« On a eu le président narrateur, celui en guerre, on a maintenant le président épidémiologiste »

« On a eu le président narrateur, celui en guerre, on a maintenant le président épidémiologiste »

Le 31 mars dernier, Emmanuel Macron s’adresse, une nouvelle fois, aux Français. Il annonce de nouvelles contraintes sanitaires afin de freiner le rebond épidémique, sans décider un nouveau confinement, malgré les demandes insistantes des médecins. Le politique supplante-t-il la médecine, ou les politiques font-ils de l’épidémiologie ? Cette semaine dans Hashtag, Hélène Risser et ses invités décryptent l’évolution de la communication présidentielle depuis le début de la pandémie.
Public Sénat

Par Nils Buchsbaum

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Depuis de nombreux mois, les discours politiques d’Emmanuel Macron provoquent soupçon, défiance ou encore moquerie. Christian Salmon auteur de « La tyrannie des bouffons : sur le pouvoir grotesque » et chroniqueur pour le site d’information Slate explique ainsi le discrédit qui frappe la parole présidentielle : « Depuis le début de la crise du covid-19, le président a multiplié les interventions et les formes de discours. On a eu le président narrateur, le président en guerre, on a maintenant le président épidémiologiste, il y a une sorte d’inflation des récits, des explications ».

« Emmanuel Macron essaye de construire le récit du politique qui se réaffirme par rapport au sanitaire ».

Philipe Guibert, communicant et ancien directeur du SIG (Service d’Information du Gouvernement) sous le mandat de François Hollande, analyse ainsi les variations d’Emmanuel Macron : « Il essaye depuis le début de l’année de construire le récit du politique qui se réaffirme par rapport au sanitaire, qui ne se laisse pas dicter ses décisions par les scientifiques, qui prend en compte d’autres éléments et critères dans la décision et en même temps, en donnant parfois de lui une image parfois prétentieuse d’être le président épidémiologiste qui connaît mieux les études que les scientifiques ».

Mais pourquoi fait-il cela ? Pour le communicant, l’élection présidentielle de 2022 est une des clés de la compréhension de sa communication actuelle, « il veut être le président du non-reconfinement ». Christian Salmon ajoute : « On a le Président qui se justifie, on retrouve toujours cette espèce de décrédibilisation de la parole publique. Au début de la pandémie, il avait cherché à adosser sa parole fragile de l’homme politique à celle du fameux conseil scientifique. Et puis les mois passant, il prend un peu de l’assurance et essaie de s’adosser à une sorte d’expertise personnelle. Le problème est que quand on change de pied comme cela, qu’on s’appuie à l’autorité scientifique puis qu’on l’incarne soi-même, on a une parole qui s’effondre dans la spirale du discrédit plutôt que de se relégitimer ».

Christian Salmon considère aussi que l’émergence des réseaux sociaux a contribué à la désacralisation de la parole des dirigeants politiques dans leur ensemble : « Depuis 2005 et l’arrivée des réseaux sociaux, la médiasphère multiplie le discrédit et le soupçon. Toute image proposée, répandue, retweetée au lieu d’alimenter un débat raisonné produit le discrédit. Que ce discrédit vienne du Président ou des dirigeants politiques. Toute parole lancée sur les réseaux sociaux est sujette à caution, à réinterprétation, au soupçon ».

« Le discours présidentiel n’est plus pris au sérieux »

Soupçon ou moquerie, peu de temps avant l’allocution du 31 mars, on a pu voir se diffuser sur Twitter le hashtag #MacronFacts, des images et vidéos parodiques tournant en dérision les compétences d’Emmanuel Macron en matière d’épidémiologie. « Le discours présidentiel n’est plus pris au sérieux « continue Christian Salmon, » quand on pense à la sacralité de la parole du président sous la Ve République, en particulier celle du général de Gaulle, on n’aurait jamais vu ça. Le général, qui pouvait faire de l’humour dans une conférence de presse, était écouté et qu’on soit d’accord ou pas avec lui, la parole était crédible ».

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