Passe vaccinal : les sénateurs commencent les débats avec « sang-froid »
Alors que le ministre de la Santé, Olivier Véran, annonce un nouveau record avec « 350.000 contaminations ce soir », les sénateurs ont débuté l’examen du texte qui transforme le passe sanitaire en passe vaccinal. Ils limitent la mesure en l’encadrant. Les opposants, de gauche comme de droite, donnent de la voix dans un climat cependant plus apaisé qu’à l’Assemblée.
Deux assemblées, deux ambiances. Une semaine après des débats électrisés et chaotiques à l’Assemblée, sur fond de présidentielle, les sénateurs ont commencé ce mardi l’examen du projet de loi de gestion sanitaire qui porte le passe vaccinal. Si les désaccords sont parfois forts, les échanges se font plutôt à fleuret moucheté. Résumé de cet état d’esprit par le sénateur LR, Stéphane Le Rudulier : « Faudrait-il transformer le vote sur ce projet de loi en référendum sur votre gestion de crise ? La réponse est non. Ce serait irresponsable au regard de la situation sanitaire ».
Face au « raz de marée » épidémique – Olivier Véran a annoncé un nouveau record à « 350.000 contaminations ce soir, voire un petit peu plus » – le ministre de la Santé a appelé au « sang-froid ». Tout en défendant un « approfondissement des mesures de protection », somme toute très relatif, il a rappelé l’objectif du passe vaccinal : « Qu’une partie (des non-vaccinés) se laisse peut-être convaincre » de se faire vacciner. Mais Olivier Véran l’admet : « Le texte présent ne bouleverse pas l’économie générale de la gestion de l’épidémie, il vient enrichir et renforcer les outils ». Manière presque de reconnaître en creux qu’il ne peut répondre à l’urgence de la vague Omicron, du moins dans l’immédiat.
Contaminations: Olivier Véran annonce un nouveau record
09:25
Fidèle à sa ligne fixée depuis le début de l’épidémie, la majorité sénatoriale de droite et du centre soutient le principe du passe vaccinal, non sans l’amender. L’opposition d’une partie des sénateurs LR au texte ne devrait pas empêcher son adoption. Un quart du groupe (sur 146 sénateurs) pourrait voter contre ou s’abstenir. La sénatrice LR Muriel Jourda s’est fait le porte-voix des opposants du groupe LR.
« Tout a été fait pour que ce débat soit perturbé par des polémiques », a déploré le rapporteur LR du texte, Philippe Bas, « vous m’excuserez de ne pas recourir à un vocabulaire fracassant pour me faire entendre », a-t-il lancé, en référence aux propos d’Emmanuel Macron qui veut « emmerder » les non-vaccinés (voir la première vidéo). « Paradoxalement, ce texte n’a pas pour objet de répondre à l’urgence sanitaire », souligne le sénateur de la Manche, ne voyant pas d’effets venir « avant fin février ». Pour Philippe Bas, « les non-vaccinés ont bon dos ». Il ajoute :
Le seul argument valide, c’est celui de la protection et non de la punition des non-vaccinés.
Philippe Bas fixe « quatre conditions destinées à préserver les libertés de chacun »
En commission, Philippe Bas et les sénateurs de la majorité sénatoriale ont fixé « quatre conditions destinées à préserver les libertés de chacun », a rappelé le rapporteur : la limitation dans le temps du passe vaccinal, selon le niveau de l’épidémie et aux départements où moins de 80 % des personnes sont vaccinées ; un contrôle de l’identité du passe mieux cadré, où un permis ou une carte vitale peuvent suffire pour vérifier l’identité, sans se substituer aux policiers ; un passe vaccinal qui s’applique seulement aux plus de 18 ans ; et la suppression de l’amende de 1.000 euros par salariés, infligée aux employeurs qui n’appliquent pas le télétravail, point défendu par Chantal Deseyne, rapporteure LR pour avis de la commission des affaires sociales.
« Oui au passe vaccinal, oui à la clause de caducité », résume pour le groupe centriste Philippe Bonnecarrère, qui pointe l’absence de mesure dans le texte pour favoriser l’organisation de la présidentielle sous covid, même si le sujet nécessite un projet de loi organique.
