“Police fiscale” et “plaider coupable”: les mesures du plan anti-fraude de Bercy

“Police fiscale” et “plaider coupable”: les mesures du plan anti-fraude de Bercy

Création d'un service d'enquête spécialisé à Bercy, introduction d'une procédure de plaider coupable, publication du nom des plus...
Public Sénat

Par Valentin BONTEMPS

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Création d'un service d'enquête spécialisé à Bercy, introduction d'une procédure de plaider coupable, publication du nom des plus gros fraudeurs... Voilà les principales mesures du projet de loi contre la fraude présenté mercredi par le gouvernement.

Police fiscale

Le projet de loi élaboré par Bercy prévoit la création d'un service spécialisé à Bercy, dit de "police fiscale". Cette structure, dotée dans un premier temps d'une cinquantaine d'agents, sera placée sous l'autorité d'un magistrat. Elle pourra être saisie par le Parquet national financier (PNF) dans le cas de dossiers nécessitant une expertise fiscale pointue, avec des enjeux budgétaires considérables. Ce "fisc judiciaire", censé épauler la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF, actuellement débordée), pourra par ailleurs procéder à des écoutes et des perquisitions, comme le fait la police judiciaire.

Intermédiaires sanctionnés

Des sanctions administratives seront créées pour les "tiers complices de fraude fiscale et sociale", à savoir les officines (cabinets d'avocats, sociétés de conseil...) ayant élaboré les montages frauduleux ou abusifs. Ces intermédiaires, qui profitent aujourd'hui d'un certain flou juridique, pourront se voir infliger des pénalités allant de 10.000 euros à 50% des honoraires perçus. Une mesure à peu près similaire avait été proposée voilà quelques années par le Parlement, avant d'être censurée par le Conseil constitutionnel. Un risque cette fois écarté, selon Bercy, qui précise s'être assuré de la solidité juridique de son dispositif.

Nom des fraudeurs

La pratique du "name and shame" ("nommer et faire honte"), qui consiste à désigner publiquement le nom des fraudeurs à des fins dissuasives, via les journaux ou sur internet, sera développée pour les cas les plus graves. Elle deviendra obligatoire en cas de condamnation pénale, sauf décision expresse du juge, et possible pour certaines fraudes sanctionnées par l'administration, selon Bercy, qui évoque un "potentiel de plusieurs centaines de publications par an". "Il faut que le peuple français sache qui cherche à s'exonérer des obligations fiscales légitimes", a justifié le Premier ministre Edouard Philippe.

Plaider coupable

Une procédure de plaider coupable sera mise en place pour les fraudeurs poursuivis au pénal et disposés à reconnaître leurs torts. Ces derniers pourront ainsi s'éviter un procès, en acceptant la peine proposée par le parquet. Ce dispositif, destiné à accélérer les procédures et à améliorer les résultats de la lutte contre la fraude, n'empêchera pas -- le cas échéant -- la publication du nom des fraudeurs, précise le ministère des Finances.

Algorithmes

Des mesures seront prises dans le cadre du projet de loi pour accroître les échanges d'informations entre administrations. L'objectif est de développer l'exploration de données (ou "data mining"), afin de cibler les contrôles sur les cas les plus suspicieux. Cette technique, déjà utilisée depuis 2014 pour les entreprises et testée depuis fin 2017 pour les particuliers, permet de détecter les dossiers à risques grâce à des logiciels croisant les informations fiscales. D'après Bercy, une quinzaine de millions d'euros seront mobilisés pour développer l'équipement de l'administration. L'objectif est que le "data mining" soit à l'origine de la moitié des contrôles fiscaux à l'horizon 2021.

Liste noire

La France va revoir sa liste des paradis fiscaux pour la rendre "plus pertinente", selon Bercy. La liste française des Etats et territoires non coopératifs (son nom officiel) est en effet aujourd'hui uniquement basée sur le critère de la coopération administrative. Bercy souhaite aller plus loin, en intégrant les critères retenus par l'Union européenne, à savoir la "transparence fiscale", "l'équité fiscale" et la mise en oeuvre du plan de lutte contre l'optimisation fiscale dit "BEPS", mis en place sous l'égide de l'OCDE. Actuellement, sept pays figurent sur la liste française: Bruneï, Nauru, Niue, le Panama, les îles Marshall, le Guatemala et le Botswana. La liste de l'UE quant à elle en comprend neuf.

Plateformes internet

Le texte de loi va clarifier l'amendement voté en décembre 2016 par le Parlement, qui impose aux plateformes en ligne du type Airbnb de transmettre automatiquement à l'administration fiscale les revenus générés pour leurs utilisateurs. "Nous allons préciser les plateformes concernées" et "les informations qu'elles doivent transmettre", pour que le texte devienne effectif. Selon Bercy, il existe 276 plateformes d'économie collaborative opérant en France, dont 70% y ont leur siège social.

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

“Police fiscale” et “plaider coupable”: les mesures du plan anti-fraude de Bercy
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

“Police fiscale” et “plaider coupable”: les mesures du plan anti-fraude de Bercy
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le