Pénurie de médicaments : « C’est un sujet majeur, soulevé par le Sénat depuis deux ans »

Pénurie de médicaments : « C’est un sujet majeur, soulevé par le Sénat depuis deux ans »

Alors que l’association UFC-Que Choisir alerte sur la pénurie de médicaments qui touche le territoire, les sénateurs, qui se sont emparés du sujet à plusieurs reprises, reprochent un manque d’écoute de la part du gouvernement.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

« Il y a urgence sur le sujet » s’accordent les sénateurs. Ce lundi, une enquête révélée par UFC-Que Choisir alerte sur la pénurie de médicaments qui touche de plus en plus gravement la France, en cette période de crise sanitaire. Selon l’association, le nombre de pénuries médicamenteuses aurait triplé en trois ans sur le territoire, passant de 407 en 2016 à plus de 1200 l’an dernier. « Cette situation est d’autant plus alarmante que ces médicaments déclarés en pénurie par les laboratoires partagent tous une caractéristique primordiale : il s’agit de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) », pointe du doigt UFC-Que Choisir. « Notre étude, (…) montre en effet que les médicaments qui font l’objet de tensions d’approvisionnement ne sont pas les molécules récentes vendues à prix d’or. Au contraire, le portrait-robot d’un médicament en pénurie est celui d’un produit ancien et vendu peu cher » ajoute l’association, qui pointe du doigt la responsabilité des laboratoires et des pouvoirs publics dans cette situation.

« Je suis ravie que cette étude sorte, on remet le débat pour la table et ce sera peut-être l’occasion pour les politiques de s’en saisir », réagit la sénatrice centriste Catherine Fournier. Si le Sénat débute, ce lundi, les discussions autour du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le sujet est en débat à la Haute assemblée depuis plusieurs années. « C’est un sujet majeur, soulevé par le Sénat depuis deux ans », confirme Véronique Guillotin, vice-présidente en 2018 d’une mission d’information portant sur la pénurie de médicaments. « Il faut travailler sur ce sujet, nous ne pouvons plus nous permettre de rester en situation de dépendance vis-à-vis de l’Inde ou de la Chine, cela n’est pas viable en situation de crise, et ce sont les patients qui en subissent les conséquences. »

Un amendement du Sénat rejeté sur la question

« Je suis très en colère, car cette enquête sort au moment même où l’on apprend qu’un amendement que nous avions déposé pour demander la confection d’un stock de quatre mois de médicaments a été frappé d’irrecevabilité », tempête la sénatrice communiste Laurence Cohen. L’article additionnel à l’article 38 du Projet de loi pour le financement de la Sécurité sociale proposé par les sénateurs prévoyait ainsi de « tenir compte de l’importance majeure des MITM » en doublant les stocks des besoins en médicaments. « Ce gouvernement fait preuve d’un manque absolu d’écoute vis-à-vis du Sénat : on met le Parlement devant un fait accompli et on travaille par ordonnances », regrette Catherine Fournier. « C’est dommage, car le Sénat est toujours dans l’anticipation. Si le gouvernement accordait plus d’importance au Parlement, il éviterait d’agir perpétuellement dans l’urgence. »

Car les sénateurs le répètent : plusieurs propositions ont déjà été soumises au gouvernement pour traiter le problème de la pénurie médicamenteuse sur le territoire. « Il est urgent de relocaliser une partie de la production de ces médicaments », avance Véronique Guillotin. « C’est ce que proposait le rapport de notre mission d’information, mais il donnait également les moyens pour y arriver, par exemple l’exonération de charges pour les entreprises qui produiraient en France, ou une coordination accrue entre les grossistes, les pharmacies et les industries pour permettre une sécurisation du médicament de remplacement. » Des propositions qui, selon certains sénateurs, ont été ignorées par le gouvernement. « Ce n’est pas une situation facile pour le gouvernent qui doit faire face à une crise sanitaire », tempère la sénatrice LREM Patricia Schillinger. « Le contexte n’est pas idéal pour l’ouverture des discussions et des négociations. »

La nécessité d’une coopération européenne

Et si la plupart des élus du territoire pointent du doigt la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques et du gouvernement, ils s’accordent sur la nécessité de mener un travail européen pour faire face à cette pénurie médicamenteuse. « Il faut imaginer une mutualisation européenne de cette industrie », plaide Catherine Fournier. « Avec, par exemple, une taxation sur les produits de base à l’import pour forcer l’industrie pharmaceutique à se réimplanter sur le territoire européen. » Alors que les discussions s’ouvrent sur le budget de la Sécurité sociale 2021, les sénateurs sont plus que jamais alertes sur le sujet et préparent leurs propositions. Le 9 décembre, nous allons porter dans notre niche notre proposition de création d’un pôle public du médicament et de la recherche dans notre niche », avance déjà Laurence Cohen.