Sur le principe, Olivier Véran « entend parfaitement la logique » d’une péremption du passe, « c’est quelque chose de cohérent ». « Mais le mettre dans la loi me pose des difficultés majeures, car nous sommes face à des situations qui montrent, vague après vague, qu’elles sont imprévisibles » (voir ci-dessous). Le ministre est aussi attaché au compromis trouvé à l’Assemblée qui fixe à 16 ans le seuil exigé pour appliquer le passe vaccinal pour les sorties scolaires, les activités périscolaires et extrascolaires. La question de la repentance pour les détenteurs de faux-passe prêts à se faire vacciner est un autre point d’achoppement. Des différences qui ne faciliteront pas un accord en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs. Mais les choses restent ouvertes.
Passe vaccinal: La réponse d'Olivier Véran aux apports du Sénat
07:33
Quant aux tergiversations successives sur le protocole à l’école, Olivier Véran assume et « préfère adapter le dispositif pour tenir compte de la réalité avec les Français plutôt que s’entêter avec un dispositif qui poserait plus de difficultés ».
La vaccination obligatoire, « la solution la plus claire » pour le PS
S’ils soutiennent le passe, les socialistes défendent avant tout depuis des semaines la vaccination obligatoire. « C’est la solution la plus claire, la plus nette, la plus compréhensible », défend le socialiste Jean-Pierre Sueur. « Ce n’est pas un texte de réponse à la vague actuelle. Et pourtant le gouvernement a tenté de passer en force », pointe de son côté son collègue du groupe PS, Bernard Jomier, selon qui « ce texte est une posture politique ».
En face, les opposants au passe continuent la bataille, à commencer par Loïc Hervé. Le sénateur centriste, pro vaccin, dénonce ardemment depuis des mois le passe sanitaire et maintenant le passe vaccinal. « Nous avons pris l’escalier sans retour de la limitation des libertés publiques, et nous devons nous poser la question de la marche arrière », a-t-il soutenu, en défendant une question préalable pour tenter de mettre fin aux débats. Il ajoute :
Où est la gauche des droits de l’homme ? Où est la droite des libertés ?
« Traçage numérique étatique banalisé »
La présidente du groupe communiste, Eliane Assassi, dénonce elle « l’état d’urgence sanitaire permanent », un « traçage numérique étatique banalisé », avec un « accès aux données médicales par les services préfectoraux ». La communiste rappelle « les contraintes qui portent lourdement atteinte à l’hôpital public », avec « des choix libéraux maintenus par Emmanuel Macron, malgré la pandémie ».
L’écologiste Guy Benarroche regrette pour sa part « une société de contrôle » et un texte qui n’aura « pas d’effet sur la vague actuelle ». Il appelle à généraliser les détecteurs de CO2 pour savoir quand aérer, alors que le virus se transmet par aérosol dans les pièces fermées. « C’est plus simple de respecter la limitation de vitesse quand on a un compteur », souligne le sénateur des Bouches-du-Rhône.
« En votant ce texte infâme, vous assassinez nos libertés sans assurer notre sécurité » lance quant à lui le sénateur RN, Stéphane Ravier, qui dénonce une « dérive autoritaire terrifiante, et ce qui me terrifie, c’est la docilité du Parlement ».
Claude Malhuret fustige « les trafiquants de fake news »
Dans un style très en verve, comme à son habitude, le président du groupe Les Indépendants, Claude Malhuret, a dénoncé les « politiciens aux abois qui essaient de se refaire la cerise » sur la crise sanitaire. « Philippot, Asselineau, Le Pen, Dupont-Aignan ou Mélenchon », a-t-il cité, « les trafiquants de fake news ». « La démocratie, ça ne consiste pas à écouter des rebelles de supermarché », insiste le sénateur de l’Allier. Reste que les opposants donnent toujours de la voix. Les débats continuaient en fin d’après-midi au Sénat. Les sénateurs ont débuté l’examen du texte proprement dit, avec l’article 1, et une série d’amendements pour supprimer le passe vaccinal.
Passe vaccinal : Claude Malhuret s’en prend aux « trafiquants de fake news »
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.