouches-du-Rhône Samia Ghali a dénoncé un texte qui "stigmatise". Elle a accueilli le même jour au Sénat une trentaine de femmes et enfants des quartiers populaires de Marseille, dont certaines mères voilées.
Le sujet a été relancé par un élu du RN prenant à partie une femme voilée lors d'une réunion publique. La droite ne cesse de presser Emmanuel Macron de s'exprimer sur la laïcité.
- "Sorcières d'Halloween" -
Selfie d'une femme voilée en visite au Sénat, lors du débat sur le port du voile pour les mères accompagnatrices de sorties scolaires
AFP
Devant le Sénat, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a d'emblée réaffirmé son opposition à la proposition de loi, mais s'est engagé à être "en soutien des directeurs d'établissements dans les mesures qu'ils souhaitent prendre pour lutter contre le prosélytisme".
"En allant au-delà du nécessaire, une loi serait contre-productive parce qu'elle enverrait un message brouillé aux familles" qu'il faut "rapprocher" de l'école. Le ministre a également défendu son combat pour la laïcité, mais aussi contre le communautarisme et contre la radicalisation.
Le texte vise à modifier le code de l'éducation pour étendre "aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l'enseignement dans ou en dehors des établissements" l'interdiction des signes religieux ostensibles posée par la loi de 2004.
Le rapporteur Max Brisson (LR) a jugé "important que les débats se concentrent sur l'école et elle seule".
Les très nombreuses interventions se sont déroulées dans un climat relativement serein, hormis quelques saillies du sénateur non-inscrit Jean-Louis Masson, qui a notamment comparé les accompagnatrices voilées aux "sorcières d'Halloween".
Pour les auteurs de la proposition de loi, il s'agit de combler "un vide juridique" afin d'éviter de laisser aux chefs d'établissements la responsabilité de trancher.
"La loi doit être claire, la loi ne peut pas être dans le +en même temps+", a appuyé le patron des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau.
- "Amalgames simplificateurs" -
Toute la question est de savoir si la sortie scolaire est bien un "temps éducatif" et si les parents accompagnateurs doivent être considérés comme des "collaborateurs bénévoles" et donc soumis aux mêmes obligations de neutralité que les enseignants. La droite a défendu cette position, contestée à gauche.
Dans la majorité sénatoriale, Laurent Lafon (centriste) a mis en garde contre "le contexte dans lequel elle intervient, où les amalgames simplificateurs prennent le pas sur les discours raisonnés".
"Ce n'est pas parce que quelques-uns hystérisent le sujet qu'il ne faut pas le traiter", a rétorqué Jérôme Bascher (LR).
Les opposants à l'interdiction ont élargi le débat à ses conséquences: "Elle pourrait éloigner certains enfants de l'école publique" (Antoine Karam, LREM), elle couperait "le seul lien de socialisation pour ces femmes" (Colette Mélot, Indépendants).
Ce débat "est du pain béni pour les islamistes", a lancé Laurence Rossignol (PS) et le texte "nourrit la suspicion" contre certains citoyens, a renchéri Pierre Ouzoulias (CRCE à majorité communiste).
"Les prédateurs qui rejettent notre modèle républicain peuvent se réjouir de l’émergence d'une société de prohibition, d'interdiction, d'exclusion", a renchéri le président du groupe PS Patrick Kanner, tandis que David Assouline pointait "une montée du racisme antimusulman", en dénonçant avec virulence le discours du polémiste Eric Zemmour.
Trois sénateurs LR ont voté contre le texte et 10 autres se sont abstenus. Au PS, 15 élus n'ont pas pris part au vote, la majorité votant contre, comme l'ensemble des groupes CRCE et LREM. Les centristes, comme le RDSE à majorité radicale et les Indépendants, se sont partagés.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.