 

Dans la même thématique

Paris : illustrations of assize court of Paty s trial
5min

Société

Procès de l'assassinat de Samuel Paty : tous les accusés ont été reconnus coupables

Les deux amis de l’assassin du professeur Samuel Paty, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, ont été reconnus coupables de complicité d’assassinat et condamnés à 16 ans de réclusion criminelle. Le verdict a été accueilli par des cris et des pleurs de la part de la famille de Naïm Boudaoud, âgé de 22 ans. « Ce soir, c’est la République qui a gagné », s’est félicité Thibault de Montbrial, avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné. La cour a également déclaré coupables d’association de malfaiteurs terroriste les deux auteurs de la « campagne de haine « qui ont fait de Samuel Paty une « cible » : Brahim Chnina, 52 ans et le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, ont écopé respectivement de 13 et 15 ans de réclusion criminelle. « J’ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice », s’est exclamé depuis son box Abdelhakim Sefrioui avant d’être sèchement interrompu par le président, tandis que la famille de Brahim Chnina, très nombreuse sur les bancs du public, éclatait en sanglots et cris de désespoir. Vincent Brengarth, un des avocats d’Abdelhakim Sefrioui, a annoncé aussitôt que son client faisait appel de sa condamnation. Ouadie Elhamamouchi, autre avocat du prédicateur, a estimé que son client était désormais « un prisonnier politique ». « Je me désolidarise de ces propos-là », a cependant nuancé Me Brengarth, montrant des failles dans la défense du prédicateur. Avocat de la compagne de Samuel Paty et de leur fils, présent à l’audience, Francis Szpiner s’est félicité d’un « verdict équilibré ». Le fils de Samuel Paty, âgé seulement de 9 ans, a compris que « justice a été rendue pour son père », a-t-il ajouté. Si le quantum des peines n’est pas très différent de ce que réclamait le parquet, la cour présidée par Franck Zientara a choisi de maintenir l’infraction de « complicité » pour les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, abattu par la police peu après son acte. Les quatre autres accusés, dont une femme, appartenant à la « jihadosphère » qui était en contact avec Anzorov sur les réseaux sociaux, ont également tous été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis. Pour deux d’entre eux (Ismaël Gamaev et Louqmane Ingar) la cour a retenu l’association de malfaiteurs terroriste tandis qu’elle a déclaré coupable Priscilla Mangel de provocation au terrorisme et Yusuf Cinar d’apologie du terrorisme. La veille de l’attentat, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient accompagné Anzorov à Rouen pour y acheter un couteau (pas celui qui a servi à décapiter Samuel Paty) qui sera retrouvé sur la scène de crime. A l’audience, Boudaoud et Epsirkhanov ont répété qu’Anzorov leur avait expliqué que ce couteau était « un cadeau » pour son grand-père. Le jour de l’attentat, le 16 octobre 2020, Boudaoud, le seul sachant conduire, avait accompagné le tueur dans un magasin de pistolets airsoft puis l’avait déposé à proximité du collège où enseignait Samuel Paty. « Volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers » Les deux jeunes gens « avaient conscience de la radicalité » d’Anzorov et qu’il « avait la volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers », a estimé la cour. Cependant, a souligné le président Zientara, « il n’est pas démontré que (les deux jeunes gens) étaient avisés de l’intention d’Anzorov de donner la mort à Samuel Paty ». Les magistrats du Pnat avaient requis 14 ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Boudaoud et 16 ans de réclusion également assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Epsirkhanov. La cour n’a cependant pas retenu la période de sûreté des deux tiers à leur encontre. Brahim Chnina, père de la collégienne qui a menti en accusant le professeur d’avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe lors d’un cours sur la liberté d’expression où il a présenté une caricature de Mahomet, avait lui posté des messages et une vidéo hostile au professeur dès le 7 octobre. Quant à Abdelhakim Sefrioui, fondateur de l’association (aujourd’hui dissoute) pro-Hamas « Collectif Cheikh-Yassine », il avait qualifié Samuel Paty de « voyou » dans une autre vidéo. Mais rien ne prouve qu’Anzorov avait vu la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui, avaient mis en avant ses avocats, ajoutant que leur client n’avait pas rencontré l’assassin de Samuel Paty. « La cour a considéré que (MM. Chnina et Sefrioui) avaient préparé les conditions d’un passage à l’acte terroriste », a indiqué M. Zientara. (Avec AFP)

Le